CAPITAL RADIO
Capital Radio était une autre station offshore qui connut des soucis techniques récurrents durant sa brève existence. Il ne faut pas la confondre avec la station de radio londonienne du même nom qui fut créée plus tard après la disparition de Radio Northsea International.
Capital Radio était une station de radio pirate qui n’avait pas d’ambitions commerciales, mais était issue d’une fondation qui avait pour nom IBS pour « l’international broadcasters society ». Capital Radio diffusait depuis les eaux internationales au large des côtes néerlandaises en 1970.
Elle diffusait principalement de la musique au format adulte nommé « easy listening » de la musique populaire douce et même un peu de la musique classique depuis le navire King David. Des programmes étaient d’expression néerlandaise et anglaise. L’objectif de la station était de fournir un service respectable, éthique et professionnel pour les auditeurs en Europe, et ce conformément aux règles édictées par leur société. Capital Radio avait prévu de diffuser deux heures d’émissions religieuses par jour et d’autres à caractère politique qui auraient été payantes.

Tim Thomason, l’actionnaire et le personnage central de cette radio avait fait appel en 1969 à Paul Harris auteur de plusieurs livres sur la radio offshore. Ensemble, ils avaient étudié les modalités pratiques du lancement de cette nouvelle station. En décembre 1969 Tim Thomason avait obtenu un financement de la part d’un homme d’affaire nommé Dirk de Groot qui vivait en Suisse. Une société holding nommée Kangaroo Pioneering Co avait alors été créée au Liechtenstein. Fin janvier, l’organisation trouva et acheta un chalutier néerlandais, destiné à servir de navire de ravitaillement à la station. Début février 1970, un ancien caboteur le ‘’Zeevaart’’ fut acquis pour abriter la future station de radio maritime. Le navire fut rebaptisé « King David » et conduit à Zaandam, pas loin d’Amsterdam, pour y être transformé en navire radio. Pendant ce temps là, le navire Kagaroo naviguait vers le port britannique de Scarbourough (Yorkshire) afin d’y récupérer du matériel d’équipement radio sur « l’Oceaan VII » qui avait servi naguère à Radio 270 (ça se prononçait radio two seven o). Le King David était équipé d'un émetteur de 10 kilowatts, et d'une antenne à boucle horizontale inhabituelle. Les raisons de l'installation de ce type d'antenne étaient à la fois idéologiques et techniques. Toutes les autres radios « offshore » utilisaient soit des antennes à mât vertical, soit des antennes horizontales suspendues entre les mâts avant et arrière. Ce nouveau type d'antenne favorisait de la diffraction sur les couches ionosphériques qui pouvaient potentiellement causer des interférences avec des stations éloignées sur la même longueur d’ondes, en particulier la nuit. La boucle horizontale rayonnait la majeure partie de son énergie sous forme d'onde de surface et cela minimisait ainsi tout QRM indésirable. En pratique, l'installation d'une antenne à boucle horizontale sur un navire posait plusieurs problèmes. La boucle était soutenue par des haubans fixés à un mât central. Elle était trop large pour permettre au navire de passer dans les canaux néerlandais, de sorte que les sections latérales devaient être articulées afin de pouvoir être relevées en position verticale jusqu'à ce que le navire soit en mer. La conception initiale n'était pas assez solide et l'une des sections latérales s'est déformée sous l'effet de vents violents, de sorte que l'ensemble de la boucle a dû être renforcé et les haubans consolidés.
Une fois la station mise en service, l'antenne cadre a produit un signal qui atteignait ses objectifs, c'est-à-dire qu’il couvrait une grande partie des Pays-Bas, de la Belgique et de l'est de l'Angleterre, malgré le fait que l'émetteur ne fonctionnait en QRP de ses possibilités puisqu’il ne sortait qu’un kilowatt.

En outre, le navire gîtait trop en cas de mer agitée, un côté du cadre pouvait entrer en contact avec l'eau, ce qui en conséquence produisait un court-circuit momentané de l'émetteur.
Pendant que les travaux avançaient sur le King David, des dispositions furent prises pour ré-immatriculer le navire et lui obtenir un pavillon comme l’exigeait le droit maritime international.
Le Liechtenstein obtint satisfaction et, à titre d’effet publicitaire, l’équipage reçut des uniformes et des grades d’ancienneté dans ce qui était alors prétendument la « marine du Liechtenstein » Le système aérien conçu pour la station était unique, une théorie de conception militaire qui impliquait une antenne circulaire en boucle, suspendue à un mât vertical central. Elle était accrochée à six mètres de chaque côté du navire. Les segments en surplomb étaient articulés afin de pouvoir être rangés dans la largeur totale du King David. Le 25 avril 1970, tous les travaux furent terminés et le King David quitta le port d’Ijsmuiden et débuta des tests d’émission. Cependant, les segments articulés de l’antenne annulaire se déformèrent lors de leur descente, ce qui obligea le navire à rentrer au port pour subir quelques transformations. Le King David reprit la mer le 1er mai 1970 et, cette fois, une émission test de courte durée fut réalisée à l’aide d’un enregistrement de la « BBC World Service » afin de prouver le bon fonctionnement du système d’antenne, jusque là encore théorique. D’autres travaux furent opérés sur le King David et son équipement d’émission en mai 1970, tandis que les programmes étaient enregistrés depuis un studio à Bussum.
Dans la soirée du 13 juin 1970, le King David s’était alors discrètement installé dans les eaux internationales au large de Noordwijk et d’autres tests officiels débutèrent le lendemain. La station de radio pirate à bord du King David commençait à diffuser des émissions tests au large des côtes néerlandaises le 14 juin 1970, sur 269 mètres, 1115 kHz en ondes moyennes.

La programmation officielle n'avait commencé que le 1er septembre. Cependant, la station était toujours en proie à des problèmes techniques principalement liés à son système d’antenne circulaire. Le King David devait une fois de plus rentrer au port fin du mois de juin et ce après que le système d’antenne se soit à nouveau effondré lors d’une tempête. Une nouvelle antenne à double anneau plus résistante fut installée, et la station reprit ses émissions d’essai le 14 juillet 1970, mais d’autres problèmes commencèrent à apparaitre au niveau de l’émetteur et des isolateurs d’antenne. Il fallut patienter quelques semaines avant que les pièces de rechange nécessaires n’arrivèrent d’Amérique.
Les programmes réguliers commencèrent à huit heures le 1er septembre. Les deux premières heures consistaient en des programmes musicaux préenregistrés suivis d’un discours de Tim Thomason qui expliqua les divers objectifs de « l’international broadcasters service » et de Capital Radio accompagné d’un bref historique de la radio offshore présenté par Paul Harris l’auteur à succès de bouquins sur le sujet des radios maritimes de haute-mer. Mais ça n’en resta pas là et d’autres pépins techniques affligèrent la station, car dans la soirée du 9 septembre un isolateur explosa, ce qui força Capital Radio à interrompre ses émissions et rentrer une fois de plus au port.

Durant le mois d’escale, les propriétaires furent menacés de poursuites par les PTT pour avoir installé un émetteur sans autorisation du gouvernement néerlandais. Cela présentait une violation de la loi des Pays-Bas. Le King David fut dès lors réparé à la hâte tant bien que mal et quitta le port le huit octobre mais il fut néanmoins contraint de rentrer après quelques heures en mer car une nouvelle perturbation du système d’antenne annulaire avait entrainé une perturbation. Deux jours plus tard, le King David put regagner son mouillage et les émissions reprirent.
Pendant près d’un mois, Capital Radio avait pu maintenir une programmation régulière et un bon signal. Un club d’auditeurs « Vrienden Van Vrije Radio » avait été créé et avait rassemblé plus de cinq mille membres et ce en quelques semaines. Les annonceurs avaient également acheté du temps d’antenne, la menace d’une action imminente du gouvernement néerlandais contre les stations pirates maritimes commençait à s’estomper dans les semaines qui avaient suivi la fermeture inattendue et momentanée de Radio Northsea International.
Mais la catastrophe frappa aux premières heures du 10 novembre 1970, lorsque l’équipage découvrit que la chaine de l’ancre s’était rompue et que le King David dérivait sous un coup de vent de force 9.
Les tentatives pour mouiller l’ancre de secours s’avérèrent vaines au grand dam de l’équipage, qui lança un message de détresse sur la fréquence des programmes en moyennes ondes soit 269 mètres, puis le King David s’échoua sur la plage de Noordwijk (pas loin de la Haye). Les DJ furent secourus par l'institution royale néerlandaise de sauvetage en mer d’Ijsmuiden, puis remis à la police.
Au même moment, la Wijsmuller Salvage Company capta le message et dépêcha l’un de ses remorqueurs (le Hector) et ce dans le but de poser une ligne à bord du navire radio à la dérive, ce qui lui permit de réclamer une indemnité de sauvetage.
Le King David continua à dériver vers le rivage sans son équipage jusqu’à ce qu’il échoua sur le quai à Noordwijk. Une première expertise du navire à marée basse révéla que sa coque n’était que peu endommagée.
L’espoir de la renflouer à la marée haute de midi était grand grâce aux services d’un remorqueur. Mais ils déchantèrent rapidement, lorsqu’il devint évident que des câbles spéciaux devaient être acheminés depuis Ijsmuiden et qu’il fallait prendre des dispositions pour les fixer au King David. Retardé par le mauvais temps qui persistait et l’absence de livraison des divers équipements, il fallut trois jours avant que tout soit acheminé et prêt pour la tentative de sauvetage. Entretemps, le King David avait subi les assauts des vagues et du vent et s’enfonçait davantage dans le sable mou de la plage.
Après l’échec d’une précédente tentative de sauvetage, une autre fut mise en place et menée à bien le treize novembre. Le King David fut remorqué jusqu’au port d’Ijsmuiden puis mis en cale sèche à Amsterdam. Il y fut inspecté pour déceler les éventuels dommages jugés peu nombreux. Néanmoins, il fut décidé d’y entreprendre d’autres réparations préventives mais nécessaires, notamment le système d’ancrage puis il fut transféré vers un chantier naval de la capitale.
Après les réparations, à peine le King David quittait la cale sèche le 26 novembre, il fut poursuivi par une vedette de la police. A son arrivée au chantier naval, la police et les autorités judiciaires l’arrêtèrent et l’enchaînèrent. La société de sauvetage en mer Wijsmuller avait réclamé quinze mille livres sterling pour le sauvetage du King David et, par décision de justice exigeait son immobilisation jusqu’au paiement de la somme réclamée.
Nonobstant le fait qu’à la fin de l’année 1970, le personnel de l’IBS avait travaillé sans salaire pour Capital Radio et ce, pour trouver un moyen de remettre à flot la station sur les ondes et un certain nombre d’opérations de sauvetage furent explorées, mais toutes se soldèrent par des échecs.
À ce moment-là, le navire fut saisi pour dettes impayées envers sa société d'approvisionnement. L'IBS n'avait malheureusement pas été en mesure de réunir les fonds nécessaires, et le navire fut de ce fait saisi, ce qui mettait un terme définitif à toute chance de continuer.
Le King David sera racheté plus tard par Abie Nathan pour créer sa propre radio « the voice of peace » sur les côtes israéliennes.
Guy Henkinet
Guy HENKINET alias ON6GH est né en 1957 et s’intéresse dès son adolescence à la radio et à la musique. Il est fan des radios offshore et visite le MEBO II (bateau d’émission) et les studios à bord de Radio Northsea Int. Il devient par la suite DJ, puis animateur radio sur radio kawa, fm56/SIS, Contact et bien d’autres encore, puis sur une vingtaine de radios en France. Durant la moitié des années 70, il consacre également du temps à réaliser des DX sur la bande des 11 mètres.
