Je vous avais déjà présenté la réalisation d’un end fed destiné uniquement à la bande des 80 m. Cette antenne donnait des résultats corrects, sans toutefois offrir de performances exceptionnelles – ce qui, en ville, reste déjà appréciable.
Cependant, le support que j’utilisais a dû disparaître pour laisser place à de nouvelles habitations préfabriquées destinées à loger deux familles ukrainiennes.
Pas question pour autant de rester inactif sur la bande des 80 m ! j’ai décidé de me lancer dans la construction d’une antenne verticale raccourcie. Plus qu’un simple test, c’était une véritable envie de voir si ce type de montage pouvait convenir à ma situation urbaine.
Une antenne plus courte que sa longueur de résonance naturelle est électriquement capacitive. Pour compenser cette réactance capacitive, un élément inductif, connu sous le nom de bobine de charge, est inséré en série avec l’élément rayonnant. Cette bobine ajoute la réactance inductive nécessaire pour annuler la réactance capacitive, permettant ainsi à l’ensemble de l’antenne de retrouver sa résonance à la fréquence souhaitée.
La performance des antennes raccourcies est particulièrement vulnérable à la résistance de perte. Par nature, une antenne dont la longueur est significativement inférieure à λ/4 a une résistance de rayonnement (Rr​) très faible.
Malgré cela je me suis imposé un cahier des charges assez strict par manque de place :
- la hauteur ne devait pas dépasser 9 mètres, composé d'un seul long fils,
- l'ajout d'une bobine, pour compenser la longueur,
- l’antenne devait partir du sol pour rejoindre le pylône de mon antenne ULTRABEAM, elle-même située à environ 10 m de hauteur et fixée sur ma maison. Cette « verticale raccourcie » puisque en réalité non verticale est configurée comme une antenne slooper alimentée par le bas.
- et l’unique possibilité pour le moment, d’ajouter 3 radiales de 10 m dans les trois points cardinaux et au sud, par un grillage de 50 cm X 4 m, vu la proximité de ma maison.



Neuf mètres pour 3.5 MHz ce n'est pas suffisant donc je devais ajouter une bobine de charge. Mais de quelle longueur, de quel diamètre, de quelles valeurs ?
La bobine de charge est un élément central de toute antenne raccourcie. Son rôle est de fournir l’inductance nécessaire pour annuler la réactance capacitive du brin rayonnant. L’efficacité de la bobine est directement liée à son facteur de qualité (Q), qui est le rapport entre sa réactance inductive et sa résistance de perte.
Recherche d’une bobine
Une simulation et modélisation de l’antenne a été réalisée à l’aide du programme 4NEC2. Ce genre de simulation est à prendre avec beaucoup de précautions étant donné que divers facteurs influencent le comportement de l’antenne, comme la position des radiales, leurs longueurs, les propriétés électriques du sol, les objets métalliques et/ou conducteurs à proximité de l’antenne….
Néanmoins, la valeur de la bobine modélisée nécessaire pour l’adaptation d’impédance est de 37 µH, ce qui n’est pas trop loin de valeur finale approximative de 30 µH.
Fabrication de la bobine
En parcourant le Web, j’ai découvert le travail d’un OM, SA2CLC Tommy Stenmark, qui a généreusement mis à disposition de la communauté – sous licence Creative Commons Attribution – un modèle qui m’a immédiatement séduit. Il correspondait en tout point à ce que je souhaitais réaliser.
Pour donner vie à ce projet, j’ai pu compter sur l’aide précieuse de mon ami Jean-François ON1KFK, qui a imprimé la pièce grâce à son imprimante 3D.

J’ai bobiné 30 spires de fils de cuivre émaillé de 1.5 mm, occupant ainsi toutes les fentes disponibles, puis réalisé les connexions et ajouté un connecteur femelle SO-239.
Pour optimiser le facteur Q d’une bobine de charge, plusieurs principes de conception sont essentiels : utiliser un fil de grand diamètre ou un tube, espacer les spires pour réduire les pertes par effet de proximité, et favoriser un rapport entre le diamètre et la longueur de la bobine qui minimise les pertes.
Résultats et modélisation sur papier
Sur la fig. 3 et 4 nous remarquons le diagramme de rayonnement parfaitement omnidirectionnel, ce diagramme est fortement influencé par la position des radiales.


La figure 5 montre le diagramme de rayonnement vertical qui a son maximum à 28 degrés d’élévation. Néanmoins, à ma surprise, on dispose d’une excellente puissance rayonnée à partir de 15 degrés, ce qui est tout à fait remarquable vu les limitations physiques de l’antenne. Reste à confirmer par des tests « on Air ». J’attire néanmoins l’attention que ce diagramme est largement dépendant des propriétés électriques du sol et du nombre de radiales.

Sur la figure 6, on peut observer combien mon antenne verticale est omnidirectionnelle, avec seulement trois radiales. Par manque d’espace, je n’ai pas la possibilité d’installer un 4e, ce qui donnerait un « donut » quasi parfait !

La fig. 7, nous montre la distribution des courants et phase de l’antenne, parfaite symétrie due aux longueurs identiques des trois radians (même intensité) pas de déphasage entre les radiales.

Grâce à la fig. 8, nous pouvons remarquer facilement la réelle limitation de mon antenne, due à ses dimensions très réduites. Son gain est de -2.52 dB et son efficacité au niveau rayonnement est de l’ordre de 15 % seulement !

Il est possible d’accorder quasi parfaitement l’antenne en jouant sur la valeur de la bobine. La simulation (fig. 9) nous permet d’obtenir une valeur très réaliste et proche des mesures effectuées.

Le diagramme d’intensité de champ (fig. 10) est très utile, car il permet de comparer la valeur théorique et une autre réelle et cette fois-ci mesurée à 1 km de distance. Ce qui permettra de valider objectivement la modélisation. Une valeur de 40 – 45 dB µV/m devrait être obtenu.

La bobine
D’après mes calculs, je devais obtenir une inductance d’environ 27 µH. En vérifiant avec le site Coil Inductance Calculator*, je constatais que j’étais bien dans la bonne direction.

Les tests


Après avoir fixé le fil vertical à la bobine, j’ai entrepris les premiers réglages avec mon NanoVNA. Pour optimiser l’accord, j’ai commencé par court-circuiter partiellement la bobine : en pratique, cela revient à réduire le nombre de spires actives afin d’abaisser l’inductance et de rapprocher le système de la résonance recherchée.
Les premiers essais furent prometteurs. Après plusieurs ajustements, j’obtenais un ROS de 1,12 : 1 en bas de la bande et de 3,25 : 1 en haut. Ces valeurs sont tout à fait acceptables en trafic réel (intéressé plus particulièrement pour la CW et le numérique), surtout pour une antenne verticale réalisée dans un environnement urbain contraint.
Attention, un faible ROS indique simplement que l’impédance de l’antenne, qui est purement résistive à la résonance, est parfaitement adaptée à l’impédance caractéristique de la ligne de transmission, typiquement 50 ohms.
Le ROS ne fournit aucune information sur l’efficacité de l’antenne. Une antenne peut présenter un ROS de 1:1, mais si la résistance totale de 50 ohms est principalement composée de pertes, le rendement sera ainsi catastrophique.
(Désolé pour ces photos, vous pouvez toutefois cliquer dessus pour agrandir).



Le réglage optimal fut atteint avec 24 spires, donnant une inductance d’environ 27 µH. Cette valeur n’est pas choisie au hasard : elle permet à la self de jouer efficacement son rôle de bobine de charge pour amener l’antenne à une impédance d’environ 53 Ω, proche de l’adaptation standard de 50 Ω utilisée avec nos émetteurs.
En résumé, une solution simple, compacte, et parfaitement exploitable. Une belle réussite, une fois de plus !
Pour finir, j’ai protégé la bobine et les connexions par un vernis transparent de la marque « Weinon ».
Le Plan de Sol : Un élément essentiel, pas un accessoire
L'analyse de toute documentation confirme que le plan de sol est la source la plus importante de pertes pour une antenne verticale, en particulier pour les antennes raccourcies. La performance dépend directement du nombre et de la longueur des radiales. La résistance de perte du sol peut être colossale et absorber la majeure partie de la puissance.
Par exemple une étude scientifique de référence réalisée par la RCA en 1937, toujours d’actualité, a montré qu’une verticale sur 14 MHz avec seulement deux radiales n’atteint qu’un rendement probable de 38 %. Ce rendement passe à 78 % avec quatre radiales, et à 97 % avec 32 radiales. Ces chiffres démontrent que l’effort consenti pour le plan de sol est le facteur le plus déterminant de la performance globale de l’antenne.
Résultat donc à vraiment améliorer est le nombre de radiales.
Tests sur l’Air
J'ai effectué un premier test en FT8 à la fin du mois d’août. Avec une puissance de 70 watts à mon antenne, les résultats ont confirmé mes attentes et mes doutes : elle est un peu juste pour le DX, mais elle se révèle parfaitement efficace pour établir des contacts sur l’ensemble de l’Europe.
Pour les contacts longue distance, notamment sur les bandes basses (40 m, 80 m et 160 m), il est possible de tirer parti de la greyline (zone crépusculaire) principalement en hiver, pour optimiser la propagation et atteindre des pays plus lointains.


Conclusions
Cet article a pour but de mettre en avant le faible coût de la réalisation, un argument majeur pour inciter à expérimenter. Il ne prétend pas être une étude scientifique exhaustive sur les antennes verticales, mais un manuel de recette efficace.
Sur la base de cette analyse, plusieurs recommandations peuvent être formulées pour améliorer la performance de l'antenne sans la re-concevoir entièrement. Une optimisation du Plan de Sol, c'est le point le plus critique. L'ajout d'un nombre maximal de radiales est primordial. Pour un rendement élevé, un minimum de 16 radiales de 1/4 d'onde est recommandé. Bien qu'un grand nombre de radiales courtes soit préférable à un petit nombre de radiales longues, l'idéal est de combiner quantité et longueur adéquate.
L'ajout d'un chocke balun qui apportera un bénéfice dans l'élimination des bruits captés par le coax qui pourraient remonter à l'antenne et perturber la réception.
Repères
https://www.thingiverse.com/thing:4525375
https://www.youtube.com/watch?v=-jBY1lX0aCg
https://hamwaves.com/qoil/en/index.html
https://www.66pacific.com/calculators/coil-shortened-vertical-antenna-calculator.aspx
https://www.66pacific.com/calculators/coil-inductance-calculator.aspx
Remerciements à Carlo et ON4CY pour leurs précieux encouragements.
Licencié Harec depuis 1990, après une pause de quelques années, j'ai renouvelé mon intérêt pour la radio, je suis particulièrement actif en HF, appréciant le FT8, les contest et la chasse au Dx. Depuis 2021, je suis président de la section de Liège et administrateur du site Internet www.on5vl.org. Passionné d'informatique, je suis convaincu que le monde des radioamateurs doit évoluer avec les avancées technologiques, notamment avec l'émergence de l'IA dans nos shack.