« À travers les témoignages des personnes ayant rencontré GALLETTI, ainsi qu'à la lecture de ses lettres, de ses travaux et de sa personnalité hors du commun, une impression s'imposait : celle d'une injustice profonde. À mesure que l'histoire de sa station à Leschaux se dévoilait, un sentiment de révolte prenait forme, comme si la folie, la jalousie, les intérêts personnels et les rivalités avaient orchestré un sabotage de grande ampleur, à l'aube de la guerre de 1914, un scénario que nul n'aurait pu envisager… »
La Conservatrice du Musée, Mme Joëlle PERRIER
Un musée dédié à GALLETTI existe aujourd’hui grâce au soutien de l’association « Rencontres et Loisirs », du Conseil Général de Savoie et du Ministère de la Recherche. L’exposition retrace cette aventure fascinante, enrichie de nombreux postes de TSF et même d’un film…
Roberto Clemens Galletti di Cadilhac, né le 29 décembre 1879 à San Venanzo sur les rives de l’Adriatique, est l’un des précurseurs de la télégraphie sans fil. D’origine franco-italienne par son père et anglaise par sa mère, il reçoit une éducation trilingue, parlant couramment l’italien, le français et l’anglais. Dès son plus jeune âge, Galletti se passionne pour les sciences physiques, les mathématiques et plus particulièrement l’électricité. Cette fascination le pousse à entreprendre des études d’ingénieur, et dès 1908, il rejoint la Société des Ingénieurs et Architectes italiens.
Premières inventions et brevets
Dès 1906, Roberto Galletti se lance dans l’étude et la maîtrise des ondes électriques, s’intéressant à l’idée d’une transmission hertzienne à grande distance. Animé par l’idée de relier la France aux États-Unis, il dépose des brevets essentiels, notamment pour des dispositifs produisant des oscillations électriques continues et des installations permettant la transmission d’ondes électriques par antenne. En 1908, il enregistre des brevets dans plusieurs pays, y compris en Italie, en Belgique, en Allemagne, et aux États-Unis, ce qui lui permet de protéger ses inventions tout en attirant l’intérêt des milieux scientifiques.
Galletti se marie avec une Française et s’installe en France, à Murs-et-Géligneux, dans le département de l’Ain. Cette période est marquée par une intense activité de recherche et d’expérimentation. En effet, il conçoit des dispositifs pour l’émission continue de groupes d’ondes, ainsi que des systèmes de production d’étincelles électriques éteintes, des perfectionnements techniques essentiels pour les transmissions sans fil. Ses travaux visent à établir des communications à très longue distance, défi alors immense pour l’époque. (Photo : Ses parents, Arturo Galletti et Margaret Collier)
Station de Villeurbanne et essais transatlantiques
En 1909, Galletti reçoit une autorisation des autorités françaises pour installer une station de télégraphie expérimentale à Villeurbanne. Cette station devient rapidement un centre d’essais pour ses transmissions sans fil. En collaboration avec d’autres stations situées à Saintes-Maries-de-la-Mer et à Fort-de-l’Eau en Algérie, il teste la portée de ses signaux en cherchant à établir des liaisons à des distances de plus de 1000 km, et même à travers l’Atlantique. Ses résultats sont remarquables, et il utilise des pylônes de 35 à 65 mètres de hauteur pour soutenir une antenne de 600 mètres de long. Pour améliorer la réception, il installe des systèmes de prise de terre sophistiqués.
Les antennes et les dispositifs de Galletti se révèlent si performants qu’en 1911, il est invité par le département de la Marine des États-Unis pour tester une connexion sans fil entre Villeurbanne et Washington. Galletti utilise pour ces essais une longueur d’onde de 1000 mètres, bien que la Marine américaine préconise des ondes de 6 000 mètres. Les performances de sa station sont telles qu’elles surpassent certaines installations coûteuses, comme celle de Culler Coats, conçue par l’inventeur Valdemar Poulsen, pour un coût de quatre millions de francs.
Création de la société de télégraphie sans fil et tensions avec Marconi
En 1912, Galletti crée sa propre société, la Galletti Wireless Telegraph and Telephone Company Ltd, avec pour objectif de commercialiser ses inventions. Il intègre dans son entreprise des représentants de différents pays, créant une organisation résolument internationale pour éviter les spéculations financières individuelles. Cependant, son parcours entrepreneurial est marqué par de fréquents désaccords avec Marconi, le célèbre inventeur et concurrent dans le domaine de la radio. En effet, les deux hommes partagent une relation tendue, notamment à cause de litiges autour de brevets et de différends sur les droits d’utilisation de leurs inventions respectives. Galletti critique ouvertement Marconi pour son monopole et sa tendance à s’approprier le travail des autres.
(Photo de l'antenne Harpe utilisée à Leschaux par Galletti).
La station de Leschaux et la Première Guerre mondiale
L’une des plus grandes réalisations de Galletti est la construction de sa station de télégraphie à Leschaux, près de Champagneux en Savoie. Située dans une zone marécageuse et adossée à une falaise calcaire de 500 mètres, la station utilise un terrain naturel favorable pour les installations de télégraphie sans fil. L’antenne de type « harpe » est constituée de 10 câbles de 950 mètres chacun, offrant des performances exceptionnelles pour la transmission des ondes. La station est dotée de six génératrices de 10 000 volts, faisant de celle-ci l’une des plus puissantes de son époque.
(Photo de la station de Leschaux).
Avec l’éclatement de la Première Guerre mondiale, le gouvernement français saisit la station de Leschaux pour des raisons de défense nationale, la mettant sous séquestre en septembre 1914. Malgré des essais prometteurs de transmission de messages jusqu’en Amérique, la station est en partie démantelée par les autorités militaires qui réquisitionnent les dynamos et autres équipements cruciaux. Après la guerre, Galletti tente en vain de récupérer son matériel, désormais hors d’usage, pour relancer son activité. En 1922, le tribunal civil de Chambéry ordonne un inventaire de la station et de ses équipements, mais le sort de la station de Leschaux est scellé.
Sur le plan scientifique, dès 1906, il dépose de
très nombreux brevets :
- Dispositif pour produire des oscillations
électriques ininterrompues. - Dispositif pour produire des oscillations
électriques continues.
- Installation pour l’émission périodique de
groupes d’ondes électriques par une antenne. - Dispositifs pour la production de décharges
d’étincelles électriques éteintes. - Perfectionnements à la production de
décharges d’électricité statique amorties.
Recherches ultérieures et radio-guidage aérien
Après les ravages de la guerre, Galletti continue ses recherches, mais il doit s’adapter aux nouvelles contraintes financières et aux défis techniques de l’époque. Il s’installe finalement en Angleterre, où il collabore avec la société Ferranti de Manchester pour développer des dispositifs de radioguidage d’avions. Ses travaux aboutissent à des essais réussis de navigation aérienne guidée par radio entre Manchester et plusieurs villes britanniques. Son système, utilisant des ondes radio réfléchies, permet de guider les avions avec une précision inédite pour l’époque. Ces recherches retiennent l’attention des militaires, qui l’autorisent à installer un poste de transmission près de Londres pour poursuivre ses essais.
Héritage et commémoration
Galletti décède soudainement le 18 août 1932, laissant derrière lui un héritage scientifique considérable. Malgré des tensions avec d’autres inventeurs et des obstacles politiques, il est aujourd’hui reconnu comme un acteur majeur de la télégraphie sans fil. En 1988, un musée dédié à sa mémoire est inauguré à Saint Maurice de Rotherens en Savoie, où sont exposés ses travaux et une reconstitution de sa station de Leschaux. Les commémorations régulières, organisées par des radioamateurs et des passionnés d’histoire des communications, soulignent l’importance de ses contributions. Ce musée, ainsi que plusieurs stèles commémoratives, rendent hommage à l’homme qui a su, à son époque, communiquer avec l’Amérique, réalisant un rêve audacieux et innovant.
Roberto Galletti di Cadilhac reste une figure emblématique du génie créatif et technique qui a caractérisé les débuts de la télégraphie sans fil. Son parcours, jalonné de découvertes, de rivalités et d’obstacles, témoigne de la détermination d’un homme à repousser les limites de la communication, bien avant que la radio et les transmissions hertziennes ne deviennent des outils de communication de masse. Les réalisations de Galletti continuent d’inspirer les générations futures, rappelant l’importance des pionniers dans l’avancée des sciences et des technologies.
Plusieurs sites Internet lui sont consacrés.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Roberto_Galletti
http://mdumonal.free.fr/radio/galletti/galletti.htm
http://dspt.perso.sfr.fr/SaintGenix.htm
Références bibliographiques.
Pour la première fois, de nombreux documents sont publiés, grâce à :
- Mme Joëlle Perrier. Conservateur du musée Galletti à Saint Maurice de Rotherens 73.
- L’Association Rencontres et Loisirs (à l’origine du musée).
- M. Amoudry, élu d’Annecy et Conseiller Régional Rhône Alpes.
- Mme Muzzarelli, nièce de Galletti qui a confié les archives de son oncle au musée.
- Les archives familiales à Fermo – Italie.
- Le Musée des Sciences et de l’Industrie à Manchester.
- Les travaux d’historiens, de Professeurs, de Radio-Amateurs, et du C.H.C.R.
Adresse du Musée Galletti
À partir de l’autoroute A43, sortie Romagnieu puis St Genix, D916 et D42.
Ou par Chambéry, Novalaise, ensuite la D916 et la D42.
Publication avec l'aimable autorisation de Daniel Galletti F5DBT www.radioamateurs-france.fr
Vignette : Les 26 et 27 février 2000, lors du championnat de France phonie, Daniel GALLETTI F5DBT /P / 73 a opéré sa station depuis le musée (confirmation des QSO fait avec une qsl spéciale du musée) ©
Photos : Propriété du musée Galletti ©
Fichier PDF par Daniel F5DBT