
Le « Cercle Verviétois d’Études Radioélectriques » vit le jour en 1923 au Collège Saint-François-Xavier de Verviers sous l’impulsion du Révérend Père Jésuite Ernest Verreux.
Après avoir enseigné à Gand, Charleroi et Bruxelles¹, il revint à Verviers en 1915, en qualité de professeur de mathématiques et de sciences. Dans sa classe de physique située au premier étage du bâtiment 16, rue de Rome, il orienta ses recherches dans le domaine nouveau et prometteur de la T.S.F.
Dès 1922, le ‘distingué professeur de physique’ dispensa un cours d’électricité tous les lundis soir à 20h précises.
« Ce cours est donné dans un but spécial : permettre à ceux qui ont une formation scientifique générale et élémentaire d’acquérir la connaissance théorique et la pratique de la télégraphie sans fil. » (Courrier du Soir, 9/11/1922)
Devenant bien vite un spécialiste en la matière, il construisit des appareils de mesure et de démonstration qu’il utilisait dans ses cours.
D’autres amateurs de T.S.F. s’intéressèrent à ses recherches et de cette collaboration naîtra en 1923² le C.V.E.R., le « Cercle Verviétois d’Études Radioélectriques ».
Voici son comité en 1924 :
Président : le R.P. Ernest Verreux, 16, rue de Rome Verviers
Secrétaire : Mr. Paul De Neck, 91, avenue de Spa Verviers (il quittera Verviers et le C.V.E.R. le 19/11/1924)
Secrétaire adjoint : Mr. E. Servais, 1, rue du Gazomètre Verviers (en fonction à partir du 9/10/1924)
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¹ Au Collège Saint-Michel d’Etterbeek, il enseigna les mathématiques au jeune Georges Lemaître, le père de la théorie du big bang.
² « Dans le compte-rendu de l’Assemblée Générale annuelle du mercredi 16 janvier 1924, le Président, le R.P. Verreux nous fit une petite causerie pleine d’humour sur l’activité dont fit preuve notre groupement dans le cours de sa première année d’existence » (Courrier du Soir, 20/1/1924)
Une grande conférence publique doublée d’une exposition de matériel de T.S.F. eurent lieu le dimanche 30 novembre 1924.
« L’expérience a démontré que ces manifestations publiques de l’activité du Cercle ont la plus heureuse répercussion sur la vitalité, le recrutement des nouveaux membres et la juste considération dont il jouit en ville » (Le Courrier du Soir, 16/11/1924)
Hélas, l’abondante documentation, méticuleusement rassemblée par le C.V.E.R. partit en fumée lors de l’incendie du Collège en février 1925. Faisant fi de tout découragement, le Cercle reconstitua partiellement sa documentation et organisa l’année suivante dans la grande salle du Collège une exposition qui fit sensation.

Face au succès remporté par cette exposition, le R.P. Verreux imagina de créer un poste d’émission privé sous le nom de « RADIO-VERVIERS ».
Le premier émetteur de Radio-Verviers (eb 4CF), datant de 1927 était un Mesny 2 lampes Metal TM, puissance alimentation 15W, assemblé par Roger Parent, EB4XS et Hubert de Thier, EB4BL. Une description complète de la station a paru dans ‘Le Radio-Feuillet’ (René Goka - ON4RV) N°14 de juillet 1927.
En 1927, une exposition de T.S.F. plus prestigieuse encore, fut organisée du 4 au 11 septembre au siège du C.V.E.R., rue de Rome, 16. Elle connut un succès retentissant et fut largement décrite dans le ‘Radio-Feuillet’ N°16 de septembre 1927.
Remarquons parmi la longue liste des exposants, outres des firmes commerciales ayant pignon sur rue (les firmes Dambois, Ortmans, Henrotay, Rouvroy et Martin de Verviers ; Mr. Dessaucy¹ de Pepinster et Alexis Wéry de Liège), la présence d’amateurs-émetteurs : Roger Parent, EB 4XS ; Hubert de Thier, EB 4BL; F. Masson, EB 4AZ; Henry Servais 4BK ; Eugène Lejeune, 4LEV ainsi que le dévoué Président du C.V.E.R., le R.P. Verreux et bien d’autres.
René GOKA, le rédacteur du ‘Radio-Feuillet’ concluait son article par ces termes élogieux :
« Il y a lieu de reconnaître les efforts déployés par les membres du C.V.E.R. et de les féliciter des résultats atteints. Nul doute que cette exposition si réussie ne permette de bien augurer pour l’avenir. Elle honore le Cercle Verviétois d’Études Radioélectriques et ses dévoués dirigeants² ».
Les activités du C.V.E.R. étaient nombreuses et variées. Il serait fastidieux de les énumérer toutes ! Une lecture de la rubrique ‘T.S.F.’ des journaux Verviétois de l’époque (Le Courrier du Soir - Le Jour) reflète parfaitement l’activité débordante de ce club ainsi que l’engouement de ses membres pour cette nouvelle science.
- une réunion avait lieu tous les mercredis à 19h30. Elle commençait invariablement par ‘l’appel nominal de rigueur’ et se terminait par quelques minutes de lecture au son (morse).
- des ‘causeries’ (avec projection lumineuse !) par les membres du club et/ou des conférenciers invités avaient lieu quasiment à chaque réunion.
- certaines réunions se déroulaient à l’extérieur, ‘en campagne’ : expériences dans les prairies de la Baraque Michel et les plaines de Heusy.
- un concours de réception organisé entre membres rallie tous les suffrages.
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¹ Après ses débuts à Pepinster, Mr. Dessaucy (1905-1990) établira ses ateliers rue Crapaurue en 1933, puis rue Cuper en 1941. Il est le fondateur de la marque A.S.I.A. (‘Ateliers Scientifiques et Industriels d’Applications’)
² « Le Radio-Feuillet », Organe mensuel de l’Union des Radio-Amateurs Belges, N°16, septembre 1927, pp. 2 ; 7-8.
◊ organisation (30/11/1924) d’une grande conférence publique doublée d’une exposition d’appareils de T.S.F. et de pièces détachées.
◊ participation d’un nombre considérable d’exposants en 1926 et 1927 dans la grande salle des fêtes du Collège St. François-Xavier
◊ synthèse et commentaire d’articles parus dans ‘La T.S.F. moderne’ et ‘L’Antenne’
Une certitude ressort des comptes-rendus des réunions du C.V.E.R. : les membres étaient des ‘amateurs écouteurs’ de T.S.F. , des ‘auditeurs bricoleurs’ et ne pratiquaient pas, en cette année 1924 l’émission d’amateur. Il n’en fut pas toujours ainsi par la suite ! Les ‘émetteurs’ sont considérés comme des ‘troublions’, qui brouillent la bonne réception des émissions de radio.
« Une plainte, déjà formulée antérieurement, vise un émetteur indiscret qui signe ‘Verviers 4 RS’. Il trouble, sans doute involontairement, les réceptions sur une gamme d’onde allant de 180 à 2000 m de longueur d’onde et à des heures où on souhaiterait qu’il se tût. » (Le Courrier du Soir, 26/10/1924)
Cet amateur émetteur bien connu¹ fait profil bas suite aux plaintes du C.V.E.R. !
« Nous étant plaint, non sans raison , de la manie qu’ont certains amateurs de troubler les réceptions régulières par des signaux plutôt intempestifs, l’un d’eux qui signe ‘4RS’ a écrit à notre Président pour lui demander de faire moins de publicité à ce sujet. » (Le Courrier du Soir, 10/11/1924)


¹ René PIROTTE, 10, rue du Parc Verviers. (membre du R.C.B.E)
Comme le rappelle par ailleurs l’Administration des télégraphes et des téléphones, toute « radiation électrique » est formellement interdite et « tout contrevenant aux dispositions légales sera rigoureusement poursuivi. »

Bravant ces interdictions, de nombreux amateurs émetteurs de Verviers, membres du C.V.E.R., du R.C.B.E. ou du Réseau Verviétois, apporteront leur quote-part appréciable au développement de cette nouvelle science. Ils établiront de merveilleuses liaisons radio, récolteront de prestigieuses récompenses et porteront loin dans le monde le renom de leur cité natale.
Bibliographie :
Thomas Lambiet : Saint-François-Xavier. Un Collège. Une tradition Jésuite. 1855-2005, Battice, 2005. pp. 69-70
Léon Peters (ON4PL): Radio Verviers, dans ‘Temps Jadis’ n°29, Verviers, 1988, pp.10-11
Thierry Luthers : Les postes privés de radio à Liège et à Verviers de 1925 à 1940, ULG, année académique 1982-1983.
Le Radio-Feuillet , Organe mensuel de l’Union des Radio-Amateurs Belges, Verviers, 1926-1929. (43 numéros)
L’étonnante aventure de Radio-Verviers (coupure de presse), Armand Carabin.
Journaux ‘Le Jour’ et ‘Le Courrier du Soir’ Verviers, 1922-1924. (archivage ON5WG)
Photos reproduites avec l’aimable autorisation de Mr. Thomas Lambiet.
Le Révérend Père Ernest VERREUX face au jeune Georges Lemaître, le père de la théorie du ‘big bang’.
Leurs vies se sont croisées, aussi étonnant que cela puisse paraître !
Georges Lemaître, l’aîné d’une famille de 4 enfants, vit le jour à Charleroi en 1894. Après 6 années au Collège du Sacré-Cœur en sa ville natale, le jeune homme s’inscrivit pour une année préparatoire en mathématiques au Collège Saint-Michel d’Etterbeek. (1910)
C’est là qu’il fit la connaissance d’un personnage clé de son adolescence.
Son professeur de mathématiques était le Révérend Père VERREUX, originaire de Verviers, qui, faisant référence à l’usage de la Bible comme source de science, mit son jeune élève en garde d’éviter l’amalgame entre la théologie et la science.
« When Lemaître attended prep school, his astute Jesuit math teacher, Father P. Ernest Verreux, warned his young protege not to misidentify theology with science ¹».
« After the young Lemaître expressed himself excitedly on a particular passage from the Book of Genesis that to his imagination seemed to suggest a forshadowing of developments in science, the older priest suggested Lemaître to curb his enthusiasm. He shrugged at his pupil's naive excitement. "If there is a connection, it's a coincidence, and of no importance. And if you should prove to me that it exists, I would consider it unfortunate. It will merely encourage more thoughtless people to imagine that the Bible teaches infallible science, whereas most we can say is that occasionally one of the prophets made a correct scientific guess.²»
« ..Y las horas de colegio, junto a mis professores. De algunos guardo un entrañable recuerdo. En especial, del Padre Ernest Verreux, profesor de Ciencias. Veía en él a un joven sacerdote con talento y espíritu emprendehor (habia diseñado y construido una emisora de radio) que hacía compatible su fe con la ciencia que enseñaba.³ »
Ce contact fut-il à l’origine de la naissance d’une vocation religieuse ? scientifique ? Les 2 certainement !
Georges Lemaître entra au séminaire de Malines en 1920 et sera ordonné prêtre en 1923. Il réussira par la suite à concilier ses vocations scientifiques et religieuses (la théorie du big bang d’une part et Dieu créant l’univers de l’autre), ne sacrifiant jamais l’une à l’autre et prônant une interprétation symbolique et non littérale du livre de la Genèse.
Bibliographie :
¹ Lemaître, Einstein and the Birth of Cosmology. Joe sz (posted on Jan 06,2008) reviewing ‘The Day Without Yesterday’ (John Farrell, 2005)
² Farrell, John. The Day Without Yesterday. New York 2005, pp. 24-25.
³ Eduardo Riaza : La Historia del Comienzo. Georges Lemaître, padre del big bang. Madrid, 2010, p.19.
Sitographie :
http://canatsey.weebly.com/uploads/8/5/3/0/8530796/lemaitre_and_the_big_bang.pdf