Les âamateurs de TSFâ des annĂ©es 20 Ă©taient des auditeurs-bricoleurs qui, dans leur enthousiasme de nĂ©ophytes, ne se souvenaient certainement pas de lâexistence de certains de leurs aĂźnĂ©s qui, dĂšs les premiĂšres Ă©missions radiotĂ©lĂ©graphiques officielles Ă©closes aux alentours de 1901, sâentraĂźnaient patiemment Ă la lecture au son sur des postes fabriquĂ©s de A Ă Z par leurs soins.
Le terme âamateurâ Ă©tait lancĂ© : il englobait tous ceux qui sâintĂ©ressaient aux diverses manifestations audibles de la radio : une puissante coalition dâauditeurs de radios-concerts (BCL), groupĂ©s en âRadio Clubâ dans la plupart de nos villes belges dâune part et une poignĂ©e dâamateurs-Ă©metteurs (en devenir) de lâautre.
Ces premiers amateurs furent vite lassĂ©s de recevoir la mĂ©tĂ©o et/ou de vagues radiotĂ©lĂ©grammes quâĂ©changeaient entre eux quelques navires en mer.
Ils supposĂšrent que lâĂ©mission ne devait pas ĂȘtre plus difficile Ă expĂ©rimenter que la rĂ©ception. Lâapparition de la lampe triode (TM) autorisa les plus grands espoirs et fit accomplir aux amateurs-Ă©metteurs des pas de gĂ©ants Ă leur technique. Le mĂȘme engouement ralliait les âmordusâ dans divers pays du monde et en Belgique, dans diverses villes du pays. (Bruxelles, Verviers, Knokke âŠ)
A part les intĂ©ressĂ©s rĂ©sidant dans la mĂȘme localitĂ©, la grande majoritĂ© des amateurs ne possĂ©daient aucune liaison et les uns et les autres ignoraient, le plus souvent, les rĂ©sultats obtenus par leurs congĂ©nĂšres.
En Belgique, lâĂ©mission dâamateur sâorganise sans toutefois ĂȘtre officiellement autorisĂ©e. Ces pionniers opĂ©raient sans autorisation, en pirates. Ils se choisissaient un indicatif : un chiffre (â4â pour la Belgique), suivi de 2 ou 3 lettres. Mais lâAllemagne utilisait aussi le chiffre â4â ! Bien vite, des difficultĂ©s Ă identifier les pays dâorigine voient le jour. LâARRL propose de rajouter un prĂ©fixe complĂ©mentaire afin dâĂ©viter toute confusion. Cette idĂ©e est reprise et encouragĂ©e par Georges Veuclin, 8BP, fondateur, directeur et Ă©diteur du cĂ©lĂšbre âJournal des 8â (N°1 datĂ© du 15 mars 1924), qui faisait autoritĂ© Ă lâĂ©poque dans les milieux amateurs.
En Belgique, les tout premiers indicatifs comportent le chiffre â4â, suivi de 2 lettres (4AS, 4SS, 4RS, 4YZ, 4QSâŠ) et sont prĂ©cĂ©dĂ©s dĂšs aoĂ»t 1924 de la lettre âBâ. Ils semblent, Ă quelques exceptions prĂšs, âscripta manentâ, issus dâune mĂȘme rĂ©gion !

La plus ancienne carte en ma possession! Aucun nom, aucune adresse ! AprĂšs recherches, le titulaire de cet indicatif Ă©tait O. KEIL, 64, rue des Ă©tangs Ă Ensival. QSL via Mr. Henrotay, T.S.F. Verviers.

En 1913, Jacques HEYNEN se trouvait Ă Tlemcen (AlgĂ©rie). Il contacta CNWV, opĂ©rateur Berger Ă Tanger sur 600m. Il reprit lâĂ©mission en 1920 de Krefeld sous â1CFâ et devint R7 Ă Tanger en 1923. Plus tard, ON4GQ, CM de Bruxelles.

Jacques HEYNEN S/Officier Bataillon-Radio Vilvorde Belgique. Faisait du 80m avec 2 lampes TM sous 220V. Description de sa station dans le âJd8â N°10 du 5 Juillet 1924.

Cette carte de février 1925 ne comporte ni nom, ni adresse. Elle est signée
« B 4AS âProfâ » ! Elle appartenait Ă LĂ©on SNEEPERS, Professeur Ă lâInstitut Saint Remacle de Stavelot.
A Verviers donc, les fĂ©rus de radio se groupĂšrent dĂšs 1922 sous lâĂ©gide de Laurent Henrotay, 4QS, le « Radio Club Belge de lâEst » Ă©tait nĂ© ! La revue âRadio-Ăchosâ (N°1 â Janvier 1925) Ă©tait son organe officiel. PrĂ©cisons aussi que le « Cercle VerviĂ©tois dâĂtudes RadioĂ©lectriques » voit le jour dĂšs 1923 sous lâimpulsion du PĂšre Ernest Verreux. Son secrĂ©taire Ă©tait M. Paul de Neck, ex U3, devenu 4UU, un radio amateur de la premiĂšre heure.
« En 1910, il utilisait une bobine de Ruhmkorff, en 1913 un Ă©metteur Ă Arc de Poulsen. AprĂšs la guerre, il reprit ses essais en 1921 avec un Flieg 600P puis un Ă©metteur Hartley sur une longueur dâonde de 200 mĂštres » (CQ-QSO 11/1960, p.205)
De mĂȘme, ON4BK Joseph Mussche, alors prĂ©sident de lâUBA, Ă©crivait en juin 1960 (CQ-QSO 06/1960, p.130) en hommage Ă son ami dĂ©cĂ©dĂ© :
« TrĂšs jeune amateur avant la guerre de 14, il fit la campagne Ă la radio militaire belge. Jeune ingĂ©nieur, il avait groupĂ© autour de lui Ă Verviers, un certain nombre dâamateurs de TSF et crĂ©e le C.V.E.R. Certains de ces amateurs sâadonnĂšrent avec lui Ă la pratique de lâĂ©mission ».
Cela fait de lui un des tout premiers, jâaurais tendance Ă dire le tout premier radioamateur belge et de Verviers le berceau du radio amateurisme dans notre pays.
A Bruxelles, un groupe dâamateurs âsans-filistesâ se rĂ©unissait dans les locaux du « Cercle belge dâĂ©tudes radioĂ©lectriques » (CBER), au 3e Ă©tage du Palais dâEgmont. Le 12 aoĂ»t 1924, ce groupe se donna comme nom âLe RĂ©seau des 2â car la plupart de leurs indicatifs se terminaient par le chiffre â2â. Ou Ă©tait-ce parce que les rĂ©unions se poursuivaient dans un cafĂ© appelĂ© âLes Deux BĂ©cassesâ ? (plus tard : Ă âLa Lunetteâ, Place de la Monnaie)
On y trouvait : P2, Robert Deloor, futur 4SA et président-fondateur du RB ;
W2, Rudolph Couppez, correspondant belge de âLâAntenneâ ; D2, Georges Pollart, futur 4BY ; C2, Joseph Mussche, futur 4BK et futur prĂ©sident de lâUBA dans les annĂ©es 50 ; B7, Constantin Haumont, Traffic manager du RB et enfin K2, Hugo de Meyere, futur 4TI dont les âMĂ©moiresâ parues en 1955 et 1956 ont permis la sauvegarde de ces souvenirs.
Ce âRĂ©seau des 2â prit une telle extension quâil fut nĂ©cessaire en 1925 de crĂ©er le âRĂ©seau Belgeâ des Ă©metteurs.
Le premier prĂ©sident (âGeneral Managerâ) du RB fut Robert Deloor, P2, suivi de 1926 Ă 1936 par Paul de Neck, 4UU. Le bureau QSL central se situait 11, rue du CongrĂšs Ă Bruxelles.
La crĂ©ation du RĂ©seau Belge est relatĂ©e dans le âJournal des 8â du 28 mars 1925, le mĂȘme article (ou presque) paraissant dans âLâAntenneâ du 7 avril 1925.
Une premiĂšre liste de toutes les stations du RĂ©seau Belge (et quelques dissidents en â4ââŠ) en date du 11 avril 1925 paraĂźt dans le âJd8â nr. 41 du 25/4/1925.
Un article trĂšs complet, expliquant le fonctionnement du RB, ainsi quâune liste des DM et CM est publiĂ© dans la Chronique Belge (par Rudolph Couppez W2) du journal âLâAntenneâ N° 116 du mardi 16/6/1925. (pp.393-394)
Le RĂ©seau Belge devint la section belge de lâIARU, lâUnion Internationale des radioamateurs, fondĂ©e Ă Paris en avril 1925. La premiĂšre rĂ©union gĂ©nĂ©rale du RB eut lieu le dimanche 13 septembre 1925, Ă lâHĂŽtel Scheers Ă Bruxelles.
« A lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale 70 membres Ă©taient prĂ©sents, venus de tous les points de la Belgique. Tous arboraient Ă la boutonniĂšre leur carte QSL. La plus franche camaraderie ne cessa de rĂ©gner parmi eux » (LâAntenne N° 132 du 6/10/1925, pp.662-663)
Les indicatifs du âRĂ©seau Belgeâ sont formĂ©s dâune lettre suivie dâun ou de 2 chiffres, CH compris : A4, B52, M2, W4, CH5 âŠ
A ce sujet, on peut lire dans âLâAntenneâ du 16/6/1925 : « Au point de vue DX, le systĂšme lettre/chiffre possĂšde de grands avantages par son excellente cadence et son peu de longueur comparĂ© aux 4XY ou 4ABC et aussi parce quâils sont personnels Ă la Belgique ».
Et dans âLâAntenne du 1/9/1925 : « Il faut souhaiter pour lâharmonie de lâĂ©mission belge que les â4â se rallient au systĂšme de la majoritĂ© (âŠ) »

Ci-dessus, la carte QSL de Robert DELOOR, P2, premier PrĂ©sident du âRĂ©seau Belgeâ. Il fit partie dâune dĂ©lĂ©gation de 10 personnes (des amateurs-Ă©metteurs, des membres de lâUnion Radio-Club de Belgique, des juristes et Mr. Corteil, lâingĂ©nieur en chef de la RĂ©gie des T.T.) reprĂ©sentant la Belgique au « 1er CongrĂšs de LâUnion Internationale des Amateurs de T.S.F. » (Paris, 14-19 Avril 1925). Il devint ON4SA par la suite.

Victor LIESENS, M2 figure sur la plus ancienne liste des membres du RB ! Il devint EB4UC, puis ON4UC. Jeune âamateur-radioâ, je lâavais contactĂ© Ă de multiples reprises en âAMâ. Il dĂ©cĂ©da le 29/10/1976. âViv Nameur po totâ !
Last but not least, voici une photo (unique) du RĂ©seau Belge prise lors dâun banquet le 9/03/1930 (QST Juin 1930, p.72). Paul de Neck, ON4UU âGeneral Managerâ du RB est assis juste derriĂšre le fanion RB ! Debout 3e au second rang Ă droite : ON4RV RenĂ© GOKA de Verviers et Ă sa gauche ON4LM, le Major Martin.

Les indicatifs du RB ne sâimposĂšrent pas ! Ce fut le pot de terre (les dissidents en â4ââŠ) qui lâemporta sur le pot de fer.
LâarrĂȘtĂ© royal du 30/10/1926 dota les amateurs-Ă©metteurs belges dâun statut : lâautorisation dâĂ©mettre, frĂ©quences, heures dâĂ©mission, taxe etc. Pas question par contre dâun examen !
Le chiffre â4â fut imposĂ©, la lettre âEâ (pour Europe) vint prĂ©cĂ©der le âBâ (pour Belgique) : voici donc les amateurs belges utilisant le prĂ©fixe EB4.


Carte QSL et photo de la station EB4FZ Jacques MEURICE, 23 Juslenville-Petite Ă Theux, membre du âRĂ©seau VerviĂ©toisâ, fondĂ© le 6 Janvier 1929.

RenĂ© GOKA (R 330 âEB4RV âON4RV), rĂ©dacteur du âRadio-Feuilletâ (N°1 Janvier 1926) suivi en Mars 1928 du âBulletin des Ondes Courtesâ, devint en 1929 le secrĂ©taire du âRĂ©seau VerviĂ©toisâ, plus tard CM des âverts et vieuxâ ! Remarquons son indicatif dâĂ©coute âR 330â (prĂ©curseur des ONR et ONL), attribuĂ© en AoĂ»t 1926 par le cĂ©lĂšbre journal âLâAntenneâ de Paris.
Une premiĂšre liste de ces nouveaux âintermĂ©diairesâ (prĂ©fixes sensiblement diffĂ©rents de ce que nous connaissons aujourdâhui !) fut publiĂ©e dans le magazine âQSTâ de janvier 1927, p.54. En 1930, le Jd8 (N° 305 et 306) publia Ă©galement cette liste, en 1931, on parlait de âlettres de nationalitĂ©sâ !
Un âClub des 4â , dont « lâorgane de liaison et dâinvestigations scientifiques est le Q.T.C. belge, 38, rue de SuĂšde Ă Bruxelles » est fondĂ© dĂ©but 1927.
Son prĂ©sident est M. lâingĂ©nieur Raymond Boell 4AR ; 4YZ AndrĂ© Courtois et 4RS RenĂ© Pirotte sont vice-prĂ©sidents.
« Ajoutons que le âClub des 4â est placĂ© sous le patronage de la FĂ©dĂ©ration Belge des SociĂ©tĂ©s dâEtudes radioĂ©lectriques, le puissant organisme reliant tous les radio-clubs du pays⊠» (âLâAntenneâ N° 204 du 20 FĂ©vrier 1927, pp.165-166). LâURCB comptait 180 âĂ©metteursâ et 507 ârĂ©cepteursâ dĂšs Juin 1925, sa premiĂšre assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale eut lieu le 15 mars 1925.
Mais les radioamateurs belges de cette Ă©poque nâĂ©taient pas au bout de leur peine ! Citons ON4UF, Louis Richard qui Ă©crivait dans le âQSOâ 09/1938 (p.473) : « En 1929, il fallut dĂ©chanter. Nouvelle licence plus restrictive. Ensuite un CongrĂšs International crut bon de changer le prĂ©fixe rationnel EB en ce monstre hybride ON »
La Conférence Radioélectrique internationale de Washington (Octobre 1927) va fixer les indicatifs des stations expérimentales. ON pour la Belgique ! Ces rÚgles entreront en vigueur au 1er Janvier 1929.


Mordu par lâamateurisme aprĂšs la guerre de 14-18, peintre de renom, RenĂ© TOUSSAINT, ON4US de SPA faisait partie du « Radio Club Belge de lâEst ». âEB4US devint âON4USâ sur sa carte QSL. Il dĂ©cĂ©da le 20/10/1971.
ON4US obtint en 1929 (5e Belge Âč) le diplĂŽme âWACâ (CW) de lâARRL. Nous reproduisons ce document rare!

Autre document rare (et anecdotique !) : ON4HL de Gand rédige sa QSL pour ON4RV en Wallon ! Pas de problÚmes linguistiques en 1929 !

Âč Le âWAC CLUBâ fut mentionnĂ© pour la premiĂšre fois dans le QST 04/1926, p.54. Un historique des WAC, comprenant une rĂ©partition par continent, une rĂ©partition par pays ainsi que les dates des premiers WAC fut publiĂ© dans le QSO belge de Mai 1935. Le 1er WAC europĂ©en CW (1926) fut Belge : EB4YZ AndrĂ© Courtois de Hodimont-Verviers.
La situation en termes dâindicatifs Ă©tait pour le moins confuse ! Certains continuĂšrent Ă utiliser lâindicatif EB4, voire mĂȘme les indicatifs du RĂ©seau Belge. Les ânoirsâ(les stations pirates) utilisaient des suffixes Ă 3 lettres ! Leurs âexploitsâ Ă©taient dĂ©crits dans le âQSOâ, dâaucuns obtinrent mĂȘme le WAC !




Les premiers examens pour lâobtention dâune licence dâĂ©mission sont annoncĂ©s Ă la une du âQSOâ dâoctobre 1933. (premiĂšre âcessionâ des examens !)

En août 1939, toutes les licences furent supprimées, par lettre recommandée.

A la veille de la guerre, tous les Ă©metteurs devaient ĂȘtre remis aux âautoritĂ©sâ.


Pendant lâoccupation, de nombreux amateurs ont formĂ©, au pĂ©ril de leurs vies des rĂ©seaux clandestins.
AprÚs la seconde guerre mondiale, toutes les licences furent annulées par la Direction des Radiocommunications de la RTT.
Dans un premier temps (mai 1946), des autorisations provisoires, trÚs restrictives furent envoyées aux amateurs. Le Réseau Belge multiplia ses démarches en faveur des radio amateurs.
LâArrĂȘtĂ© MinistĂ©riel du 22/7/1947 fixa enfin une rĂ©glementation pour les stations Ă©mettrices rĂ©ceptrices privĂ©es. Tous, y compris les plus anciens et les plus respectables, devaient passer par la case « examen », afin de se mettre en rĂšgle avant le 1er janvier 1948.
La rĂ©organisation de lâamateurisme en Belgique Ă©tait en bonne voie.
Avant la fin de lâannĂ©e 1947, âRĂ©seau Belgeâ et âVlaamsche Radio Bondâ sâunirent en une association unique : lâUBA.
LâUnion fit notre force.
Les derniers tĂ©moins de cette lointaine Ă©poque nous quittent peu Ă peu. Câest Ă eux que je dois tous ces lointains souvenirs.