
Face à l’engouement suscité par « cette ténébreuse science familière, ce tripotage sans fil et sans fin »¹, le journal ‘Vers L’Avenir’ entame dès janvier 1925 la publication d’une rubrique dédiée à la T.S.F. .
Ces articles, hebdomadaires dans un premier temps, puis moins réguliers ensuite sont signés ‘BOB DE SELF’, alias Mr. De Winter (28, Quai de Meuse à Jambes), professeur à l’école des Cadets et responsable des cours techniques à la Société de TSF de la province de Namur.
Voici les 27 sujets abordés² :


Cet article de février 1926, témoignage poignant des terribles inondations que connut Namur en ce début de l’année 1926, semble être le dernier de la série. A ce titre, nous le reproduisons en annexe.


______________________________
¹ La Libre Belgique, 26 avril 1924.
² Erreurs de numérotation et/ou imprécisions du texte ont fait l’objet de rectifications (par l’auteur) dans des numéros ultérieurs.
Annexe

Présentation de la TSF à Namur
Le Baron Albert de Dorlodot (1899-1975)

Pionnier de la T.S.F. Ã Namur
Très jeune, Albert de Dorlodot s’est intéressé à cette science nouvelle, encouragé dans cette voie par le Père Lucas, Jésuite, professeur de physique aux Facultés à Namur. [1]
Il raconta ses premiers souvenirs de la TSF, « chose mystérieuse et pleine de charmes secrets » [2], dans un article intitulé « M. le Baron Albert de Dorlodot nous dit… », publié dans la revue ‘Radio Belgique’ du 25 mars 1934.
Il réalisa lui-même son premier poste récepteur de TSF qui lui coûta « la coquette somme de sept francs, sept francs or, bien entendu… ». [3]
Ce poste de radio lui permit d’écouter les émissions horaires et météorologiques de la Tour Eiffel, mais surtout, dès la fin de 1913, les premiers essais radiophoniques du poste de Laeken. Par la suite, il fit partie des quelques centaines d’auditeurs ‘privilégiés’ du premier concert radiodiffusé le 28 mars 1914.
Dans un autre article, intitulé « Le Roi Albert et la T.S.F. », écrit à la mémoire d’Albert Ier décédé accidentellement à Marches les Dames le 17 février 1934, Albert de Dorlodot retrace les débuts historiques de la radiodiffusion en Belgique et met en exergue le rôle prépondérant que joua le souverain dans le développement de la T.S.F. en Belgique.
« En 1912, sous son impulsion, MM. Goldschmidt et Braillard entreprirent la construction d’une station de grande puissance dans une des dépendances du domaine de Laeken. Ce poste commença des essais en 1913 et les poursuivit jusqu’à la déclaration de la guerre. (…)
En 1913, un émetteur de radiotéléphonie fut construit au poste de Laeken avec la collaboration de l’ingénieur italien Marzi. Les essais commencèrent pendant l’hiver 1913-1914, les appels furent perçus en différents points de Belgique et, le 13 mars 1914, à Paris. Deux concerts furent diffusés le 28 mars 1914 : le premier, à 17 heures, à l’intention des amateurs de T.S.F. ; le second, à 20h30, à la demande expresse du Roi qui désirait écouter, ainsi que la Famille Royale, du Palais de Bruxelles. Ces concerts constituent les premières émissions de radiodiffusion du monde. (…) Quelques heures avant l’entrée des Allemands à Bruxelles, le Roi donna l’ordre de détruire complètement le poste de Laeken, ne voulant pas que son œuvre pût servir à l’ennemi. » [4]
Les précieux témoignages du Baron Albert de Dorlodot, sans-filiste de la première heure, sont également relatés dans l’ouvrage récent de Philippe Caufriez. [5]
« Les essais commencèrent pendant l’hiver 1913-1914, les appels furent perçus en différents points de Belgique et, le 13 mars 1914 à Paris. »
Le ‘concert aérien’ du 28 mars 1914 est relaté en termes dithyrambiques dans le journal ‘Le Soir’ du 30 mars. Preuve d’un début d’engouement pour ces premiers programmes réguliers en Europe, une firme de Bruxelles propose à sa clientèle en ce début de 1914 « le placement complet d’antennes et poste récepteur », une installation de T.S.F. tous services compris. [6]
A la question, comment ces progrès de la T.S.F. furent accueillis par le profane, le Baron Albert de Dorlodot répond avec un certain flegme que « les premiers auditeurs étaient pris pour des illuminés ou tout au moins pour d’aimables fumistes. Comme la date du 28 mars est assez rapprochée du premier avril, beaucoup de gens se sont imaginés qu’il s’agissait d’un simple poisson d’avril. (…) Mais en apprenant que ces émissions se faisaient à l’initiative du Roi Albert, il y eut bientôt un revirement et les adeptes de la T.S.F. devinrent de plus en plus nombreux. » [7]
Ainsi, en Belgique, à la veille de la première guerre mondiale, toutes les conditions étaient déjà réunies pour que se développe la radio. La guerre stoppa net ces audacieuses et magnifiques expériences. Le mouvement, qui n’était qu’en sommeil, reprit dès la fin des hostilités : les ‘sans-filistes’ développèrent leur activité, ils se groupèrent en associations, en ‘Radio Clubs’ très actifs.
La première station de radio, qui commença ses émissions le 24 novembre 1923 sous le nom de « Station radiophonique de Bruxelles », suscita maintes vocations parmi ‘les auditeurs-bricoleurs’, auditeurs de concerts et futurs amateurs-émetteurs confondus.
A Namur, Albert de Dorlodot est un « Broadcast Concert Listener », qui s’intéresse aussi aux « émissions radiophoniques d’amateurs », comme en témoigne un rapport d’écoute (01/1924), publié dans la revue anglaise « The Wireless World and Radio Revue » en mars 1924. [8]

La ‘Société de T.S.F. de la province de Namur’ fut inaugurée le dimanche 11 mai 1924. [9]

Le Baron Albert de Dorlodot ouvre la séance inaugurale à 10h30 en la salle des conférences de l’Ecole moyenne des garçons. [10]
Le conseil d’administration du club compte un Président, un Vice Président, un secrétaire et 4 administrateurs. La jeune société de T.S.F. s’articule autour de 3 commissions :
- La commission d’enseignement (5 membres), dont le but est l’organisation d’une série de cours-conférences permettant aux amateurs de développer leurs connaissances. Cette commission est dirigée par Mr. De Winter. (28, Quai de Meuse à Jambes)
- La commission de bibliothèque (3 membres), complémentaire à l’enseignement, a comme but de fournir à tout amateur une documentation pratique ou scientifique. Mr. Coppe est à la tête de cette commission.
- La commission de laboratoire (4 membres), dirigée par le Lieutenant Pirson veillera à construire des postes types, à lampes et à galène.
A la fin de la réunion, le Président remercie les présidents des commissions, souligne le rôle prépondérant de l’amateur de T.S.F. et conclut :
« Le rôle de notre société, dit-il, est illimité. Par notre action, par le travail de tous nos membres et de tous nos amis, nous verrons, selon la forte expression d’un amateur français, un cadre dans chaque appartement, des antennes aller de cheminées en cheminée, et chaque maison abriter un sans-filiste. » [11]
La 1ère Assemblée Générale se déroula le 1er juin 1924 au local, rue Basse Marcelle, n°1. Une conférence intitulée « Les principes de la télégraphie et téléphonie sans fil » (avec expériences et projections lumineuses !) suivait l’ordre du jour. Attestant du succès remporté par la jeune société de T.S.F., des cours techniques et de morse, ‘préparatoires aux examens de radio-téléphoniste’ sont organisés tous les samedis au local. [12]
En cette fin d’année 1924, l’évènement phare dans la vie du club fut une « Exposition et Concours de T.S.F. », organisé du 25 au 31/12/1924. [13]

12 éminents ‘T.S.Fistes ou musiciens’, dont MM. De Winter (alias ‘Bob De Self’) [14] et Coppe, professeurs à l’Ecole des Cadets, font partie du jury.
Dans la revue « Science et Savoir-Faire » n°67 de janvier 1925 (p.6), Mr. Louis Boccar (41, rue Asty-Moulin) précise que ce concours avait réuni 18 concurrents et, détail piquant, que c’est Mr. Chardon de Ronet qui remporta la première place. Cette même revue publie par ailleurs les résultats d’écoute de nombreux sans-filistes namurois. [15]

Par la suite, Albert de Dorlodot fit partie du premier conseil de gestion de l’INR, crée par la loi du 18/6/1930 et l’AR du 28/6/1930. Sa première réunion eut lieu le 11 septembre 1930 et sa composition reflète les 3 grandes familles politiques et, de surcroît, les 3 régions du pays.
Le développement de l’INR entraîna dans les années 30 la nécessité de construire de nouvelles infrastructures abritant studios et émissions.
Un concours d’architecture fut lancé le 22/2/1933 pour la construction du futur ‘Paquebot’ de la place Flagey. Le jury, dans lequel on retrouve le Baron de Dorlodot, attribuera la réalisation de ce projet à Joseph Diongre, un architecte bruxellois. [16]
En ce début des années 30, divers documents attestent de son rôle à la tête de « l’Union Radio-Club de Belgique ». (11, rue du Congrès Bruxelles) [17]
Par la suite, la Société de T.S.F. de Namur s’appela « Union namuroise de radiophonie ». Une ‘Radio Chronique’, signée ‘Le Voltmètre’ était publiée dans ‘Vers L’Avenir’. En avril 1933, un ingénieur de la Société belge de radio (S.B.R.) vint entretenir ses membres des mystères de la ‘télévision’.

Alors que d’autres sans-filistes namurois bien connus se livrent aux joies de l’émission d’amateur [18], aucun article, aucune liste, aucune carte QSL ne m’ont permis à ce jour d’affirmer avec certitude que Mr. Le Baron Albert de Dorlodot ait pratiqué, en un quelconque moment de sa vie, l’émission d’amateur.
Notes.
[1]  « Le Père Désiré-Joseph Lucas (1860-1949), quant à lui, sera l’une des personnalités les plus marquantes des Facultés, tant pour sa rigueur scientifique et la valeur de son enseignement, que pour son dynamisme et son rayonnement personnel. Professeur de physique de 1894 à 1945, membre du Conseil scientifique de l’Institut royal météorologique depuis 1920, membre de l’Association Belge de Photographie (ABP), il jouera également un rôle de premier plan dans les débuts de l’Institut technique de Namur (…) » ‘La vie à Namur au temps du Roi Albert’, p.146.
[2]  Interview du Baron de Dorlodot par Karl Hamerlinck dans : ‘Radio Belgique’ du 25/3/1934, p.5.
[3]  Interview du Baron de Dorlodot par Karl Hamerlinck dans : ‘Radio Belgique’ du 25/3/1934, p.5.
[4]  « Le Roi Albert et la T.S.F. », ‘La Revue Belge de TSF et Union-Radio-Revue réunis’ n°39, mars 1934, p.2.
[5]  Philippe Caufriez : ‘Histoire de la radio francophone en Belgique’, p.18.
[6]Â Â Philippe Caufriez, ibid., p.21.
[7]  Interview du Baron de Dorlodot par Karl Hamerlinck dans : ‘Radio Belgique’ du 25/3/1934, p.5.
[8]  ‘The Wireless World and Radio Review’. The official organ of the Radio Society of Great Britain. March 19th, 1924. p.780.
[9]  ‘Vers L’Avenir’, mardi, 13 mai 1924.
[10] Le local de ‘La Société de TSF de la province de Namur’ se trouvait au n°1 de la rue Basse Marcelle.
[11] ‘Vers L’Avenir’, mardi, 13 mai 1924.
[12] AG du 1er juin 1924 (‘Vers L’Avenir 24-25 mai 1924); Cours techniques de Mr. De Winter (‘Vers L’Avenir’ 20/11/1924) ; Cours de morse (‘Vers L’Avenir’ 19/2/1925).
[13] ‘Vers L’Avenir’, vendredi, 12/12/1924.
[14] Le journal ‘Vers L’Avenir’ entame dès janvier 1925 la publication d’une rubrique dédiée à la T.S.F. . Ces articles sont signés ‘BOB DE SELF’, alias Mr. De Winter (28, Quai de Meuse à Jambes), professeur à l’école des Cadets et responsable des cours techniques à la Société de TSF de la province de Namur. Le dernier article de février 1926 est un témoignage poignant des terribles inondations que connut Namur lors de la nuit de la Saint-Sylvestre 1925-1926.
[15] « Résultats d’écoute en Radiophonie d’amateurs » (‘Science et Savoir-Faire’)
- Mr. Georges Honinckx fils, 24, Bld d’Omalius.
- Mr. Moret-Derèze, négociant à Flawinne.
- MM. Fontaine Frères, 22-24 rue de Bruxelles.
- Mr. De Winter, 28, Quai de la Meuse, Jambes.
- Mr. Simon Joseph, 23, rue des Hayettes, Salzinnes.
- Mr. Chardon , rue du Wagon, Flawinne.
- Mr. Delhaisse Lucien, 221, chaussée de Waterloo.
- Mr. Grognard de Namur.
- Mr. Carlier, 77, rue de Bruxelles.
(…)
[16]Â Philippe Caufriez, ibid., pp. 103-104.
[17] L’URCB est « le plus puissant organisme fédératif des sociétés d’études et de vulgarisation de la science radio-électrique, à laquelle sont affiliés les radio-clubs de Bruxelles, Malines, Charleroi, Courtrai, Liège, Tongres, La Louvière, Louvain, Morlanwelz, Tirlemont, Namur, Jodoigne, Ath, du Borinage … groupe l’immense majorité des amateurs de TSF. (…) Cotisation : 20 francs l’an. » (‘L’Antenne’ N° 210 du 3 avril 1927.)
« M. le Président, le baron Albert de Dorlodot, rappelle les réunions antérieures, l’activité de l’U.R.C.B., son intervention dans la préparation des lois qui viennent, en cette année jubilaire, de doter le pays de l’Institut National de Radiodiffusion, et remercie les membres qui ont répondu à l’appel de l’U.R.C.B. ». (‘Radio-Science’ N° 9, septembre 1930, p. 83)
[18] Victor Liesens (1902-1976) fut un de ces ‘sans-filistes’ de la première heure : sa première demande pour « établir un poste récepteur privé de télégraphie sans fil » est datée du 15/12/1922 ! B 4UC-M2-EB4UC-ON4UC furent ses indicatifs successifs.
B8 AO (05/1925) des ‘rives meusiennes’ et les postes 4WA et 4WH (09/1925) sont cités dans ‘Science et Savoir-Faire’. Z9, P9, M2 et V8 étaient des indicatifs namurois du ‘Réseau Belge’.
Bibliographie
Ouvrages de référence.
◊  Philippe Caufriez, Brice Depasse, Nicolas Gaspard : 100 ans de radio en Belgique, Renaissance du Livre, 2013.
◊  Philippe Caufriez : Histoire de la radio francophone en Belgique, CRISP, 2015.
◊  ‘Vive la Radio’, ouvrage édité à l’occasion de l’exposition « Vive la Radio » organisée au Passage 44 à Bruxelles du 21 novembre 1980 au 4 janvier 1981. (Crédit Communal)
◊ Philippe Jacquet et Françoise Jacquet-Ladrier : La vie à Namur au temps du Roi Albert, ouvrage édité à l’occasion de l’exposition organisée à la Maison de la Culture de Namur du 8 septembre au 13 octobre 1984. (Crédit Communal)
◊  Marc Belvaux : La famille (de) Dorlodot I et II, Office généalogique et héraldique de Belgique. Bruxelles, 2014.
◊  Marie-Anne Lorgé : La TSF et le Luxembourg dans les années 30. Groupe Histoire collective du Luxembourg. Rossignol, 1987.
◊  René Dejollier : Namur … Revue à travers 25 ans de gazettes. (1915-1940). Namur, 1982.
Périodiques et revues spécialisées de TSF.
◊  « Science et Savoir-Faire », Bruxelles, année 1925. (Directeur : Oscar Laroche)
◊  « Radio Belgique » N°12 du 25 mars 1934. (pp.4-5)
◊  « La Revue Belge de TSF et Union-Radio-Revue réunies » N°39, mars 1934. (p.2)
◊  « The Wireless World and Radio Review ». The official organ of the Radio Society of Great Britain. (Année 1924)
◊  Journal « Vers L’Avenir », années 1923-1926. (Consulté aux ‘Archives régionales de Wallonie’, Beez)
◊  « L’Antenne », Supplément hebdomadaire illustré de ‘La Meuse’. (Années 1925-1927)
◊  « Radio-Science » Revue mensuelle scientifique, technique, industrielle et commerciale. Septembre 1930.
Documents annexes
Cliquer pour ouvrir











