La RF dans le Shack

La présence d’un rayonnement radio-fréquence dans le shack peut être facilement décelée par des phénomènes comme le décrochage de l’écran du PC, l’arrêt du PC lui-même, une instabilité de l’éclairage, … alors que tous les équipements d’émission sont censés être correctement raccordés en étoile à une borne de terre unique.

Quelle pourrait être l’origine du problème ?

La première hypothèse pourrait venir de la disposition de l’antenne d’émission, sa distance en longueurs d’onde par rapport à la station, son orientation et/ou sa proximité extérieure-intérieure au câblage électrique du domicile.
Dans ce cas, il s’agit de réduire toute possibilité d’induction directe du rayonnement, induction électrique et magnétique dans la structure électrique générale du bâtiment.
La deuxième hypothèse, la plus probable, est que quelque « chose » conduit le rayonnement de l’antenne à l’intérieur du shack. Le présumé « coupable » ne pourrait être alors, et en priorité, que la ou les lignes de transmission qui relient les différentes antennes à leurs émetteurs respectifs.

Comment un câble coaxial blindé pourrait-il amener la RF de l’antenne dans le shack ?

La ligne d’alimentation coaxiale, pour ne parler que d’elle car la plus fréquemment utilisée, mérite avant tout une analyse de sa constitution mécanique et de son comportement électrique.
Le coax comme chacun le sait est supposé être une ligne bifilaire, à deux conducteurs, dont l’un des conducteurs, le conducteur central est enfermé (blindé) à l’intérieur de l’enveloppe constituée par le second conducteur, la tresse dite de masse.
Cette ligne d’alimentation de l’antenne a pour fonction initiale de véhiculer le courant RF de l’émetteur vers l’antenne et réciproquement, par le conducteur central et de récupérer le courant en retour via la tresse du blindage, pour constituer un circuit électrique fermé, comme tout autre circuit électrique conventionnel qui permet à un courant de circuler au départ d’un générateur et d’assurer son retour au générateur.
En hautes fréquences, chacun sait que le courant ne circule pas sur toute l’épaisseur ou la section d’un conducteur, mais est localisé principalement à la surface du conducteur. Lord Rayleigh a établi une équation bien connue qui détermine l’épaisseur équivalente d’un conducteur où se situe près de 63 % de la densité du courant transporté.
Ainsi, tout au long du blindage coaxial, il existe deux surfaces, une intérieure et une extérieure, deux épaisseurs appelées « épaisseur de peau » dans lesquels un courant peut circuler librement et indépendamment l’un de l’autre. Les deux courants étant « isolés » par la partie centrale du conducteur qui n’est le siège d’aucun courant.
La ligne coaxiale est donc en réalité une ligne à trois conducteurs HF.

La ligne coaxiale est asymétrique. Pourquoi ?

  Si l’on se réfère simplement aux courants qui circulent sur la surface du conducteur central et sur la surface intérieure du blindage, la Loi de Lentz de la force électromotrice induite nous indique que les deux courants seront équilibrés et en opposition de phase.
C’est exactement le même comportement qu’un transformateur d’alimentation classique dont les enroulements primaires et secondaires comportent le même nombre de spires, donc un rapport un sur un et partagent un noyau magnétique commun.

La charge au secondaire définit un courant secondaire qui va forcer le même courant au primaire mais en opposition de phase.
Donc une ligne coaxiale est une ligne symétrique en courant !
Maintenant ce qui va déterminer la dissymétrie, c’est la tension aux bornes du port d’entrée et de sortie de la ligne.
Au niveau de l’émetteur, la tresse du câble est reliée à un potentiel de référence, la masse de l’équipement, considérée comme zéro volt, et le conducteur central à un potentiel différent, le point « chaud ». Les deux conducteurs, tresse et conducteur central n’étant pas au même potentiel, la spécification asymétrique s’explique parfaitement  ici.
En résumé la différence symétrique-asymétrique peut être visualisée par un transformateur d’alimentation qui dans le cas de la configuration asymétrique, a une extrémité du secondaire prise comme potentiel de référence et dans le cas de la configuration symétrique, c’est le point milieu de l’enroulement qui est choisi comme potentiel de référence, chaque extrémité de l’ensemble de l’enroulement se trouve à une tension de même amplitude mais opposée en phase.
A l’autre extrémité de la ligne coaxiale, à l’antenne, les courants égaux dans l’intérieur du blindage peuvent se trouver confrontés à des impédances différentes pour chaque conducteur, un brin de l’antenne plus court, plus incliné,… que l’autre brin, comme une alimentation décentrée, un monobrin et ses radiales, ou une antenne alimentée en bout. Ce qui engendre des impédances d’entrée d’antenne différentes pour chaque terminaison et donc un courant différent dans chaque élément d’antenne connecté, différence qui devrait se répercuter sur les courants intérieurs du blindage. 
Sauf que …

Le troisième conducteur

  Si par un dispositif quelconque, appelé symétriseur de courants (balun de courants), il est possible de forcer des courants égaux à la sortie de chaque conducteur du coaxial dans chaque élément connecté de l’antenne, de quoi uniformiser, équilibrer, le lobe de rayonnement, ainsi que l’induction magnétique et électrique locale, il n’en reste pas moins qu’à cet endroit, c’est-à-dire au niveau de la section transversale du câble et précisément de la tresse du coaxial, l’isolement électrique entre les deux épaisseurs de peau n’existe plus.

Les deux épaisseurs de peau se rejoignent et offrent ainsi au courant deux chemins possibles, la surface intérieure du blindage sous la contrainte électrique réciproque du conducteur central et la surface extérieure du blindage sans aucune contrainte extérieure.
La littérature technique nous apprend que les courants équilibrés intérieurs sont appelés « courants en mode différentiel » et l’éventuel courant sur la surface extérieur, « courant en mode commun ».
Le mode différentiel signifie électriquement qu’un conducteur parcouru par un courant trouve dans son voisinage immédiat un courant de même amplitude et de phase opposée (circulant dans l’autre sens).
Le mode commun est le cas où un courant sur un conducteur ne trouve pas dans son voisinage immédiat la présence d’un autre courant de même amplitude et circulant dans le sens contraire.
Pour faire simple, une antenne est le siège d’un courant en mode commun et ce courant permet à l’antenne de rayonner, tandis qu’une ligne d’alimentation bifilaire/coaxiale, du fait de la présence des deux courants de sens contraire et de même amplitude ne pourra théoriquement pas rayonner ou si peu.
Ce qui va se jouer à l’endroit de la connexion à l’antenne, c’est l’impédance présentée par la surface extérieure du blindage, appelée « impédance du mode commun » par rapport à l’impédance de l’élément de l’antenne relié à la tresse.
Il suffit donc, et c’est l’objectif recherché, de faire en sorte que l’impédance de mode commun de la surface extérieure du blindage au niveau de l’antenne, soit supérieure à l’impédance présentée par l’ élément d’antenne connecté pour éviter toute fuite sur la surface extérieure du blindage vers le zéro volt de la tresse à l’extrémité émetteur.
De plus, il ne faut pas perdre de vue qu’un courant dans une impédance, comme celle présentée par un élément d’antenne crée une chute de tension qui en fonction de sa valeur fera circuler un courant plus ou moins important le long de la surface extérieure du blindage vers le zéro volt de l’extrémité émetteur
La méthode la plus simple, efficace, et couramment utilisée pour remédier à cette difficulté est de constituer à l’endroit de la jonction de l’antenne et de la ligne de transmission une réactance inductive suffisante à la fréquence de fonctionnement destinée à la surface extérieure du blindage (ckoke balun).
Parfois, plusieurs enroulements de la ligne de transmission au niveau immédiat de l’antenne contribuent à constituer un blocage suffisant, parfois dans d’autres circonstances il est nécessaire d’augmenter la réactance inductive au moyen de tores ou de barreaux de ferrite à haute perméabilité magnétique.
Cependant, il est nécessaire de faire très attention aux « recettes de cuisine » meilleures les unes que les autres proposées sur les sites Internet, qui ne sont souvent que des ‘copié-collé’ d’un autre ‘copié-collé’ qui ce dernier est aussi un ‘copié-collé’,... sans autre explication et analyse des paramètres auxquels votre installation d’antenne pourrait être confrontée.
Augmenter le nombre de tours d’une bobine, accroît son inductance mais accroît aussi la capacité de couplage entre les enroulements.
Autre exemple, dans le cas du fonctionnement pour une seule fréquence, une longueur physique de la ligne de transmission d’un multiple impair de quarts de longueur d’onde peut apporter l’impédance nécessaire à étrangler tout courant de mode commun au départ de l’antenne.

Exemple d’une inductance de choke pour le courant de mode commun.
Quelques représentations de baluns de courant se trouvent sur Internet :
Recherche Google : baluns de courant => images correspondant à balun de courant

Configuration de test pour la mesure des isolateurs RF choke.

La ligne est adaptée ou désadaptée ?

Si l’impédance d’entrée de l’antenne n’est pas adaptée à l’impédance caractéristique de la ligne de transmission, nous savons tous que les deux conducteurs seront le siège d’une onde stationnaire en tension accompagnée d’une onde stationnaire en courant. Ces deux ondes étant la composition vectorielle, en amplitude et en phase, des ondes progressives de tension et de courant vers l’antenne et des mêmes ondes progressives réfléchies au départ de l’antenne.
Ces courants et tensions étant confinés à l’intérieur du blindage, il semble logique que si le blindage est aussi efficace à l’adaptation qu’à la désadaptation, ce qui est à espérer, nous ne devrions ressentir aucun effet de mode commun dû à une quelconque désadaptation.

Pourquoi empêcher le courant de mode commun ?

Tout le monde l’aura compris d’après ce qui précède, c’est d’empêcher que la ligne de transmission ne devienne, via la surface extérieure du blindage, une antenne rayonnante, qui apporte la RF dans le shack et dans son environnement.
Par contre ce qui est souvent moins bien perçu, est que l’antenne est symétrique émission-réception et que via la surface extérieure du coaxial il est possible de réceptionner tous les bruits et parasites ambiants induits extérieurement et de les transmettre via l’antenne à l’entrée du récepteur.

Un choke balun uniquement pour les dipôles ?

Répartition du courant sur une antenne 1/4 λ avec représentation de la surface extérieure du coaxial d’alimentation en dessous des radiales.
Que l’antenne soit un dipôle ou un monopole, une verticale, une antenne alimentée en bout, la ligne de transmission coaxiale aura toujours le même comportement électrique et offrira au niveau du blindage deux chemins possibles pour le retour du courant vers l’émetteur.
Alors, un choke balun est-il nécessaire dans le cas d’une verticale, en HF comme en VHF-UHF ?
J’ai tendance à dire que oui.
Car dans le cas d’un monopôle rien ne peut garantir que le potentiel à la sortie des radiales ou du contre-poids est au potentiel zéro volt de la masse de l’équipement. Ainsi la présence d’un certain potentiel à l’endroit de l’antenne par rapport au potentiel zéro volt de la masse de l’équipement d’émission va engendrer sur la surface extérieure du coax et sur l’ensemble de l’équipement connecté un certain courant qui rayonnera.

De plus cette « magnifique » antenne pourra également capter tous les bruits et parasites ambiants qui retourneront à l’entrée du récepteur via l’antenne.

Conclusion

Cette petite histoire n’est destinée qu’à faire réfléchir librement chacun des lecteurs sur le fonctionnement d’une ligne de transmission connectée à une antenne.
Je ne proposerai pas de solutions « miracles », le monde de l’Internet en regorge à profusion.

Je remercie tous les auteurs de la très nombreuse littérature que je possède sur le sujet et tout spécialement Walther Maxwel W2DU(SK) qui a été le premier à expliquer de manière claire et précise ce que je viens de tenter de reproduire. (REFLECTIONS III Transmission Lines and Antennas CQ Communication 2010)
Pour ceux qui veulent approfondir :

            ARRL Antenna Book
            REFLECTION III Transmission Lines and Antennas ( W2DU Walther Maxwel)
            Practical Antenna Handbook (Joseph J. Carr – Mc Graw Hill )
            Sevick’s Transmission Line Transformers Theory and Practice (Scitech Publishing)
            Ferromagnetic Core Design & Application Handbook (MF Doug DeMaw – Prentice Hall)
            Refrence Data for Radio Engineers (I.T.T) ……QST, QEX, Radcom.

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