The Voice Of Peace – La Voix de la Paix
Il s’agit d’une station de radio maritime appelée également offshore. Elle est issue de l’imagination d’un certain Avraham Abie Nathan né en 1927 en Perse, soit l’Iran actuel. Il est d’abord intéressé par l’aviation.
Il passe la plupart de ses jeunes années à Bombay en Inde.
En 1944, il rejoint la Royal Air Force et quatre ans plus tard il se porte volontaire en tant que pilote durant une guerre qui oppose les pays arabes à Israël. Il travaille par la suite pour diverses compagnies aériennes puis décide d’ouvrir un restaurant en Israël dans la capitale Tel-Aviv exactement.
Il dirige par la suite un parti à la Knesset appelée NES (Miracle) aux élections, mais a du mal à franchir le seuil électoral. Abie Nathan est un activiste de gauche modéré et surtout un pacifiste qui s’oppose à la politique de Begin. Il ne cherche nullement une déstabilisation du régime, mais souhaite mettre un terme à l’obstination de Begin de refuser des pourparlers avec l’OLP (Organisation de libération de la Palestine). Il décide peu après d’entreprendre un vol vers l’Égypte avec un avion nommé Shalom ce qui signifie la paix, car il apporte un message d’apaisement et atterrit à Port-Saïd le 28 février 1966.
Il demande à rencontrer le président Nasser, mais ça ne se passe pas comme prévu et est arrêté et puis expulsé vers l’état hébreu où il est à nouveau mis sous les verrous pour avoir emprunté un chemin illégal.
Il est également arrêté bien des années plus tard pour avoir pris contact avec l’OLP de Yasser Arafat et entame une grève de la faim de quarante jours.
En 1973, j’écoute radio Caroline et j’entends parler d’une nouvelle station de radio qui émet en mer Méditerranée au large des côtes israéliennes. Elle a pour nom the voice of peace. La radio va émettre pendant vingt ans à partir d’un bateau néerlandais baptisé également the voice of peace mais le nom the peace ship sera davantage utilisé et même choisi définitivement et même peint sur le navire. L’idée directrice de la station était d’aider à la réconciliation entre Israël et les voisins arabes.

Mais c’est déjà en 1967 déjà qu’il a l’idée de créer une radio pacifiste, en réaction aux programmes bellicistes diffusés par la voix des Arabes et Kol Israel.
Après avoir divorcé et vendu tous ses biens, il se rend aux Pays-Bas à Amsterdam pour faire l’acquisition d’un navire puis se rend à New York où il espère parvenir à collecter les fonds nécessaires à l’acquisition de l’onéreux matériel d’émission. Après plusieurs mois de recherche infructueuse, il se lance dans une grève de la faim qui connaît une grande médiatisation et lui permet d’obtenir un écho conséquent auprès de certaines associations religieuses et des hommes d’affaires suisses Erwin Meister et Edwin Bollier (directeurs de Radio Northsea International). Il reçoit ainsi diverses aides matérielles et on lui présente des animateurs prestigieux, notamment Tony Allen un DJ qui fait partie de l’équipe de radio northsea international et de Radio Caroline, qui se met alors au service de Voice of Peace. John Lennon l’ex-Beatles envoie également beaucoup d’argent et sa chanson « Give Peace A Chance » devient l’hymne de la nouvelle station.

Après plusieurs années de travail acharné, le projet est en voie de se concrétiser fin de l’année 1972. Les premiers tests d’émission, prévus pour le 15 décembre doivent être reportés de plusieurs mois en raison de difficultés économiques. Le navire quitte New York le 16 mars 1973, les premiers tests ont lieu sur une fréquence de 195 m en moyennes ondes (1540 kHz), tenue secrète pour d’éviter les éventuelles tentatives de brouillage. Après sa traversée de l’océan atlantique, le navire se rend dans le port de Marseille afin de réparer des dommages causés par une tempête. Les tests reprennent fin mai.
En 1973 le navire qui bat pavillon panaméen, lance l’ancre dans les eaux internationales au large du Mont Sinaï. The Voice Of Peace dispose d’un émetteur de 50 kW et ses programmes sont diffusés en diverses langues, soit l’anglais, l’hébreu, le français et l’arabe. Ils peuvent être entendus dans de nombreux pays : Israël, Jordanie, Syrie, Chypre, Liban, Égypte, etc., soit un auditoire potentiel de 20 à 30 millions d’auditeurs. Comme l’atteste un sondage de l’époque, la station devient vite la radio favorite de la jeunesse israélienne. Le succès semble par contre plus mitigé auprès des jeunes Arabes vis à vis desquels elle rencontre de la méfiance.
L’entretien d’une telle station de radio maritime coûte cher, et l’entreprise rencontre d’importantes difficultés financières. Mais les donations restent nombreuses, des peintres israéliens font don du bénéfice de la vente de certaines de leurs œuvres à Voice of Peace et des étudiants de Haïfaa organisent une grande manifestation en soutien de la station.
Nathan tente d’organiser sur le bateau, en terrain neutre donc, une rencontre entre Golda Meir et Anouar El Sadate, mais la guerre reprend sur le plateau du Golan pour la distribution de l’eau coupée à l’état hébreu en octobre 1973 et le navire se voit contraint par le gouvernement israélien de quitter la zone. Devant l’échec de sa tentative de pacification, la radio cesse ses émissions.
Nathan retourne alors à Amsterdam. Radio Caroline lui laisse l’antenne pour lancer une vaste campagne de souscription afin de financer le retour de « Voice of Peace », avec un certain succès, mais il se rend compte que le coût d’entretien d’un bateau radio est colossal, et qu’une gestion commerciale par la publicité, à la manière des deux aînées Radio Caroline et Radio Veronica est nécessaire et l’unique solution pour assurer la survie de la station.
The Voice of Peace fait son retour sur les ondes. Le nouveau directeur artistique de la station et ex-animateur vedette de Radio Northsea International, Crispian St John. Il écrit également dans l’hebdomadaire américain Billboard Magasine, ce qui offre à la station une tribune supplémentaire.


La Voix de la Paix émet alors vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis la Méditerranée. On peut entendre le slogan « ’from somewhere in the mediterranean sea, this is the voice of peace. Les programmes sont essentiellement composés des succès anglophones du moment et l’animation des Djs se fait en anglais, à l’exception d’une émission en hébreu dans la nuit du vendredi et une autre consacrée à la musique arabe le samedi matin, ce qui n’est pas le créneau idéal pour proposer un tel programme, car le samedi matin est un moment de grande audience et même celui qui recueille le maximum de gens à l’écoute sur l’ensemble de la semaine. Cela perturbe les auditeurs réguliers habitués au format de la radio et qui entend tout autre chose que ce qu’il écoute d’habitude. Néanmoins cet écart peut permettre de joindre des auditeurs différents.
La station parvient à l’équilibre budgétaire grâce aux nombreux annonceurs publicitaires. Elle fait même des bénéfices, qui sont reversés à des associations caritatives.
The Voice of Peace se fait d’une certaine manière l’héritière de ses aînées pirates des années 1960 et 1970 : tous ses animateurs sont britanniques (certaines émissions sont d’ailleurs enregistrées sur bandes au Royaume-Uni puis acheminées jusqu’à la capitale Tel-Aviv siège de la station, avant d’être diffusés) et l’équipe de Djs de la station anime à terre des soirées en discothèques pour renflouer les caisses et agrandir davantage la notoriété de « ’the voice of peace ».
Les animateurs « résidents » travaillent dans un esprit de bénévolat, et ne touchent que 60 £, soit l’équivalent d’environ cinq mille francs belges de l’époque, de ce qu’il faut bien appeler de l’argent de poche.

Le 31 décembre 1981, face au refus du gouvernement d’Israël d’accorder une licence d’émission depuis la terre ferme (ce qui aurait été une aide appréciable), la radio « Voice of Peace » cesse provisoirement ses émissions.
Le 12 janvier cependant, la Knesset informe qu’une réforme importante de la réglementation audiovisuelle est en préparation et la station reçoit l’autorisation d’émettre depuis les eaux territoriales pendant la période hivernale, afin de préserver la sécurité des occupants du navire, mais à la condition que les émissions se limitent au territoire israélien et que la station se place sous le contrôle du gouvernement, sous peine de se voir interdire la possibilité de diffuser de la publicité.
Ce qu’Abie Nathan considère tout d’abord comme une avancée auprès des autorités se trouve vite démenti. Les partis d’opposition et certains orthodoxes religieux contestent la faveur faite à la station et affirment que The Voice of Peace doit cesser d’émettre pendant le sabbat.
Le 16 février, Nathan fait le choix d’exiler de nouveau la station au large, où elle n’aura plus à subir ce genre d’attaques.
Le 19 février, la station reprend ses programmes quelques heures et indique que Nathan va se rendre en Irlande et plus précisément à Dublin la capitale afin d’apporter sa pierre aux tentatives de réconciliation entre catholiques et protestants.
The Voice of Peace, de nouveau ancrée au large de l’État hébreu, fête ses dix ans d’existence avec une soirée spéciale « ’The Beatles » le 28 mai 1983.

En 1991, à la suite de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein, ce qui donne lieu à la deuxième guerre du Golfe, la station se fait à nouveau chantre de la paix et diffuse des informations qu’elle recueille avec les moyens du bord.
À l’automne de la même année, Abie Nathan est condamné à 18 mois de prison pour avoir rencontré le leader de la cause palestinienne, Yasser Arafat. Il en sortira cependant le 30 mars 1992, après six mois, le gouvernement lui accorde néanmoins la grâce pour sa bonne conduite.
La station, quant à elle, poursuit ses émissions avec difficultés, malgré ses succès d’audience initiaux. En mars 1992, un mouvement de libéralisation des ondes, accompagné par la création de la Seconde autorité de la télévision et de la radio (SATR), se fait en Israël, et les nombreuses stations-pirates qui fleurissent alors se voient proposer la possibilité d’une régularisation, et pour les stations offshore, dont The Voice of Peace et Arutz Sheva, l’autorisation d’émettre à partir de la terre, en contrepartie de redevances, d’un contrôle éditorial du contenu, et de règles assez coercitives en matière de publicité qui interdisent l’espoir d’être autosuffisant par ce biais. Le projet piétine pendant de longs mois, et alors qu’un dossier détaillé de demande d’autorisation a été déposé, la radio nationale Kol Israel met fin à cette possibilité et lance une campagne agressive contre le projet de libéralisation.

Cependant les problèmes financiers finirent par avoir raison de « The Voice of Peace ». Les modifications de format et les suspensions d’émissions pour faire face aux problèmes légaux ou matériels se sont enchaînées. Elle subit par ailleurs la concurrence d’Arutz Sheva, plus professionnelle, et des nombreuses stations-pirates qui éclosent. À la suite de choix de gestion malheureux dans le recrutement d’annonceurs, et d’une baisse d’audience, elle n’a plus que très peu d’annonceurs après le départ de Coca-Cola. Endettée à hauteur d’environ 250 000 dollars US, elle cesse définitivement ses émissions le 1er octobre 1993. De plus, des discussions de paix se sont engagées entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, la station avait en quelque sorte atteint son but et n’avait plus de raison d’être. Nathan continua à travailler pour diverses causes humanitaires à travers le monde.
Plusieurs tentatives sont faites pour vendre le bateau ou relancer les émissions de « Voice of Peace », mais toutes échouent. Le dernier jour des émissions, alors qu’Abie Nathan a fait part de son intention de couler le bateau, la municipalité de Tel-Aviv et le ministre de l’environnement lui proposent un mouillage près des côtes afin de transformer le bateau en musée de la paix. Le bateau rejoint le mouillage promis, mais après presque deux mois d’attente, un changement de majorité dans la municipalité met fin au projet. Nathan en revient alors à son idée initiale, donne l’ordre de récupérer le matériel d’émission se trouvant à bord, et après le refus d’une proposition de rachat de dernière minute, conduit le 28 novembre le bateau dans les eaux internationales, où il est sabordé. Il coule le lendemain, le 29 novembre 1993. C’est une bien triste fin pour la radio la Voix de la Paix.
En 1997, Nathan subit un accident vasculaire cérébral qui le paralyse partiellement. Il meurt à Tel-Aviv le 27 août 2008 à l’âge de 81 ans.
Le 10 juin 2007, la municipalité de Tel-Aviv-Yafo adopte une résolution pour afficher une plaque commémorative sur la promenade de Tel-Aviv à Gordon Beach, en face de l’ancrage du navire de la paix. Ce mémorial joue des enregistrements de la Voix de la Paix, y compris l’indicatif d’appel de la station dans la voix de Nathan et une explication à la fois en hébreu et en anglais.
Des photographies anciennes riches en intérêt
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