samedi, février 22

La RF dans le Shack

La prĂ©sence d’un rayonnement radio-frĂ©quence dans le shack peut ĂȘtre facilement dĂ©celĂ©e par des phĂ©nomĂšnes comme le dĂ©crochage de l’écran du PC, l’arrĂȘt du PC lui-mĂȘme, une instabilitĂ© de l’éclairage, 
 alors que tous les Ă©quipements d’émission sont censĂ©s ĂȘtre correctement raccordĂ©s en Ă©toile Ă  une borne de terre unique.

Quelle pourrait ĂȘtre l’origine du problĂšme ?

La premiĂšre hypothĂšse pourrait venir de la disposition de l’antenne d’émission, sa distance en longueurs d’onde par rapport Ă  la station, son orientation et/ou sa proximitĂ© extĂ©rieure-intĂ©rieure au cĂąblage Ă©lectrique du domicile.
Dans ce cas, il s’agit de rĂ©duire toute possibilitĂ© d’induction directe du rayonnement, induction Ă©lectrique et magnĂ©tique dans la structure Ă©lectrique gĂ©nĂ©rale du bĂątiment.
La deuxiĂšme hypothĂšse, la plus probable, est que quelque « chose Â» conduit le rayonnement de l’antenne Ă  l’intĂ©rieur du shack. Le prĂ©sumĂ© « coupable Â» ne pourrait ĂȘtre alors, et en prioritĂ©, que la ou les lignes de transmission qui relient les diffĂ©rentes antennes Ă  leurs Ă©metteurs respectifs.

Comment un cĂąble coaxial blindĂ© pourrait-il amener la RF de l’antenne dans le shack ?

La ligne d’alimentation coaxiale, pour ne parler que d’elle car la plus frĂ©quemment utilisĂ©e, mĂ©rite avant tout une analyse de sa constitution mĂ©canique et de son comportement Ă©lectrique.
Le coax comme chacun le sait est supposĂ© ĂȘtre une ligne bifilaire, Ă  deux conducteurs, dont l’un des conducteurs, le conducteur central est enfermĂ© (blindĂ©) Ă  l’intĂ©rieur de l’enveloppe constituĂ©e par le second conducteur, la tresse dite de masse.
Cette ligne d’alimentation de l’antenne a pour fonction initiale de vĂ©hiculer le courant RF de l’émetteur vers l’antenne et rĂ©ciproquement, par le conducteur central et de rĂ©cupĂ©rer le courant en retour via la tresse du blindage, pour constituer un circuit Ă©lectrique fermĂ©, comme tout autre circuit Ă©lectrique conventionnel qui permet Ă  un courant de circuler au dĂ©part d’un gĂ©nĂ©rateur et d’assurer son retour au gĂ©nĂ©rateur.
En hautes frĂ©quences, chacun sait que le courant ne circule pas sur toute l’épaisseur ou la section d’un conducteur, mais est localisĂ© principalement Ă  la surface du conducteur. Lord Rayleigh a Ă©tabli une Ă©quation bien connue qui dĂ©termine l’épaisseur Ă©quivalente d’un conducteur oĂč se situe prĂšs de 63 % de la densitĂ© du courant transportĂ©.
Ainsi, tout au long du blindage coaxial, il existe deux surfaces, une intĂ©rieure et une extĂ©rieure, deux Ă©paisseurs appelĂ©es « Ă©paisseur de peau Â» dans lesquels un courant peut circuler librement et indĂ©pendamment l’un de l’autre. Les deux courants Ă©tant « isolĂ©s Â» par la partie centrale du conducteur qui n’est le siĂšge d’aucun courant.
La ligne coaxiale est donc en réalité une ligne à trois conducteurs HF.

La ligne coaxiale est asymĂ©trique. Pourquoi ?

  Si l’on se rĂ©fĂšre simplement aux courants qui circulent sur la surface du conducteur central et sur la surface intĂ©rieure du blindage, la Loi de Lentz de la force Ă©lectromotrice induite nous indique que les deux courants seront Ă©quilibrĂ©s et en opposition de phase.
C’est exactement le mĂȘme comportement qu’un transformateur d’alimentation classique dont les enroulements primaires et secondaires comportent le mĂȘme nombre de spires, donc un rapport un sur un et partagent un noyau magnĂ©tique commun.

La charge au secondaire dĂ©finit un courant secondaire qui va forcer le mĂȘme courant au primaire mais en opposition de phase.
Donc une ligne coaxiale est une ligne symĂ©trique en courant !
Maintenant ce qui va dĂ©terminer la dissymĂ©trie, c’est la tension aux bornes du port d’entrĂ©e et de sortie de la ligne.
Au niveau de l’émetteur, la tresse du cĂąble est reliĂ©e Ă  un potentiel de rĂ©fĂ©rence, la masse de l’équipement, considĂ©rĂ©e comme zĂ©ro volt, et le conducteur central Ă  un potentiel diffĂ©rent, le point « chaud Â». Les deux conducteurs, tresse et conducteur central n’étant pas au mĂȘme potentiel, la spĂ©cification asymĂ©trique s’explique parfaitement  ici.
En rĂ©sumĂ© la diffĂ©rence symĂ©trique-asymĂ©trique peut ĂȘtre visualisĂ©e par un transformateur d’alimentation qui dans le cas de la configuration asymĂ©trique, a une extrĂ©mitĂ© du secondaire prise comme potentiel de rĂ©fĂ©rence et dans le cas de la configuration symĂ©trique, c’est le point milieu de l’enroulement qui est choisi comme potentiel de rĂ©fĂ©rence, chaque extrĂ©mitĂ© de l’ensemble de l’enroulement se trouve Ă  une tension de mĂȘme amplitude mais opposĂ©e en phase.
A l’autre extrĂ©mitĂ© de la ligne coaxiale, Ă  l’antenne, les courants Ă©gaux dans l’intĂ©rieur du blindage peuvent se trouver confrontĂ©s Ă  des impĂ©dances diffĂ©rentes pour chaque conducteur, un brin de l’antenne plus court, plus inclinĂ©,
 que l’autre brin, comme une alimentation dĂ©centrĂ©e, un monobrin et ses radiales, ou une antenne alimentĂ©e en bout. Ce qui engendre des impĂ©dances d’entrĂ©e d’antenne diffĂ©rentes pour chaque terminaison et donc un courant diffĂ©rent dans chaque Ă©lĂ©ment d’antenne connectĂ©, diffĂ©rence qui devrait se rĂ©percuter sur les courants intĂ©rieurs du blindage. 
Sauf que 


Le troisiĂšme conducteur

  Si par un dispositif quelconque, appelĂ© symĂ©triseur de courants (balun de courants), il est possible de forcer des courants Ă©gaux Ă  la sortie de chaque conducteur du coaxial dans chaque Ă©lĂ©ment connectĂ© de l’antenne, de quoi uniformiser, Ă©quilibrer, le lobe de rayonnement, ainsi que l’induction magnĂ©tique et Ă©lectrique locale, il n’en reste pas moins qu’à cet endroit, c’est-Ă -dire au niveau de la section transversale du cĂąble et prĂ©cisĂ©ment de la tresse du coaxial, l’isolement Ă©lectrique entre les deux Ă©paisseurs de peau n’existe plus.

Les deux épaisseurs de peau se rejoignent et offrent ainsi au courant deux chemins possibles, la surface intérieure du blindage sous la contrainte électrique réciproque du conducteur central et la surface extérieure du blindage sans aucune contrainte extérieure.
La littĂ©rature technique nous apprend que les courants Ă©quilibrĂ©s intĂ©rieurs sont appelĂ©s « courants en mode diffĂ©rentiel Â» et l’éventuel courant sur la surface extĂ©rieur, « courant en mode commun Â».
Le mode diffĂ©rentiel signifie Ă©lectriquement qu’un conducteur parcouru par un courant trouve dans son voisinage immĂ©diat un courant de mĂȘme amplitude et de phase opposĂ©e (circulant dans l’autre sens).
Le mode commun est le cas oĂč un courant sur un conducteur ne trouve pas dans son voisinage immĂ©diat la prĂ©sence d’un autre courant de mĂȘme amplitude et circulant dans le sens contraire.
Pour faire simple, une antenne est le siĂšge d’un courant en mode commun et ce courant permet Ă  l’antenne de rayonner, tandis qu’une ligne d’alimentation bifilaire/coaxiale, du fait de la prĂ©sence des deux courants de sens contraire et de mĂȘme amplitude ne pourra thĂ©oriquement pas rayonner ou si peu.
Ce qui va se jouer Ă  l’endroit de la connexion Ă  l’antenne, c’est l’impĂ©dance prĂ©sentĂ©e par la surface extĂ©rieure du blindage, appelĂ©e « impĂ©dance du mode commun Â» par rapport Ă  l’impĂ©dance de l’élĂ©ment de l’antenne reliĂ© Ă  la tresse.
Il suffit donc, et c’est l’objectif recherchĂ©, de faire en sorte que l’impĂ©dance de mode commun de la surface extĂ©rieure du blindage au niveau de l’antenne, soit supĂ©rieure Ă  l’impĂ©dance prĂ©sentĂ©e par l’ Ă©lĂ©ment d’antenne connectĂ© pour Ă©viter toute fuite sur la surface extĂ©rieure du blindage vers le zĂ©ro volt de la tresse Ă  l’extrĂ©mitĂ© Ă©metteur.
De plus, il ne faut pas perdre de vue qu’un courant dans une impĂ©dance, comme celle prĂ©sentĂ©e par un Ă©lĂ©ment d’antenne crĂ©e une chute de tension qui en fonction de sa valeur fera circuler un courant plus ou moins important le long de la surface extĂ©rieure du blindage vers le zĂ©ro volt de l’extrĂ©mitĂ© Ă©metteur
La mĂ©thode la plus simple, efficace, et couramment utilisĂ©e pour remĂ©dier Ă  cette difficultĂ© est de constituer Ă  l’endroit de la jonction de l’antenne et de la ligne de transmission une rĂ©actance inductive suffisante Ă  la frĂ©quence de fonctionnement destinĂ©e Ă  la surface extĂ©rieure du blindage (ckoke balun).
Parfois, plusieurs enroulements de la ligne de transmission au niveau immĂ©diat de l’antenne contribuent Ă  constituer un blocage suffisant, parfois dans d’autres circonstances il est nĂ©cessaire d’augmenter la rĂ©actance inductive au moyen de tores ou de barreaux de ferrite Ă  haute permĂ©abilitĂ© magnĂ©tique.
Cependant, il est nĂ©cessaire de faire trĂšs attention aux « recettes de cuisine Â» meilleures les unes que les autres proposĂ©es sur les sites Internet, qui ne sont souvent que des ‘copiĂ©-collé’ d’un autre ‘copiĂ©-collé’ qui ce dernier est aussi un ‘copiĂ©-collé’,... sans autre explication et analyse des paramĂštres auxquels votre installation d’antenne pourrait ĂȘtre confrontĂ©e.
Augmenter le nombre de tours d’une bobine, accroĂźt son inductance mais accroĂźt aussi la capacitĂ© de couplage entre les enroulements.
Autre exemple, dans le cas du fonctionnement pour une seule frĂ©quence, une longueur physique de la ligne de transmission d’un multiple impair de quarts de longueur d’onde peut apporter l’impĂ©dance nĂ©cessaire Ă  Ă©trangler tout courant de mode commun au dĂ©part de l’antenne.

Exemple d’une inductance de choke pour le courant de mode commun.
Quelques reprĂ©sentations de baluns de courant se trouvent sur Internet :
Recherche Google : baluns de courant => images correspondant Ă  balun de courant

Configuration de test pour la mesure des isolateurs RF choke.

La ligne est adaptĂ©e ou dĂ©sadaptĂ©e ?

Si l’impĂ©dance d’entrĂ©e de l’antenne n’est pas adaptĂ©e Ă  l’impĂ©dance caractĂ©ristique de la ligne de transmission, nous savons tous que les deux conducteurs seront le siĂšge d’une onde stationnaire en tension accompagnĂ©e d’une onde stationnaire en courant. Ces deux ondes Ă©tant la composition vectorielle, en amplitude et en phase, des ondes progressives de tension et de courant vers l’antenne et des mĂȘmes ondes progressives rĂ©flĂ©chies au dĂ©part de l’antenne.
Ces courants et tensions Ă©tant confinĂ©s Ă  l’intĂ©rieur du blindage, il semble logique que si le blindage est aussi efficace Ă  l’adaptation qu’à la dĂ©sadaptation, ce qui est Ă  espĂ©rer, nous ne devrions ressentir aucun effet de mode commun dĂ» Ă  une quelconque dĂ©sadaptation.

Pourquoi empĂȘcher le courant de mode commun ?

Tout le monde l’aura compris d’aprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, c’est d’empĂȘcher que la ligne de transmission ne devienne, via la surface extĂ©rieure du blindage, une antenne rayonnante, qui apporte la RF dans le shack et dans son environnement.
Par contre ce qui est souvent moins bien perçu, est que l’antenne est symĂ©trique Ă©mission-rĂ©ception et que via la surface extĂ©rieure du coaxial il est possible de rĂ©ceptionner tous les bruits et parasites ambiants induits extĂ©rieurement et de les transmettre via l’antenne Ă  l’entrĂ©e du rĂ©cepteur.

Un choke balun uniquement pour les dipĂŽles ?

RĂ©partition du courant sur une antenne 1/4 λ avec reprĂ©sentation de la surface extĂ©rieure du coaxial d’alimentation en dessous des radiales.
Que l’antenne soit un dipĂŽle ou un monopole, une verticale, une antenne alimentĂ©e en bout, la ligne de transmission coaxiale aura toujours le mĂȘme comportement Ă©lectrique et offrira au niveau du blindage deux chemins possibles pour le retour du courant vers l’émetteur.
Alors, un choke balun est-il nĂ©cessaire dans le cas d’une verticale, en HF comme en VHF-UHF ?
J’ai tendance à dire que oui.
Car dans le cas d’un monopĂŽle rien ne peut garantir que le potentiel Ă  la sortie des radiales ou du contre-poids est au potentiel zĂ©ro volt de la masse de l’équipement. Ainsi la prĂ©sence d’un certain potentiel Ă  l’endroit de l’antenne par rapport au potentiel zĂ©ro volt de la masse de l’équipement d’émission va engendrer sur la surface extĂ©rieure du coax et sur l’ensemble de l’équipement connectĂ© un certain courant qui rayonnera.

De plus cette « magnifique Â» antenne pourra Ă©galement capter tous les bruits et parasites ambiants qui retourneront Ă  l’entrĂ©e du rĂ©cepteur via l’antenne.

Conclusion

Cette petite histoire n’est destinĂ©e qu’à faire rĂ©flĂ©chir librement chacun des lecteurs sur le fonctionnement d’une ligne de transmission connectĂ©e Ă  une antenne.
Je ne proposerai pas de solutions « miracles », le monde de l’Internet en regorge Ă  profusion.

Je remercie tous les auteurs de la trÚs nombreuse littérature que je possÚde sur le sujet et tout spécialement Walther Maxwel W2DU(SK) qui a été le premier à expliquer de maniÚre claire et précise ce que je viens de tenter de reproduire. (REFLECTIONS III Transmission Lines and Antennas CQ Communication 2010)
Pour ceux qui veulent approfondir :

            ARRL Antenna Book
            REFLECTION III Transmission Lines and Antennas ( W2DU Walther Maxwel)
            Practical Antenna Handbook (Joseph J. Carr – Mc Graw Hill )
            Sevick’s Transmission Line Transformers Theory and Practice (Scitech Publishing)
            Ferromagnetic Core Design & Application Handbook (MF Doug DeMaw – Prentice Hall)
            Refrence Data for Radio Engineers (I.T.T) 

QST, QEX, Radcom.

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