Tiré de « la Gigazette » voici en 3 épisodes, les histoires et anecdotes sur les radios broadcast apparues dans les années 60 et 70.
Un premier article (celui-ci) rassemblera les trois premiers épisodes écrits par Georges ON6WG/F5VIL (parus dans les Gigazettes 159, 161 et 162).
Le second article vous emmènera dans l’aventure de Radio Mi-Amigo, l'historique du studio Start et enfin l’activation du MV Ross Revenge le navire de Radio caroline par des radioamateurs Anglais. En voici la page.
Radio Mi-Amigo, et les radios offshores.
L’ensemble complet sera en téléchargement chaque fois à la fin des articles.
Bonne lecture.
Épisode 1
Voici le premier volet d’un article concernant le matériel utilisé par les stations de radiodiffusion pirate offshores à leur apparition.
Les informations reprises ici proviennent de recherches sur le web. Le lecteur trouvera à la fin des épisodes de cette chronique, un glossaire le ramenant aux pages originales. La station la plus célèbre et aussi celle qui a résisté le plus longtemps est sans conteste Radio Caroline. Lancée fin mars 1964, et parmi les toutes premières stations de radiodiffusion pirates, elle arrêtera ses émissions dans la bande AM en décembre 1990, pour les continuer cependant sur le web 24/24 h et via satellite (Worldspace et Sky) sans abonnement. Et le choix est bon puisque, après la fermeture quasi générale des stations AM en ondes moyennes et longues, les stations de radiodiffusion FM que l’on connaît actuellement sont appelées aussi à disparaître bientôt au profit de la radio numérique. Et là encore, tout comme dans les années 60, annonçant la fin des monopoles de la radiodiffusion, Radio Caroline tient un rôle précurseur.
Ndlr : pour information, la FM a déjà disparu en Norvège, et de nombreux autres pays tel que le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse et l’Italie utilisent déjà la radio numérique terrestre (DAB pour Digital Audio Broadcasting) et prévoient d’abandonner la FM. En France son développement est à l’arrêt, les grands groupes privés comme RTL, Europe1 etc. semblant plutôt miser sur la diffusion par internet. Mais la décision a déjà été prise… au plus tard en 2025. Un problème se pose donc avec les autoradios. Sur de nombreuses voitures il n’est pas simple de les remplacer et si vous achetez maintenant une nouvelle voiture vérifiez que l’autoradio soit compatible DAB).
Il faut encore savoir que Radio Caroline actuellement est aussi active en diffusion DAB et en DAB+ (version améliorée du DAB) dans plusieurs régions d’Angleterre. Là encore Radio Caroline tient à nouveau un rôle annonciateur.
Mais retour aux « Sixties » ! Les notes ci-après rassemblent des informations et des images trouvées au hasard de mes recherches sur les appareillages d’émission utilisés par les stations pirates. Et on verra que certaines de ces stations étaient très similaires à des stations amateurs.
Les débuts de Radio Caroline
Photo du MV Fredericia, premier bateau de Radio Caroline, avec le mât antenne haubanée. Photo Topfoto/Retronaut/mediadrumi du site https://www.dailymail.co.uk
Radio Caroline fut lancée en 1964 à bord d’un vieux ferry danois, le MV Fredericia qui sera rebaptisé « Caroline ». L’équipement se composait alors de deux émetteurs couplés 316B de la firme
américaine Continental Electronics et d’une puissance de 10 KW chacun. Le mât support d’antenne avait une hauteur de 47 mètres dont à peu près 37 mètres avaient été soudés en prolongement du mât de charge initial du navire et haubanés. L’aérien utilisé était spécial en ce sens qu’il était constitué d’un dipôle replié dont le mât était un des brins et l’autre brin était un fil cage.
La fréquence utilisée au début était 1485 kHz puis, en raison d’interférences la nuit, elle fut modifiée à 1520 kHz.
Une des rares photos du MV Fredericia où le brin d’antenne cage est visible.
Les émissions de Radio Caroline débutèrent à bord du MV Fredericia qui fut posté dans les eaux internationales au large de Felixstowe en mer du Nord. Les débuts sont fulgurants : 7 millions d’auditeurs de plus de 17 ans dans les trois premières semaines de programmes. En juillet 64, Radio Caroline fusionne avec son concurrent, Radio Atlanta, qui diffuse à l’entrée de la Tamise depuis le MV Mi Amigo. Radio Atlanta devient Radio Caroline South. Le Fredericia est déplacé en mer d’Irlande, au large de l’île de Man d’où est originaire son fondateur Ronnan O’Rahilly et devient Radio Caroline North. Les deux navires assurent alors à Radio Caroline, une couverture de la Grande-Bretagne quasi nationale. En 1965, un sondage fait apparaître une audience cumulée de 39 millions d’auditeurs. Radio Caroline couvre alors une bonne partie du Royaume-Uni, mais aussi la Hollande, une partie de la Belgique et du nord de la France jusqu’en Normandie.
En 1966, Ronnan O’Rahilly empoche son premier milliard de livres sterling !
Cependant, en 1967, le gouvernement britannique dont Harold Wilson est le Premier ministre, ne pouvant agir directement contre ces stations situées en eaux internationales, prend des mesures contre les radios pirates par le vote du « Marine Broadcasting Offences Act ». L’acte dit en substances que les stations pirates deviennent illégales et que tout sujet britannique opérant ou assistant ces stations contrevient à la loi britannique et sera poursuivi en justice. Il interdit aussi toute fourniture et approvisionnement par mer ou par air aux navires abritant les stations pirates et dès lors à toute personne de s’y rendre (évidemment à partir du Royaume-Uni seulement…).
Radio Caroline continue cependant d’émettre, mais ne sait plus vendre d’espaces publicitaires et en 1968, c’est la faillite. Le MV Fredericia et le MV Mi Amigo sont saisis et remorqués en Hollande. Le MV Fredericia ne reprendra plus la mer. En 1972, il est vendu pour démolition.
Le MV Fredericia et le MV Mi Amigo sous saisie en Hollande.
Quant au MV Mi Amigo il sera vendu aux enchères à une organisation qui sous le subterfuge d’en faire un musée de la radio pirate, va ensuite aller l’ancrer au large de Scheveningen dans la zone où se trouvent déjà les bateaux de Radio Veronica et de Radio Northsea International.
D’abord sous le nom de Radio 199, c’est Radio Caroline qui réapparaît quelque temps plus tard…
Le modèle des premières cartes QSL de Radio Caroline
Tout comme les radioamateurs les stations de radiodiffusion envoient des cartes QSL aux écouteurs qui fournissent des rapports d’écoute, les stations de radiodiffusion pirates ne font pas exception à cette règle.
En réaction aux événements décrits plus haut, lors des élections de 1970, les fondateurs de Radio Caroline font lobby contre Harold Wilson à l’origine de la loi contre les stations offshore, et lui et son parti perdront les élections…
L’image montre la zone couverte par les émetteurs de Radio Caroline North et Radio Caroline South entre 1964 et 1968. A l’époque, Radio Caroline avait noué de bonnes relations avec Radio ManX, la radio locale officielle située sur l’île de Man (l’île de Man à acquis l’autonomie) et encore aujourd’hui, une fois par mois, on peut entendre les programmes de Radio Caroline à partir des antennes de Radio ManX.
Ici le fascicule publicitaire des débuts de la station destiné aux annonceurs. Il indique outre la zone de couverture, la politique des programmes de Radio Caroline avec un de leur leitmotiv « pas plus de six minutes de publicité par heure » et les tarifs selon les tranches horaires des espaces publicitaires.
Photo de gauche les émetteurs 316B à bord du MV Mi Amigo. À droite : Après le rachat aux enchères du Mi Amigo, inventaire des pièces de rechange des émetteurs avant la remise en fonctionnement en 1972. Ici un tube final et un tube modulateur de rechange. Mike Bass tient en main une capacité sous vide.
En mars 1980, lors d’une tempête de force 10 sur l’échelle de Beaufort, la chaîne d’ancre du Mi Amigo se rompt et après avoir dérivé sur 10 miles nautiques, le navire s’échoue sur un banc de sable au large des côtes anglaises où finalement il coulera signant la fin de la première époque de Radio Caroline.
Le MV Mi Amigo dans la tempête.
(n.d.l.r. cette bouée délimite le bord d'un chenal de navigation entre les bancs de sable de Knock John et Long Sand menant à l'estuaire de la Tamise)
C’est la cloche de pont du MV Fredericia qui a inspiré le logo de Radio Caroline.
Bon, mais… et les radioamateurs dans tout çà ? Patience… Il faut un peu de suspense…
Épisode 2
L’épisode 1 a surtout été consacré à Radio Caroline, simplement parce que c’est la station pirate qui a résisté le plus longtemps, mais aussi parce que maintenant la radiodiffusion offshore est célébrée chaque année par des radioamateurs à bord du bateau restauré de Radio Caroline, le Ross Revenge, ancré dans l’estuaire de la rivière Blackwater en face de Bradwell (Essex). Ce volet-ci est consacré à la participation des radioamateurs dans l’élaboration et la maintenance des stations de radiodiffusion offshore. Voici donc leur histoire, très résumée, mais avec, lorsqu’il existe, un lien internet où l’on trouvera plus de détails ou les souvenirs de ces OM relatés bien souvent par eux-mêmes. Les premières stations de radiodiffusion offshore apparurent en mer du Nord dès 1958 et la période la plus populaire fut sans conteste la seconde moitié des années 60 jusqu’au début des années 70. Par la suite, la mise en place de différentes mesures d’interdiction par les pays concernés verra la disparition progressive des stations de radiodiffusion offshore. Contre vents et marées, Radio Caroline continuera cependant à émettre jusqu’en 1990.
Contexte, opportunités et motivations
Le milieu des années 60 voit apparaître des stations offshores au large des côtes de différents pays, non seulement en Europe, mais aussi, à un moment, sur les côtes américaines et australiennes. Dans la zone qui nous entoure, c’est la Suède, le Danemark, la Hollande ou l’Angleterre qui ont été spécialement concernés. Ces stations constituaient une opportunité pour qui cherchait un emploi dans le domaine des transmissions. C’était aussi un job un peu aventureux, hors du commun, avec une pointe d’adrénaline en plus, ce qui le rendait attirant et dans l’air du moment pour les fans de musique rock et pop.
Les radioamateurs
C’est ainsi que son service militaire terminé, Juul, PEØGJG, plutôt que d’entrer chez Philips Télécommunication avec des horaires bien carrés de 9 h à 17 h, préféra rejoindre Radio Veronica fin novembre 1967. Il est chargé de l’enregistrement des programmes. À la même époque une autre station apparaît, c’est Radio North Sea International (RNI) qui transmet d’abord à partir du navire « MEBO 1 » puis du « MEBO 2 » (le MEBO 1, plus petit, servira alors de navette entre le MEBO 2 et la terre). Dans ses mémoires personnelles, Juul nous apprend qu’un télex transmettant des messages quelque peu codés avait été installé à bord du navire. Le technicien du bord, Frans de Feber, avait obtenu une licence des PTT avec l’indicatif PA2RNI… (Frans est maintenant SK).
Juul, restera 7 ans à Radio Veronica en tant que technicien de programme. En 1974, à la suite des mesures prises par le gouvernement hollandais à l’encontre des stations offshores, notamment rendant illégal l’approvisionnement des bateaux contenant les stations offshores, les programmes sont arrêtés et la station fermée, de même que pour RNI. Juul est ensuite passé au TROS (Fondation pour la Télévision et la Radiodiffusion en Hollande) (photo : Juul PEØGJG dans le studio d’enregistrement de Radio Veronica à Hilversum).
Edwin Bollier, HB9AFU (au premier plan) dans sa station radioamateur à Islisberg, et Erwin Meister son associé. (photo extraite d’un journal de l’époque)
Chez Radio North Sea International justement, nous trouvons quatre radioamateurs : PAØNHS, PA2RNI dont on a parlé plus haut, G3WZG et HB9AFU.
HB9AFU est propriétaire de la société MEBO. C’est cette société qui va lancer la station de radiodiffusion offshore RNI au début des années 70. Le bateau MEBO 2 sera ancré non loin de Radio Veronica au large de la côte hollandaise. PAØNHS est toujours répertorié radioamateur ainsi que G3WZG. Il faut aussi ajouter Martin Kayne 2E1GTI que l’on retrouvera sur plusieurs radios offshores et Kurt Baer HB9AFP/MM technicien également à bord du MEBO 2.
Quand la piraterie des ondes rejoint la piraterie de l’air
(Étonnante photo d’archive d’Edwin Bollier HB9AFU dans un des studios d’enregistrement de Radio North Sea International (RSI)).
Les programmes de RNI étaient transmis tantôt en anglais, tantôt en néerlandais ou en allemand. Après la fin des émissions de RNI, en 1974, la société MEBO est devenue fournisseur de matériel électronique. Mais dans les années 80, ses liens avec le régime libyen et son implication dans l’attentat de Lockerbie mirent la firme en grande difficulté. En effet, un dispositif de chronométrage fabriqué par MEBO Télécommunications avait été employé pour déclencher la bombe qui a détruit le vol PAN AM 103 au-dessus de Lockerbie en décembre 1988 faisant 270 victimes. Erwin Meister et Edwin Bollier furent convoqués au cours du procès de Lockerbie.
Pendant leur interrogatoire Meister a reconnu que MEBO avait fourni à la Libye 20 minuteurs MST-13 du type employé dans l’attentat. Il a aussi identifié un des deux agents libyens accusés, comme étant un ancien contact commercial.
Bollier quant à lui, a déclaré que MEBO fabriquait une gamme de produits comprenant des porte-documents équipés d’EEI à détonateur radio contrôlé (EEI : Engin Explosif Improvisé). Il a reconnu que MEBO avait vendu 20 minuteurs MST-13 à la Libye en 1985, qui ont ensuite été testés par les forces spéciales libyennes à leur base à Sabha. Bollier a déclaré : « J’étais présent lorsque deux minuteurs de ce type ont été inclus dans des cylindres de bombes ». Au tribunal, on a montré à Bollier un certain nombre de fragments de cartes de circuits imprimés qu’il a identifiés comme provenant du minuteur MEBO MST-13, mais il a prétendu que ces fragments de minuterie semblaient avoir été modifiés.
Joachim Wenzel, un employé de la STASI, l’ancienne agence de renseignement est-allemande, a témoigné à distance sur écran. Wenzel a prétendu avoir été l’intermédiaire avec Bollier dans les années 1982-1985 et a témoigné que MEBO avait aussi fourni des minuteurs à la STASI.
Cependant au cours du procès l’avocat de MEBO a déposé une plainte contre le ministère public à propos de ce qu’il a qualifié de « faux fragments de minuteur MST-13 ».
L’ancien employé de MEBO, Ulrich Lumpert, a déclaré devant le tribunal écossais aux Pays-Bas qu’en tant qu’ingénieur en électronique, il avait produit toutes les minuteries MST-13 de l’entreprise. Lumpert a convenu que les fragments qui lui ont été montrés devant le tribunal « pourraient provenir » de cette minuterie et a été invité à confirmer sa signature sur une lettre concernant une défaillance technique du minuteur prototype MST-13.
Rebondissement !
Sept ans plus tard, le 18 juillet 2007, Lumpert a affirmé avoir menti au procès. Dans un affidavit devant un notaire zurichois, Lumpert déclara qu’il avait volé un prototype de carte électronique MST-13 à MEBO et qu’il l’avait remis le 22 juin 1989 à « une personne officielle enquêtant sur l’affaire Lockerbie ». Le Dr Hans Köchler, observateur de l’ONU au procès de Lockerbie, a reçu une copie de l’affidavit de Lumpert et a publié un rapport sur l’affaire. Le Dr Köchler a déclaré au Glasgow Herald : « Les autorités écossaises sont maintenant obligées d’enquêter sur cette
situation : non seulement M. Lumpert a admis avoir volé un échantillon du minuteur, mais il l’a remis à un fonctionnaire et a ensuite menti devant le tribunal ».
Finalement : Un seul des deux accusés libyens a été reconnu coupable de l’attentat de Lockerbie le 31 janvier 2001.
Prolongement...
Cette affaire a encore des prolongements aujourd’hui et on en trouvera les liens internet dans la bibliographie en fin d’article. Sachez que MEBO AG existe toujours et que Edwin Bollier a adressé récemment une lettre au président Trump dont on trouvera le détail dans le lien mentionné.
Que sont devenus les bateaux de RNI et de Radio Veronica ?
Après l’arrêt des émissions de RNI, grâce aux bonnes relations entre Bollier et Khadafi, les deux bateaux furent vendus à la Libye. Le MEBO 2 fut rebaptisé EL FATAH et fut alors utilisé pendant plusieurs années pour transmettre des programmes de propagande depuis le port de Tripoli. Mais en 1984 il fut utilisé comme cible d’entraînement pour la marine libyenne et finalement coulé dans le Golfe de Sidra.
Quant au « Veronica », il existe toujours. Il a été restauré et transformé en bateau événementiel. Il est à quai à Amsterdam près de la marina et est à louer pour l’organisation de séminaires, d’événements culturels ou musicaux. On peut toujours y admirer son antenne d’émission.
Amsterdam : Le Veronica et son antenne d'émission
Capitol Radio
Une autre radio offshore de l’époque, Capital Radio à bord du navire MV King David, est intéressante par son originalité. Ici apparemment, pas de radioamateur. Initialement, le bateau fut ancré le long de la côte hollandaise, au large de Noordwijk, en avril 1970. Mais presque aussitôt le navire subit une tempête de force 8 et l’antenne fut endommagée. Les essais de transmission commencèrent finalement début mai sur 1115 kHz (annoncés 270 mètres).
Le navire était équipé d’un émetteur de 10 kilowatts et d’une antenne boucle (loop) horizontale inhabituelle. Les raisons de l’installation de ce type d’antenne étaient aussi idéalistes que techniques. Toutes les autres stations offshores utilisaient soit des antennes à mât vertical, soit des antennes horizontales disposées entre des mâts à l’avant et à l’arrière du navire. Ces types d’antennes produisaient de forts signaux sur les couches ionosphériques à des angles favorisant la réflexion à longue distance et donc susceptibles de provoquer des interférences avec des stations lointaines, en particulier la nuit. L’explication donnée à l’époque était que la boucle horizontale rayonne la plus grande partie de son énergie sous la forme d’une onde de surface et l’angle de réflexion est très élevé, l’onde réfléchie retombe ainsi à très courte distance, minimisant toute interférence indésirable. Dès la mise en service de la station, l’antenne boucle produisit un signal très efficace, couvrant une grande partie des Pays-Bas, de la Belgique et de l’est de l’Angleterre, bien que l’émetteur ne fonctionnait qu’à 1 kilowatt. Cependant, si le roulis du navire était trop important, l’un des côtés de la boucle pouvait entrer en contact avec l’eau, provoquant un court-circuit de l’émetteur.
L’antenne boucle de Capital Radio était pliable pour la navigation dans les chenaux ou l’accostage au port.
Après de nombreux problèmes, puis l’accident grave d’un officier du bord qui perdit un pied, ce qui empêcha la station de transmettre pendant plusieurs semaines, ensuite un isolateur d’antenne cassé qui nécessita à nouveau un retour au port, en novembre de la même année, lors d’une tempête de force 9, le bateau décrocha de son ancrage et, malgré les efforts de l’équipage, vint s’échouer sur la plage. La station et le navire ne furent plus remis en service.
Au final, la station n’avait transmis que très peu de temps entre avril et novembre 1970.
L'antenne en boucle de Capital Radio et le navire lors de son échouage.
Après son renflouement, en raison de dettes et de personnel impayé, la société propriétaire fut déclarée en faillite et le navire fut saisi.
Radio City et Radio Sutch
1964 fut aussi l’année de naissance de Radio City. On retrouve ici G3OUV et G3SZC. En mai 1964, un musicien anglais excentrique, David Sutch, lance Radio Sutch non pas à partir d’un bateau, mais à partir d’un ancien fort à l’abandon construit pendant la seconde guerre mondiale sur les Shivering Sands, des bancs de sable dans l’estuaire de la Tamise. Ce fort était destiné à la défense antiaérienne de Londres et, à la fin de la guerre, plus spécialement contre les V2 qui échappaient aux escadrilles de chasse.
Photo de gauche : Les studios de Radio Sutch dans une des tours du fort de Shivering Sands. Photo de droite : Les tours du fort de Shivering Sands et leur armement en 1943. Ce fort faisait partie d’une ligne de défense antiaérienne avancée avec plusieurs autres forts au long des côtes proches de Londres.
Au bout de quelques mois, la station n’intéressa plus le musicien et il revendit le matériel à son manager. Radio Sutch est renommé Radio City. Un nouvel émetteur de 10 kW y est placé et une antenne verticale de 45 mètres de hauteur est montée au sommet de l’une des tours. L’antenne comprenait quinze sections de trois mètres et était maintenue par cinq rangées de haubans espacés
de neuf mètres chacun et ramenés en trois points d’ancrage au sommet de trois autres tours. Chaque tour a une hauteur de trente-cinq mètres au-dessus du niveau de la mer.
Vues de l’antenne de Radio City.
Radio Mercur
A gauche sur la photo, l’émetteur de 10 kW modèle BTA 10J, de Radio City fabriqué par RCA. Il fut utilisé plus tard par RNI à bord du MEBO 2.
L’armoire à droite de l’image est un émetteur Siemens de radiodiffusion FM provenant de Radio Mercur (une station offshore au large des côtes danoises)
Radio Mercur était active au début des années 60. Elle a employé VE7SWE comme technicien. Radio Mercur était probablement la première station de radio commerciale offshore au monde et
a inspiré un certain nombre de radios offshores en Suède, aux Pays-Bas, en Belgique et au Royaume-Uni dans les années 1960.
La presse danoise a bientôt commencé à utiliser l’expression « radio pirate » à propos de Radio Mercur, et un certain nombre de dessins dans les journaux et les magazines ont représenté la station de radio avec des symboles pirates. Radio Mercur a profité du fait que la radiodiffusion dans les eaux internationales n’était pas réglementée par les accords internationaux. Malgré les initiatives de la « Voix de l’Amérique » qui transmettait à bord d’un navire militaire, le « USCGC Courier » au large du Maroc et ensuite de la Grèce, les politiques n’avaient jamais imaginé que le monopole de la radiodiffusion pourrait être brisé par un navire permanent diffusant des émissions visant des terres !.
Dès 1959 lors de la Convention du Télégraphe à Genève, le Danemark demandait que tous les états membres de l’Union Internationale des Télécommunications condamnent fermement les flibustiers et ratifient sa demande.
Agir contre l’usage de fréquences non attribuées par les Conventions de l’UIT était une utopie, car bon nombre de stations publiques auraient aussi dû arrêter leurs émissions ! L’initiative resta lettre morte. Les autres pays ne se sentaient pas concernés. Radio Mercur transmettait ses programmes en FM, d’abord sur 88,00 mHz, et plus tard sur des fréquences différentes pour pouvoir répondre aux plaintes des autorités danoises. Radio Mercur a également commencé en 1961 à diffuser régulièrement en stéréo : c’était une première en Europe.
En réalité, ce n’était pas encore de la stéréo diffusée par un émetteur avec une sous-porteuse, Radio Mercur utilisait deux émetteurs sur des fréquences différentes : un pour le son gauche et un pour le son droit. L’auditeur devait disposer de deux récepteurs FM. Les émissions en stéréo étaient sponsorisées par le fabricant de récepteurs et de chaînes haute fidélité Bang & Olufsen !
Le MV Cheeta II abritant Radio Mercur au large des côtes danoises.
À gauche l’ingénieur en chef de Radio Mercur lors de l’extinction de l’émetteur FM Siemens. À droite, l’antenne directionnelle FM au sommet d’un des deux mâts du Cheeta II (Notez sa taille par rapport à l’OM qui est en train d’y travailler). La puissance annoncée était de 14 kW.
En 1962, Radio Mercur a arrêté ses émissions quand une loi, dite « Lex Mercur », a été adoptée par le parlement danois. Cela signifiait que toute participation de citoyens danois ou de compagnies danoises à des émissions de Radio Mercur était dès lors illégale. Le 31 juillet, Radio Mercur transmettait ses derniers programmes et, à minuit, éteignait son émetteur.
Radio Invicta
Une autre radio offshore qui engagea des radioamateurs, mais qui eut une brève existence fut Radio Invicta. Les locaux de Radio Invicta furent aussi installés dans une des tours du fort de Shivering Sands. Les émissions débutèrent sur 985 kHz en juillet 1964 avec moins de 1 kW, de très petits moyens et un personnel pas très qualifié.
Et à propos de Radio Invicta, voici une anecdote des débuts. Un radioamateur, Éric Davies, G3PGM (SK), a contacté le bureau d’Invicta pour se plaindre parce que les transmissions de la station causaient des interférences dans les bandes amateurs. On lui a tout de suite offert un travail. C’est ainsi qu’il est devenu ingénieur de station et… animateur de programme. Il fut connu à la fois comme étant « Ed Laney » et le « géant suédois de six pieds trois pouces Éric Peterson » en dépit de n’être absolument pas géant ou suédois. Tout le monde devait remplir plus d’un rôle sur Invicta et la plupart de ceux qui y travaillaient avaient plus d’une identité à l’antenne, ce qui donnait l’impression que c’était une station plus importante qu’elle ne l’était en réalité. C’est ainsi que l’on retrouve G3OUV qui travailla aussi à Radio Invicta sous le nom de Tony Silver. G3SDP (SK), Martin Shaw, était le troisième ingénieur de station. Il est décédé en décembre 1964 lorsque le bateau navette de la station, qui le transportait, ainsi qu’un animateur et le propriétaire de la station, Tom Pepper, coula à cause du mauvais temps. Il n’avait que 18 ans.
Après ce drame, Radio Invicta arrêta ses émissions en février 1965.
À gauche, vues de l’émetteur de Radio Invicta au fort de Shivering Sands. À droite, l’équipement BF était très basique et ne permettait même pas des fondus pour l’enchaînement des morceaux musicaux.
Les stations offshores belges
À la fin de 1972, le navire de Radio Caroline, le MV MI AMIGO, retourne en mer, jette l’ancre au large des côtes néerlandaises et recommence à émettre. Mais la station a traversé une période turbulente (d’abord perdant son mât d’émission, puis une mutinerie de l’équipage, ensuite la mise en fourrière de son navire), mais a réussi à survivre. Cependant, à l’été 1973, la station avait désespérément besoin d’une injection d’argent pour rester à flot.
Jeune entrepreneur belge, Adriaan van Landschoot s’intéressait à la mode et à la musique et il voulait sa propre station de radio. Il avait un plan et de l’argent pour venir à la rescousse. Van Landschoot auditionna quelques disc-jockeys et arrangea l’aménagement de studios à Oostburg en Hollande. (Ils devaient être aux Pays-Bas parce que la Belgique avait légiféré contre la radio offshore en 1962).
Radio Altlantis
Le 15 juillet 1973, les programmes préenregistrés de la station de van Landschoot, Radio Atlantis, ont débuté sur 1187 kHz à partir du navire de Radio Caroline.
L’homme d’affaires belge avait signé un contrat de trois mois, louant treize heures par jour de temps d’antenne (6 h-19 h) pour un coût hebdomadaire d’environ 2 000 livres sterling. En utilisant l’émetteur de 50 kilowatts et un nouveau mât de 55 mètres de haut, la réception était superbe. Radio Atlantis a immédiatement remporté une audience importante parmi la population flamande de Belgique et un certain nombre d’entreprises belges outrepassèrent ouvertement la loi anti-pirate du pays pour faire de la publicité pour leurs produits. Après ce début encourageant, van Landschoot dans les coulisses, avait commencé à prendre des dispositions pour rompre son alliance avec Caroline. Radio Atlantis allait émettre depuis son propre navire. Adriaan a acheté le MV Zondaxonagon pour 50 000 florins (environ 22 689 €). Il a renommé le navire MV Jeanine (le prénom de sa femme), bien qu’il y ait eu confusion sur l’orthographe précise. Le nom tel qu’il apparaissait sur la proue du bateau était Janeine, sur la timonerie c’était Janine et sur la carte QSL de Radio Atlantis c’était Jeaniane. La faute à l’animateur de la station qui ne parlait pas notre langue et n’est jamais parvenu à se rappeler de l’orthographe correcte. L’émetteur utilisé avait servi précédemment sur Radio Noordzee et fut prêté par PA3EZM.
Radio Atlantis à l’ancre à 12 milles nautiques (22 km) de la côte belge au large de Knokke.
Quelques essais de faible puissance effectués sur le navire ont débuté le 3 novembre 73 sur des fréquences de 656 kHz (458 mètres) et de 1322 kHz (227 mètres). Une date de lancement au 15 novembre a été annoncée, mais, avant que les programmes réguliers ne puissent commencer, un drame a frappé le petit navire le 6 novembre quand la chaîne d’ancre s’est rompue. Dérivant, sans moteur et sans direction, le désastre était imminent, mais heureusement un remorqueur, le Titan est intervenu et a remorqué le navire à Cuxhaven en Allemagne. Les réparations nécessaires ont alors été effectuées, mais la station a également subi une perte tragique lorsque l’ingénieur Chris Klinkenberg a été tué par un groupe de planches qui en s’effondrant, le fit tomber dans les eaux glacées du port. Finalement, le 30 décembre 73, Radio Atlantis était à nouveau sur l’air, diffusant en flamand pendant la journée et en anglais la nuit. Les programmes de jour étaient préenregistrés sur terre tandis que le « Service international » en anglais était transmis en direct. Atlantis a aussi diffusé quelques émissions en ondes courtes, sur 6225 kHz dans la bande des 49 mètres. En utilisant un émetteur fait maison d’une puissance d’environ 200 watts. Le 12 août 1974, le gouvernement hollandais a révélé que la loi anti-pirate radiophonique deviendrait effective le 1er septembre.
Radio Veronica a immédiatement annoncé qu’elle cesserait ses émissions tout comme RNI. Bien que Radio Atlantis appartenait à un Belge, il opérait via la Hollande pour éviter les lois belges. La station allait aussi être frappée par la nouvelle législation. Le 17 août, Radio Atlantis a annoncé qu’elle cesserait ses activités. Le 31 août 1974, une heure après Radio Véronica, Radio Atlantis cessait définitivement ses émissions. Des milliers de fans d’Atlantis du sud-est de l’Angleterre et le Benelux ne pouvaient plus écouter ses programmes des années 60 et son fameux Top 40 qui avait rendu la station si populaire. Bien que Radio Atlantis n’ait jamais eu un signal aussi puissant que les stations rivales, l’émetteur fournissait presque 4 kilowatts la plupart du temps. La station était devenue très populaire dans la partie flamande de la Belgique grâce à ses programmes en néerlandais et aussi dans le Kent et l’Essex en Angleterre par ses programmes du soir en anglais (Photo : Les émetteurs de Radio Atlantis, ondes courtes sur la gauche, ondes moyennes sur la droite).
Radio Antwerpen
Mais bien auparavant une autre station offshore belge avait vu le jour. Voici, brièvement comptée, l’histoire de Radio Antwerpen. La station fut mise en service par un radioamateur, Georges de Caluwe, ON4ED (SK). Ingénieur radio anversois, il avait obtenu en 1922 une licence pour établir la première station de radio locale en Belgique.
Cette station était Radio Antwerpen, mais elle est devenue populairement connue sous le nom de Radio Kerkske (Radio Petite Église) parce que son antenne était située sur une tour d’une église. Au début de 1940, avec la machine de guerre nazie qui menaçait son pays, la station de Georges de Caluwe fut contrainte par le gouvernement belge de relayer les programmes du NIR, le service de radio d’alors. En mai de la même année, alors que l’armée allemande s’apprêtait à envahir la Belgique, de Caluwe décida qu’il devait détruire l’émetteur pour éviter qu’il ne soit utilisé par l’armée envahissante pour des émissions de propagande. Pendant les années où la Belgique fut occupée, il a secrètement construit un autre émetteur de sorte qu’en 1945, avec la fin des hostilités, Radio Antwerpen serait en mesure de revenir sur l’air. Cependant, le gouvernement belge à son retour d’exil de guerre à Londres décida que toutes les stations de radio seraient désormais contrôlées par l’État et malgré sa lutte pour retrouver son ancienne licence, de Caluwe fut obligé de fermer Radio Antwerpen le 31 août 1948. Tout son matériel de diffusion fut confisqué. Il fait appel à plusieurs reprises pour que sa licence soit réémise, mais sans succès. En 1962, frustré par les délais bureaucratiques et le refus de lui accorder une licence, il décide de ressusciter Radio
Antwerpen, cette fois-ci à bord d’un navire au large des côtes belges. Il acheta un navire de commerce en France.
C’était un chaland (N.D.L.R. Pas vraiment le type de navire de haute mer qui peut résister à des tempêtes) fabriqué en ferrociment, le MV Crocodile, qui a été réenregistré au Panama sous le nom d’un légendaire héros du folklore flamand : Uilenspiegel. Les équipements radio de l’Uilenspiegel furent installés dans le port d’Anvers, tandis que des studios de préenregistrement furent aménagés dans une autre partie de la ville.
Radio Antwerpen et le MV Uilenspiegel
En octobre 1962, l’Uilenspiegel est prêt et quitte le port d’Anvers pour mouiller devant les eaux territoriales belges au large de Zeebrugge. Les transmissions tests commencèrent le 12 octobre et les programmes réguliers débutèrent le 15 octobre. En novembre 1962, Radio Antwerpen a également commencé à diffuser ses programmes sur ondes courtes et des reports de réception pour ces émissions ont été reçus d’aussi loin que le Canada. Plus tard ce même mois, la station a rencontré sa première tempête en mer et a été forcée de quitter l’air après avoir lancé un appel de détresse. L’antenne s’était effondrée pendant la tempête, mais les ingénieurs ont réussi à effectuer des réparations d’urgence et les transmissions ont repris le jour suivant.
La loi belge sur les infractions maritimes a été adoptée le 13 décembre 1962 et est entrée en vigueur cinq jours plus tard. Par une coïncidence tragique le jour même de l’adoption de la loi, Georges de Caluwe mourut dans un hôpital d’Anvers à la suite d’une opération.
Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1962, l’Uilenspiegel a été balayé par des vents violents et une forte mer. L’équipage a découvert qu’une partie du navire avait été inondée et que l’antenne ondes courte était tombée sur le mât à onde moyenne, endommageant les deux installations de transmission. L’Uilenspiegel lui-même commença à dériver juste avant midi le 16 décembre 1962, et à 15 h 30 se trouvait à moins d’un mille nautique de Zeebrugge, six des dix membres d’équipage furent emmenés par le canot de sauvetage.
Quatre membres d’équipage restèrent à bord de l’Uilenspiegel pendant qu’une embarcation de sauvetage commençait à le remorquer vers Flessingue, mais vers 16 h 30, alors que le navire se trouvait à moins d’un mille nautique de Knokke, le temps s’était tellement détérioré que l’embarcation de sauvetage décida de prendre le reste de l’équipage. Le remorqueur réussit à sauver l’équipage de l’Uilenspiegel. Peu de temps après, l’amarre du remorqueur s’est cassée. Finalement c’était l’échouement de la station de radio à Cadzand, à 500 mètres à l’intérieur de la frontière néerlandaise.
Aucune tentative n’a été faite pour sauver l’épave et, finalement, dépouillée de tout équipement par des pilleurs d’épaves, elle s’est enfoncée progressivement dans le sable. L’épave de l’Uilenspiegel est restée sur la plage de Cadzand pendant neuf ans avant d’être détruite en 1971 par les autorités qui la considéraient comme un danger pour la sécurité.
Radio Caroline et les radioamateurs
Avec ses deux bateaux qui furent utilisés en mer d’Irlande et en mer du Nord, Radio Caroline à employé un certain nombre de radioamateurs. On retrouve ici 2E1GTI (cité plus haut) qui a travaillé sur plusieurs stations offshores comme RNI, mais aussi d’autres stations plus petites comme Radio 355 à bord du navire « MV Laissez Faire », où travaillèrent aussi G8BEP et G3XSS.
À bord des navires de Radio Caroline travaillèrent EI2DJ, ingénieur technique Caroline Nord, G3WZG ingénieur de transmission (déjà cité plus haut chez RNI), VK4TL ingénieur technique Caroline Nord et Sud, 2EØMWJ Steve Merike, WAØAGF ingénieur radio Caroline Nord, G3PEM ingénieur radio à partir du tout début de Radio Caroline, G3VFU (maintenant HSØZEE) chef ingénieur radio Caroline Nord puis Sud, G4LBC technicien et animateur de programme, SMØXBI d’abord technicien à Radio Nord au large des côtes suédoises, puis chef ingénieur Caroline Nord. À cette liste il faut encore ajouter PA1EM de Radio Monique/Radio 819. Radio Monique a émis pendant une courte période à partir du navire de Radio Caroline dans les années 80.
Cette liste s’arrête ici, avec la fin des stations offshores. Les OMs cités, à une ou deux exceptions près, et sauf SK, sont toujours répertoriés et certains, comme HSØZEE, sont encore très actifs sur l’air.
À gauche John VK4TL et à droite Sheridon HS0ZEE.
La carte montre la position en mer des différentes stations citées ici.
Note : Radio Sutch et Radio Invicta furent actives depuis l'emplacement de Radio City.
L'antenne de RNI avec le chapeau capacitif au sommet et à droite une carte QSL de RNI.
Épisode 3
Ce troisième et dernier épisode est consacré aux émetteurs AM de radiodiffusion de ces stations et à la technologie de cette époque.
Bienvenue dans la cale aux émetteurs de Radio Caroline
Radio Caroline et ses stations sœurs ont diffusé leurs programmes depuis le « MV Ross Revenge » de 1983 à 1991 en utilisant trois émetteurs AM différents. Cependant, dans la salle des émetteurs, sont rassemblées des informations complètes, non seulement sur les trois émetteurs, mais aussi sur beaucoup d’autres utilisés par d’autres stations de radio offshore, ainsi que des émetteurs similaires utilisés ailleurs. Il ne fait aucun doute que cette salle d’émission du « MV Ross Revenge » contient la source d’information la plus complète sur la gamme d’émetteurs « Ampliphase » de RCA. Non seulement sont décrits les principes de fonctionnement de ce système plutôt obscur, mais aussi est retracée l’histoire de cette technologie avec des informations rares sur les émetteurs de type « Ampliphase » longtemps avant qu’ils ne soient fabriqués par RCA et longtemps avant que le nom « Ampliphase » soit adopté et entre dans l’histoire jusqu’à l’heure actuelle, où cette technologie a été adaptée dans de nombreux appareils de communication numérique de pointe d’aujourd’hui. On trouve également des informations détaillées sur la gamme Continental Electronics, utilisée sur les précédents navires de Radio Caroline, le MV Fredericia et le MV Mi Amigo.
En entrant dans la salle d’émission depuis le pont principal, votre vue est dominée par l’ampli RCA Ampliphase de 50 000 Watts comme le montre l’image ci-dessus, mais le long des deux côtés de la pièce il y a de plus petits ensembles RCA de 5 et 10 kilowatts. Sur l’image ci-dessus, on voit seulement la fin de l’ensemble de cinq armoires de TX, à côté, à droite, de tiroirs de composants.
L’armoire de cinq kilowatts BTA-5G, utilisée pour les émissions à ondes courtes, provenait d’une station de musique classique à Washington DC. Au cours de ses 19 ans là-bas, elle a survécu à un feu de studio, un avion accrochant le mât d’antenne, et a été écoutée par le président J.F.Kennedy. L’ensemble Continental Electronics commandé par Radio Caroline en 1965 pour le Mi Amigo n’est jamais arrivé. Il est allé en Afrique pendant plusieurs années et à son retour au Royaume-Uni, il a été utilisé pour brouiller les émissions de Radio North Sea International en 1970.
L’émetteur principal est le RCA Ampliphase BTA-50H, fabriqué en 1963, acheté à Québec au Canada en 1982, et utilisé jusqu’à sa mise hors service en 1989. Les émetteurs Ampliphase de Radio Caroline sont bleus alors que la plupart de ces modèles étaient normalement de couleur brune. Dans l’image ci-dessus, on remarquera également l’importance de l’encadrement métallique pour maintenir les émetteurs en place. Vu le poids de ces émetteurs, ces encadrements étaient nécessaires pour contrer les forces d’inertie dues au tangage et au roulis notamment lors des tempêtes qui pouvaient amener parfois à des angles d’inclinaison de 45 degrés.
Lorsque la station reprend du service en 1983, l’Ampliphase était opéré sur 963 kHz. Durant cette période, il fonctionnait normalement à environ 35 kW de puissance, même si de temps en temps il passait à 50 kW. La réduction de la puissance ne fait pas une énorme différence dans la réception de la plupart des auditeurs et dans de nombreux cas ne se remarquait pas. Cependant, cela fait une différence significative dans la durée de vie des tubes de sortie de l’émetteur, et cela réduit les tensions et les courants qui sont rayonnés par le système d’antenne.
Dans une atmosphère à forte teneur en eau salée, toute réduction des tensions et du courant rayonnés est la bienvenue. Une réduction de la puissance peut également conduire à une réduction de la consommation de carburant des générateurs et à une baisse des coûts de maintenance. Dès le premier jour, un ensemble de 10 kW était disponible en veille en cas de défaillance de l’émetteur de 50 kW, mais cela n’était que rarement requis.
En 1984, des transmissions d’essai ont été diffusées sur d’autres fréquences et à partir de la fin de l’année, un nouveau service de programmes hollandais, Radio Monique, a loué l’émetteur de 50 kW sur 963 kHz et les émissions en anglais de Radio Caroline sont passées sur 576 kHz à partir de l’émetteur de 10 kW. À peu près à ce moment-là, un ensemble identique de dix kilowatts a été obtenu de South Coast Radio en Irlande et des parties de cet émetteur ont permis d’apporter des améliorations aux 10 kW existants ainsi que de réparer l’ensemble de cinq kilowatts. Avant cela, l’émetteur de 5 kW était en très mauvais état avec certaines parties manquantes.
Pour permettre aux deux services d’être rayonnés à partir d’une seule antenne, un « diplexeur » a dû être construit.
Bien que simple en théorie, un diplexeur pour combiner deux émetteurs radio de haute puissance et les faire correspondre à une seule antenne n’est pas si simple à concevoir ou à mettre en place. Ceci est rendu encore plus difficile lorsque l’opération est requise sur un navire, avec des facilités techniques et un budget disponible limités.
Dans les composants du diplexeur, des courants RF pouvant atteindre 100 ampères et 25 000 volts peuvent être présents, de sorte que sa construction est une prouesse technique. Après l’introduction de ce deuxième service, et du diplexeur, la cinquantaine de kilowatts se vit réduite à environ 27 kilowatts de puissance, et l’émetteur de 10 kW a fonctionné à environ 7 kilowatts.
Schéma du diplexeur utilisé en mars 1985 pour combiner 963 et 585 kHz
Ici le pylône antenne de 90 mètres de Radio Caroline.
L’un des traits les plus frappants du navire à son arrivée sur la mer du Nord en 1983 était le magnifique mât de 90 mètres de haut.
Généralement considéré comme le plus haut mât jamais érigé sur un navire, c’était un exploit remarquable de l’ingénierie. La base du mât traversait le pont principal du navire jusqu’au niveau le plus bas de la cale. A cet endroit, il était maintenu en place par 300 tonnes de béton — agissant non seulement comme un contrepoids pour les 28 tonnes de la tour, mais aussi comme un sol plat, stable et solide sur lequel monter les émetteurs et les générateurs. Avec le pied de la tour physiquement et électriquement mis à la terre à la base du navire, le pylône fonctionnait comme un « shunt fed folded unipole ».
À partir d’un gros isolateur principal, une « jupe » de fils d’antenne s’élevait jusqu’à environ trois quarts de la hauteur de la tour où ils étaient reliés électriquement au mât. Bien que légèrement moins efficace qu’un radiateur vertical conventionnel isolé à la base, l’antenne était mécaniquement bien plus facile à ériger sans l’obligation d’être supportée par des isolateurs, et être directement reliée à la terre causait moins de problèmes d’accumulation d’électricité statique et de foudre.
Cependant, la proximité de la jupe avec la structure du pylône devait avoir des effets significatifs sur la réactance du système, et finalement conduire à une bande passante restreinte lorsque le second service a été introduit, d’abord sur 576 et plus tard sur 558 kHz. Peu avant la chute du pylône de 90 mètres en 1987, il a été décidé
d’introduire un service commercial à ondes courtes. Différentes transmissions en ondes courtes avaient déjà été réalisées avec de bons résultats, certaines d’entre elles étant « non autorisées », comme les émissions « Caroline goes DX » dans la bande des 48 mètres le dimanche matin.
Celles-ci ont été diffusées à partir de l’émetteur HF navire-côte d’origine du navire et d’une antenne longue portée simple, mais pour un service commercial, l’émetteur de cinq kilowatts a été modifié pour une utilisation en ondes courtes et une nouvelle antenne construite. L’antenne ondes courte a pris la forme d’un « V inversé » suspendue à une barre de flèche inférieure du mât principal. Le temps d’antenne sur ce service a été vendu à un certain nombre de clients religieux internationaux.
Cependant, cela ne devait pas durer, car à la suite des coups de vent de la force d’un ouragan qui ont dévasté le sud de l’Angleterre à la fin octobre 1987, on a remarqué que le mât avait subi des dommages structurels. La plupart des isolants (« œufs céramiques ») avaient été fissurés à cause du stress imposé, laissant les câbles de haubanage lâches. D’autres haubans ont été simplement étirés laissant le mât vibrer et osciller. Des plans ont été immédiatement établis pour un entretien majeur, mais avant que cela ne soit possible, quelques semaines plus tard, pendant une nouvelle tempête de nord-est de force 11, vers 2 h 30 du matin, la base du mât s’est fissurée, faisant basculer toute la structure sur le côté du navire. Cependant la structure restait encore attachée par de nombreux haubans. Les ingénieurs et techniciens n’eurent d’autre choix que de couper les câbles restants avec la torche oxy et des meuleuses d’angle et laisser le mât couler sur le fond marin. Pendant les heures où le mât avait été sur le côté, le navire avait été sévèrement incliné, prenant beaucoup d’eau sur le pont, et l’équipage était en état d’alerte, prêt à abandonner le navire si la situation s’était détériorée davantage. Au cours des deux années suivantes, un certain nombre d’antennes temporaires ont été utilisées, mais aucune d’entre elles n’a pu remplacer le signal rayonné par la tour d’origine.
L’audio pour les émetteurs a été traitée par différents systèmes. Dans la période de service unique, une unité révolutionnaire, appelée Orban Optimod, type 9000A/1, a été utilisée pour compresser et prétraiter dynamiquement l’audio avant la transmission. En comprimant la plage dynamique dans différentes bandes de fréquences et en appliquant un contrôle global du gain en bande large, la densité moyenne du programme pouvait être considérablement augmentée.
Ceci a l’effet audible de rendre le programme plus fort, masquant ainsi le bruit et les interférences captés par l’auditeur. En augmentant ainsi le volume moyen et la profondeur de modulation, la puissance globale de l’enveloppe d’un émetteur AM est également augmentée, ce qui donne plus de watts sur l’air, réduit le bruit de fond et améliore la portée du signal.
Le rack de processing Optimod 9000/A1 de Radio Caroline
L’Optimod applique également une préaccentuation sélective en fréquence sur l’audio, pour donner plus de punch à la basse sans surcharger, et pour compenser le roll-off à haute fréquence dans la majorité des récepteurs radio grand public.
Ces caractéristiques, couplées à l’utilisation de clippers à compensation de phase à faible distorsion, ont donné à l’Optimod un son de traitement classique. Utilisée avec la bonne courbe de réponse audio de l’émetteur ampliphase, l’antenne du service unique à large bande passante et la non-utilisation de filtres audio de 5 KHz utilisés par les autres stations européennes, Caroline a obtenu en 1983 et 1984 une meilleure qualité audio AM que beaucoup de petites stations locales dans la bande FM à ce moment-là. Bien que certains affirment que le système Optimod de Radio Caroline a été l’un des premiers en Europe, ce n’est probablement pas vrai. Radio Luxembourg et Sunshine Radio de Dublin avaient déjà installé ces appareils avant que Caroline ne revienne à l’antenne, et la BBC les avait installés dans un petit nombre de stations locales où la pénétration du signal et la rétention du public étaient faibles.
On pense que la BBC Manchester et BBC Londres ont été équipées du système Optimod dès 1983. En 1983, les radios BBC 1 et 2 ont toutes deux utilisé des Optimods, cependant elles utilisaient des unités individuelles à Broadcasting House avant la distribution du programme et non une unité interfacée dans chaque émetteur. Cependant, le 9000 de Caroline est probablement le plus ancien en Europe, car, à part Radio Luxembourg, la plupart des autres étaient du type 9100 sortis plus tard.
Avec l’introduction d’un second service de programmes sur une fréquence différente, un deuxième processeur, le 9100 de génération plus récente fut mis en place. En plus de ces processeurs « de pointe » (à l’époque), un certain nombre de compresseurs plus anciens tels que les limiteurs Marti CL40 et un multimètre Pacific Recorders Multimax étaient également disponibles. Ceux-ci étaient utilisés soit comme préprocesseur, soit pour le service ondes courtes. Cependant, envoyer de l’audio fortement traitée à des émetteurs plus anciens peut présenter des inconvénients, en particulier pour les ensembles modulés plaque.
Comme ceux-ci n’avaient pas été conçus pour faire face à un tel haut niveau de modulation, la défaillance de certaines parties de l’amplificateur de modulation n’était pas rare. Dans les premiers temps du service partagé, un transformateur de modulation a du être remplacé, et il y avait fréquemment des étincelles entre la self de choc dans le circuit plaque et la masse du châssis métallique.
Finalement, la self de choc fut montée à l’extérieur sur un ensemble d’isolateurs en céramique, où elle pouvait faire autant d’étincelles qu’elle voulait sans autres dégâts. Les processeurs étaient tous montés dans un rack d’équipement à côté de l’émetteur ampliphase, mais dans les premiers temps, l’Optimod unique était monté dans un rack plus petit, qui était simplement placé dans le coin de la pièce. On savait qu’il pouvait glisser, et même une fois il a réussi à se débrancher de lui-même alors qu’il glissait sur le sol pendant une tempête provoquant ainsi l’arrêt de l’émetteur.
À la fin, après être tombé en endommageant le cadran de contrôle principal, un nouveau rack fut construit et soudé à la charpente en acier maintenant l’émetteur en place. Le rack audio contient également les moniteurs « off-air » qui sont essentiellement des récepteurs radio de haute qualité sans cadran de réglage. Ceux-ci étaient utilisés pour surveiller le signal de sortie antenne de l’émetteur, et l’audio de ceux-ci était utilisée pour alimenter les moniteurs de studio et les casques des animateurs. Ainsi, toute distorsion ou autre problème de transmission était immédiatement détecté.
La surveillance off-air original a été réalisée au moyen d’unités Gates M-5693, une conception classique des années 1960 identique à celles utilisées auparavant sur le Mi Amigo et le Fredericia, mais elles ont finalement été remplacées par une unité faite maison avec deux étages de démodulation RF pour les deux services de programmes.
Moniteur de modulation Gates M-5693 des années 1960. Comme ceux utilisés par les trois navires Caroline.
Ce troisième épisode est une traduction de la page web contenue à l’adresse suivante : http://www.rossrevenge.co.uk/tx/txroom.htm
Pour en savoir plus sur le concept et la technique de l’ampliphase : http://www.rossrevenge.co.uk/tx/ampli.htm
NDLR : Ce troisième volet clôture ce retour vers un passé qui, nous l’espérons, fut passionnant pour certains. L’évocation de ces « golden sixties » nous a ramené aussi à une certaine nostalgie du temps des émissions AM.
Remerciements
Je tiens ici à remercier M. Hans Knot pour l’aide qu’il m’a apportée en me faisant parvenir la liste des radioamateurs qui participèrent à cette grande épopée de la radio. Merci également à Sheridon HSØZEE, qui m’a conseillé de m’adresser à Hans.
Merci aussi à Hans pour la formidable documentation sur les stations offshores qu’il met à disposition sur internet ainsi que ses articles et reportages sur les événements et commémorations liés à ces stations de nos jours.
Voici le lien web qui mène aux pages de Hans : http://www.hansknot.com/
Bibliographie et crédits
Merci également à Offshore Radio Museum : http://www.offshoreradiomuseum.co.uk/index.html et aux sites web associés repris ci-dessous pour les images.
Mémoires de PEØGJG : http://www.norderney.nl/herinneringen_juul.html
RNI (Radio Nordsee International) : http://www.offshoreradio.co.uk/rni1.htm
RNI & MEBO : https://en.wikipedia.org/wiki/Mebo_Telecommunications
MEBO et le crash de Lockerbie :
https://web.archive.org/web/20110527154416/http://www.mebocom-defilee.ch/ceocities/mebo.htm
Suite du crash de Lockerbie, lettre de Edwin Bollier au président Trump : http://www.mebocom-defilee.ch/
Images Capital Radio : http://www.belgian-navy.be/t8971-les-bateaux-des-radios-pirates
Images bateau Veronica : http://veronicaschip.nl/
Capital Radio : ................... https://en.wikipedia.org/wiki/Capital_Radio_(pirate)
https://www.youtube.com/watch?v=R9B9Dlp0PsM
Radio Mercur : https://www.fremy.be/radiodiffusion/index.php?radiodiffusion=Danemark&id=115&cat_id=53
http://www.offshoreradiomuseum.co.uk/page6.html
http://www.offshore-radio.de/mercur.htm
RNI doc + images : ........... https://issuu.com/pj4nx/docs/dkars_magazine_201704
Radio Invicta : ................... http://www.offshoreradio.co.uk/odds64.htm
http://www.offshoreradio.co.uk/album35.htm
Radio Atlantis : ................. http://www.offshoreradio.co.uk/atlant1.htm
Radio Antwerpen : ............ http://www.offshoreradiomuseum.co.uk/page52.html
http://www.belgian-navy.be/t8971-les-bateaux-des-radios-pirates
Mémoires de HSØZEE : http://www.hs0zee.com/HS0ZEE/Caroline%20South/Caroline.htm
Les OMs : https://www.qrz.com
Modèles de cristal utilisés dans les émetteurs décrits dans ces trois épisodes. Un blindage pouvait les recouvrir (DKARS Magazine, editie 32).
NDLR :
Au-delà des pages web ci-dessus, un nombre important d’autres pages ont été consultées de façon à confirmer, à recouper ou tout simplement à trouver, certaines données ou illustrations nécessaires à l’assemblage de cet article.
La recherche, la sélection d’images et informations qui devaient rester en rapport avec notre hobby a aussi pris beaucoup de temps. Les quelques faits et anecdotes importants relatés ici sont bien peu à côté de ce que fut la réalité. Même si ceux qui y ont participé se remémorent cette période avec nostalgie, l’histoire de ces stations fut bien souvent à l’image de la piraterie en mer, difficile, hasardeuse, aventureuse, parfois dangereuse, et se terminant souvent en naufrage. Si cet épisode vous a intéressé, n’hésitez pas à cliquer sur les liens ci-dessus pour en savoir plus. Les pages sont principalement en anglais ou en néerlandais, il n’existe que très peu de documentation en français.
Gigazette : https://on5jv.com/on7wr.html
Georges ON6WG / F5VIF ©
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