
Lâanalyseur de spectre chez les radioamateurs est un des appareils de mesure radiofrĂ©quence par excellence. Il sâagit probablement de lâinstrument de mesure le plus prisĂ© aprĂšs le multimĂštre Ă©lectronique,lâoscilloscope et le gĂ©nĂ©rateur de signaux. Lâanalyseur de spectre est longtemps restĂ© le privilĂšge des ingĂ©nieurs en Ă©lectronique et en radiocommunications mais le monde Ă©volue et heureusement les radioamateurs se sont mis Ă la page
Ainsi, nous pouvons actuellement disposer dâun tel appareil Ă un prix OM, par exemple sous la forme dâun module compact qui se raccorde sur un ordinateur portable par lâintermĂ©diaire dâun port de communication USB (Universal Serial Bus). En outre, il nâest plus rare de nos jours en 2016 dâavoir une prise de contact directe avec lâanalyse spectrale des frĂ©quences grĂące Ă la prĂ©sence dâafficheurs spĂ©cifiques sur les Ă©metteursârĂ©cepteurs modernes Ă lâusage des radioamateurs, ou grĂące Ă des logiciels particuliers et dĂ©diĂ©s.
Fig. 1 : ClichĂ©s extraits du bandeau dâaccueil du site Internet radioamateur ON5VL (2015) illustrant des afficheurs de spectre de frĂ©quence.
Ă lâheure de lâinformatique, quâen est-il des analyseurs de spectre de laboratoire ?
Lâanalyseur de spectre radiofrĂ©quence reste une des piĂšces maĂźtresses des laboratoires professionnels de radiocommunications et est utilisĂ© la plupart du temps dans la recherche dâingĂ©nierie ou pour effectuer des mesures de prĂ©cision. Lâanalyseur de spectre se rĂ©vĂšle utile entre autres dans le domaine des transmissions Ă modulations numĂ©riques modernes telles que GSM (Global System for Mobile Communications), rĂ©seaux sans fil Wi-Fi (marque de la Wi-Fi Alliance du consortium Wireless Ethernet Compatibility Alliance WECA), 256QAM (Quadrature Amplitude Modulation, symboles reprĂ©sentĂ©s par 8 bits), etc. Les appareils qui Ă©quipent de tels laboratoires sont en gĂ©nĂ©ral du dernier cri des grands constructeurs (comme par exemple les analyseurs de spectre temps rĂ©el) et de tels instruments aussi performants sont actuellement inabordables pour les radioamateurs.
Toutefois, les analyseurs de spectre de laboratoire issus du marchĂ© de seconde main deviennent de plus en plus abordables pour les radioamateurs. Certes, ceux-ci sont parfois assez sportifs Ă utiliser, mais cela peut nous offrir le dĂ©fi dâapprendre et de maĂźtriser le contenu dâun des chapitres du programme de lâexamen de la licence HAREC (Harmonized Amateur Radio Examination Certificat) avant dâutiliser un analyseur de spectre. En effet, il vaut mieux apprendre un peu de thĂ©orie et de technique avant dâutiliser un appareil de mesure plutĂŽt que faire le contraire et « mettre la charrue avant les bĆufs ».
Fig. 2 : Analyseur de spectre et Radioamateur. Illustration dâun Ă©metteurârĂ©cepteur FT-736R sous test avec un analyseur de spectre HP 8563E et un gĂ©nĂ©rateur Ă deux canaux HP 3326A. Les relevĂ©s des mesures sont archivĂ©s sur un ordinateur portable par lâintermĂ©diaire dâune interface GPIB-USB Prologix (GPIB : General Purpose Interface Bus). LâĂ©metteur sous test est raccordĂ© Ă lâanalyseur de spectre par lâintermĂ©diaire dâun attĂ©nuateur de puissance Bird 500-WA-FFN-30 (500 W 30dB) suivi dâun attĂ©nuateur Narda 766-20 (20 W 20 dB) tous deux situĂ©s en haut Ă droite de la photo. Un DC-Block-limiteur Agilent N9355B (+10 dBm) est placĂ© immĂ©diatement Ă lâentrĂ©e de lâanalyseur de spectre afin de protĂ©ger lâentrĂ©e HF de toute fausse manĆuvre (Better safe than sorry ! Il vaut mieux prĂ©venir que guĂ©rir).
Le but de cet article est de faire un tour dâhorizon de ce quâest un analyseur de spectre afin dâapprĂ©hender lâutilisation dâun tel appareil et de montrer de maniĂšre ludique les types de mesure que lâon peut effectuer avec cet instrument. Nous utiliserons bon nombre de termes en anglais mais ceux-ci seront tous chaque fois dĂ©finis en français.
Nous invitons le lecteur Ă se documenter pour approfondir le sujet, par exemple avec la sĂ©rie des notes dâapplication Hewlett-Packard AN150, AN150-1âŠAN150-15, les publications Rohde & Schwarz, Anritsu, Tektronix, etc...
Quâest-ce que lâanalyse spectrale ?
Intuitivement, dans la vie courante, nous effectuons quotidiennement de lâanalyse spectrale, câest-Ă -dire lâanalyse dâun signal dans le domaine de la frĂ©quence. ReconnaĂźtre le timbre dâun instrument de musique ou identifier une voix humaine, distinguer la couleur dâun feu de signalisation routiĂšre au vert ou au rouge, câest de lâanalyse spectrale. En effet, un signal simple ou complexe peut ĂȘtre dĂ©composĂ© en une sĂ©rie de composantes de diffĂ©rentes frĂ©quences, de diffĂ©rentes amplitudes et de phases relatives entre elles. Nous devons cette dĂ©couverte au mathĂ©maticien Jean-Baptiste Joseph Fourier nĂ© au XVIIIĂšme siĂšcle ayant donnĂ© son nom aux sĂ©ries de Fourier, Ă lâanalyse et Ă la transformation de Fourier. Lâessentiel de cette dĂ©couverte est que tout signal peut ĂȘtre dĂ©composĂ© en une somme dâun fondamental et dâharmoniques.
Fig. 3 : Analyse dâun signal : soit dans le domaine du temps soit dans le domaine de la frĂ©quence.
En quoi lâanalyse spectrale peut-elle se rĂ©vĂ©ler utile ?
Un signal variable peut ĂȘtre observĂ© dans le domaine du temps et nous informer par exemple sur la forme dâonde de ce signal. En revanche, un signal observĂ© dans le domaine de la frĂ©quence nous donnera bien plus dâinformations sur les composantes qui forment ce signal. En effet deux sinusoĂŻdes diffĂ©rentes peuvent se ressembler Ă lâĆil nu sur un oscilloscope mais lâune dâentre-elles peut rĂ©vĂ©ler des harmoniques dâamplitudes non nĂ©gligeables sur un analyseur de spectre.
Dans le domaine des radiofrĂ©quences, cela a toute son importance : Ă©mettre sur la frĂ©quence porteuse dâun signal modulant est donc envoyer sur lâĂ©ther un rayonnement Ă©lectromagnĂ©tique (porteur dâune information) qui est supposĂ© ĂȘtre caractĂ©risĂ© par une frĂ©quence bien connue, bien dĂ©finie et cela Ă lâexclusion de toutes autres frĂ©quences porteuses, en particulier de frĂ©quences harmoniques. La puretĂ© spectrale dâune Ă©mission radio est une des caractĂ©ristiques essentielles afin dâĂ©viter des brouillages dâĂ©missions de tiers situĂ©es en dehors des bandes de frĂ©quences allouĂ©es aux radioamateurs. On nâarrĂȘte pas les ondes radio dans lâespace, mĂȘme si celles-ci sâattĂ©nuent selon le carrĂ© de la distance. Comme la perfection nâest pas de ce monde, lâenjeu est dâassurer Ă nos Ă©missions radioamateur une puretĂ© spectrale suffisante de façon Ă ce que lâamplitude des harmoniques soit rĂ©duite Ă un niveau acceptable dĂ©fini par des normes qui sont rendues exĂ©cutoires par la lĂ©gislation en matiĂšre des radiocommunications.
Les harmoniques dâune frĂ©quence porteuse ne sont quâune partie Ă©mergente de lâiceberg en matiĂšre de radio-Ă©missions. Le signal radiofrĂ©quence Ă©mis ne se limite pas Ă une porteuse seule (sauf dans le cas des tĂ©lĂ©communications en morse caractĂ©risĂ©es par une onde entretenue continue pure, CW Continuous Wave) : lâinformation transmise sous forme de modulation de la frĂ©quence porteuse a pour consĂ©quence une complexification du signal porteur qui se traduit par lâoccupation dâune portion de largeur de bande adjacente Ă la frĂ©quence porteuse. Le pilotage correct et efficace de la modulation doit contribuer Ă une maĂźtrise de la largeur de bande du signal Ă©mis.
Tout cela est vrai dans le meilleur des mondes, mais il subsiste dans la rĂ©alitĂ© des signaux parasites qui peuvent altĂ©rer la puretĂ© spectrale dâune Ă©mission aux abords directs (ou non directs) de la porteuse et de la bande occupĂ©e par la modulation (la « largeur de bande nĂ©cessaire »). Les signaux parasites sont rĂ©pertoriĂ©s sous les appellations suivantes : « rayonnements non essentiels » (Spurious Emission), « rayonnements non dĂ©sirĂ©s » et « émissions hors bande ».
Pour ĂȘtre bien comprises, ces appellations (ou dĂ©nominations) sont clairement dĂ©finies dans les recommandations de lâUIT-R : ensemble des normes techniques internationales dĂ©veloppĂ©es par le secteur radiocommunications de lâUIT (Union Internationale des TĂ©lĂ©communications), anciennement CCIR (ComitĂ© Consultatif International des Radiocommunications).
Voici ci-dessous ces dĂ©finitions (extraits de : Recommandation UIT-R SM.329-9). Ce texte peut apparaĂźtre rĂ©barbatif mais il a un lien direct avec lâanalyse spectrale.
Rayonnements non essentiels :
Rayonnement sur une ou sur des frĂ©quences situĂ©es en dehors de la largeur de bande nĂ©cessaire et dont le niveau peut ĂȘtre rĂ©duit sans affecter la transmission de l'information correspondante. Ces rayonnements comprennent les rayonnements harmoniques, les rayonnements parasites, les produits d'intermodulation et de conversion de frĂ©quence, Ă l'exclusion des Ă©missions hors bande.
Rayonnements non désirés :
Ensemble des rayonnements non essentiels et des rayonnements provenant des Ă©missions hors bande.
Ămissions hors bande :
Ămission sur une ou sur des frĂ©quences situĂ©es immĂ©diatement en dehors de la largeur de bande nĂ©cessaire, due au processus de la modulation, Ă l'exclusion des rayonnements non essentiels.
Largeur de bande nécessaire :
Pour une classe d'émission donnée, largeur de la bande de fréquences juste suffisante pour assurer la transmission de l'information à la vitesse et avec la qualité requises dans des conditions données.
Rayonnement harmonique :
Rayonnement non essentiel sur des fréquences qui sont des multiples entiers de la fréquence centrale.
Rayonnement parasite :
Rayonnement non essentiel produit accidentellement sur des fréquences indépendantes à la fois des fréquences porteuses ou caractéristiques d'une émission et des fréquences des oscillations résultant de la production de la fréquence porteuse ou caractéristique.
Produits dâintermodulation :
Les produits d'intermodulation non essentiels résultent de l'intermodulation entre :
- les oscillations sur les fréquences porteuses, ou caractéristiques ou harmoniques d'une émission, ou les oscillations résultant de la production de ces fréquences porteuses ou caractéristiques ; et
- des oscillations de mĂȘme nature, d'une ou plusieurs autres Ă©missions, en provenance du mĂȘme ensemble Ă©metteur ou d'Ă©metteurs ou ensembles Ă©metteurs diffĂ©rents.
Produits de conversion de fréquence :
Rayonnements non essentiels, ne comprenant pas les rayonnements harmoniques, sur les fréquences ou des multiples entiers de celles-ci, ou des sommes et différences de multiples de celles-ci, des oscillations utilisées pour produire la fréquence porteuse ou la fréquence caractéristique d'une émission.
Rayonnements Ă large bande et Ă bande Ă©troite vis-Ă -vis de lâappareil de mesure :
Une émission à large bande est une émission « dont la largeur de bande est supérieure à celle des récepteurs ou d'un appareil de mesure donné » (voir Vocabulaire électrotechnique international (VEI)/Commission électrotechnique internationale (CEI), 161-06-11). Une émission à bande étroite est une émission « dont la largeur de bande est inférieure à celle des récepteurs ou d'un appareil de mesure donné » (voir VEI/CEI, 161-06-13).
Question - Que peut donc faire un analyseur de spectre dans tout cela ?
RĂ©ponse - voir et mesurer tout cela ! Et bien dâautres choses encore.
Sans ĂȘtre limitatif, voici encore quelques applications possibles avec un analyseur de spectre :
- Effectuer le relevĂ© du bruit de phase dâun oscillateur ou dâun gĂ©nĂ©rateur (Phase Noise)
- Mesurer la puissance dâune Ă©mission dans un canal adjacent Ă celui que cette Ă©mission occupe
- Mesurer lâindice de modulation (ou dĂ©viation de frĂ©quence) dâune porteuse modulĂ©e en frĂ©quence
- Effectuer une surveillance (monitoring) du trafic radiofréquence sur une bande de fréquence
- Effectuer des mesures scalaires sur un circuit (mesures dâamplitude en fonction de la frĂ©quence) avec un gĂ©nĂ©rateur suiveur Ă balayage (Tracking Generator) : courbe de rĂ©ponse dâun filtre, dâun amplificateur, dâun Ă©tage mĂ©langeur de frĂ©quence, etc...
- Effectuer des mesures de distorsion harmonique
- Effectuer des mesures dâintermodulation (IMD)
- DĂ©moduler un signal AM ou FM
- Effectuer des mesures sur une Ă©mission multiplexĂ©e (impulsions dâĂ©mission) dâun systĂšme TDMA (Time Division Multiple Access) en activant une fonction de dĂ©clenchement (Time Gating)
- Effectuer des mesures sur un signal dâune Ă©mission pulsĂ©e (modulation numĂ©rique tout ou rien) : mesure de la largeur dâimpulsion et mesure de la rĂ©pĂ©tition de cycle du train dâimpulsions
- Effectuer des mesures dâinterfĂ©rences Ă©lectromagnĂ©tiques (EMI)
- etc...
Quâest-ce quâun analyseur de spectre ?
Un analyseur de spectre est, en résumé, un super récepteur ! Un récepteur de mesure ?
Oui, il s'agit bien dâun rĂ©cepteur superhĂ©tĂ©rodyne comme tous ceux que les radioamateurs utilisent pour la rĂ©ception des radiocommunications. Toutefois, un analyseur de spectre a la facultĂ© de balayer (avec une base de temps) une bande de frĂ©quence en permanence (comme s'il s'agissait d'un scanner radiofrĂ©quence). Il a aussi la facultĂ© de sĂ©lectionner Ă volontĂ© une sĂ©lectivitĂ© dĂ©sirĂ©e (rĂ©solution de bande passante de la fenĂȘtre de rĂ©ception, RBW : Resolution BandWidth). Ă la sortie du dĂ©modulateur (dĂ©tecteur d'enveloppe), le signal dĂ©modulĂ© n'est pas appliquĂ© Ă un haut-parleur, mais bien Ă l'amplificateur de dĂ©flexion vertical dâun Ă©cran Ă tube cathodique par l'intermĂ©diaire d'un amplificateur Ă rĂ©ponse logarithmique pour obtenir une amplitude graduĂ©e en dĂ©cibels. Lâamplificateur horizontal de dĂ©flexion du tube cathodique est raccordĂ© Ă la base de temps qui pilote le balayage en frĂ©quence de lâanalyseur de spectre. On obtient ainsi une mesure dâamplitude dans le domaine de la frĂ©quence.
Comment réaliser un balayage en fréquence
Dans un rĂ©cepteur superhĂ©tĂ©rodyne (Ă double ou Ă multiple changements de frĂ©quences), le premier changement de frĂ©quence s'effectue au moyen d'un mĂ©langeur de frĂ©quences pilotĂ© par un oscillateur local (hĂ©tĂ©rodyne). Il en est de mĂȘme dans un analyseur de spectre. Le changement de frĂ©quence s'effectue en gĂ©nĂ©ral par battement supĂ©rieur : la frĂ©quence de l'oscillateur local est supĂ©rieure Ă celle de la rĂ©ception haute-frĂ©quence dĂ©sirĂ©e, avec un Ă©cart en frĂ©quence qui correspond Ă celle de lâĂ©tage de la premiĂšre moyenne frĂ©quence (premiĂšre frĂ©quence intermĂ©diaire). Câest donc la frĂ©quence de l'oscillateur local du premier changement de frĂ©quence qui dĂ©termine la frĂ©quence d'accord de rĂ©ception. Cet oscillateur local est pilotĂ© par une tension de commande qui dĂ©termine sa frĂ©quence dâoscillation : il s'agit d'un oscillateur commandĂ© en tension (VCO : Voltage-Controlled Oscillator). Il suffit donc de piloter ce VCO par la rampe de tension de la base de temps de l'analyseur de spectre et on obtient ainsi le balayage en frĂ©quence de celui-ci.
Comment sĂ©lectionner Ă volontĂ© la sĂ©lectivitĂ© d’un super rĂ©cepteur ?
La sĂ©lectivitĂ© d'un rĂ©cepteur superhĂ©tĂ©rodyne tient principalement Ă celle des Ă©tages moyenne frĂ©quence. Ainsi il suffit de placer une sĂ©rie de filtres passe-bande, dont on peut faire varier la largeur de bande passante, pour obtenir une sĂ©lectivitĂ© rĂ©glable Ă volontĂ© dans lâanalyseur de spectre.
Pourquoi est-il nĂ©cessaire de rĂ©gler la sĂ©lectivitĂ© d’un super rĂ©cepteur ?
Principalement pour pouvoir distinguer des signaux adjacents et proches en frĂ©quence. En trĂšs rĂ©sumĂ©, tout est une question de compromis entre l'Ă©tendue du balayage en frĂ©quence de lâanalyseur de spectre et la sĂ©lectivitĂ© appropriĂ©e pour cette Ă©tendue. Le compromis ne se limite pas Ă la sĂ©lectivitĂ©. En effet, le temps de transit (throughput) et le temps de montĂ©e (rise time) d'un signal Ă travers un filtre est fonction du nombre de pĂŽles qui le constituent et, indirectement, de la bande passante de celui-ci. Ceci impose en corollaire une vitesse de balayage appropriĂ©e en fonction de la rĂ©solution de bande passante dĂ©sirĂ©e (sĂ©lectivitĂ© dĂ©sirĂ©e). Le temps de balayage conditionne indirectement la capacitĂ© en vitesse de mesure de l'appareil analyseur de spectre. Nous examinerons plus loin la raison et la nĂ©cessitĂ© du rĂ©glage de la rĂ©solution de bande passante dâun analyseur de spectre.
Un petit schĂ©ma vaut mieux qu'un long discours. Voici l'intĂ©rieur dâun analyseur de spectre en schĂ©ma bloc simplifiĂ©.
Figure 4 : Schéma bloc d'un analyseur de spectre du type hétérodyne et à balayage de fréquence. La chaßne des étages moyenne fréquence est représentée par un simple changement de fréquence. Dans la réalité, la chaßne moyenne fréquence comporte plusieurs changements de fréquence.
Nous supposons que le lecteur est dĂ©jĂ familiarisĂ© avec le schĂ©ma bloc dâun rĂ©cepteur superhĂ©tĂ©rodyne dâune station radioamateur.
Dans le schĂ©ma bloc ci-dessus, lâoscillateur local est pilotĂ© non seulement par la rampe de tension de la base de temps, mais aussi par un oscillateur de rĂ©fĂ©rence. Lâoscillateur local fait partie en rĂ©alitĂ© dâune boucle dâasservissement de phase (PLL : Phase Locked Loop). La frĂ©quence du VCO est comparĂ©e Ă celle de lâoscillateur de rĂ©fĂ©rence pour assurer au VCO la prĂ©cision et la stabilitĂ© en frĂ©quence requise. Lâoscillateur de rĂ©fĂ©rence est en gĂ©nĂ©ral du type OCXO (Oven Controlled Xtal Oscillator) : oscillateur Ă quartz situĂ© dans une enceinte chauffĂ©e et rĂ©gulĂ©e en tempĂ©rature (« four »). Le VCO est en gĂ©nĂ©ral du type YTO : YIG Tuned Oscillator ; YIG : Yttrium Iron Garnet, grenat dâyttrium et de fer (Y3 Fe5 O12), oscillateur accordĂ© par un rĂ©sonateur YIG ; il sâagit dâune technologie toute particuliĂšre pour rĂ©aliser un VCO large bande et sur des frĂ©quences trĂšs Ă©levĂ©es (jusquâĂ plusieurs dizaines de GigaHertz).
Nous avons dĂ©crit ci-dessus trĂšs sommairement un des types dâanalyseur de spectre : analyseur hĂ©tĂ©rodyne et Ă accord de frĂ©quence par balayage  (Swept Tuned Spectrum Analyzer). Les analyseurs de spectre temps rĂ©el sont basĂ©s sur un autre principe : lâanalyse suivant la transformĂ©e de Fourier rapide (FFT : Fast Fourier Transform), mais cela est une autre histoire...
Ă quoi donc ressemble un analyseur de spectre ?
Cela ressemble Ă un « oscilloscope » car il y a un Ă©cran Ă tube cathodique ou un afficheur numĂ©rique Ă cristaux liquides (LCD) visible sur la face avant de lâappareil. En revanche Ă y voir de plus prĂšs, on y dĂ©couvre une plĂ©thore de boutons aux fonctions dâappellations Ă©tranges, câest-Ă -dire peu habituelles Ă celles que lâon sâattend Ă rencontrer sur un oscilloscope.
Voici quelques photos dâanalyseurs de spectre au cours de lâĂ©volution de ce type dâinstrument de mesure. Nous avons choisi quelques modĂšles reprĂ©sentatifs du constructeur Hewlett Packard Agilent Keysight, mais aussi quelques autres modĂšles des constructeurs Advantest, Anritsu, IFR Aeroflex, Marconi Instruments, Rohde & Schwarz, Tektronix, etc...
Figure 5 : Le premier analyseur de spectre Hewlett Packard, HP851A/HP8551A en 1964 (Source Internet HP memory Project).
TrĂšs fort pour lâĂ©poque, en 1964 : un analyseur de spectre capable de mesurer des signaux jusquâĂ 10 GHz ! (40 GHz avec mĂ©langeur externe).
Figure 6 : Analyseur de spectre Hewlett Packard, HP141T (1968) (Photo de Dirk Ruffing - DH4YM).
Cet analyseur de spectre est relativement bien connu des radioamateurs. Ce modĂšle a Ă©quipĂ© de nombreux laboratoires dâĂ©coles techniques et universitaires. Sur le marchĂ© de seconde main, il nâest pas rare dâen trouver en 2016 Ă des prix compĂ©titifs compris entre 250 et 1000 ⏠avec tiroirs compris (IF + HF 110 MHz ou 18 GHz).
Figure 7 : Analyseur de spectre Hewlett Packard, HP 8558B HP181T (1973-1975) (Source Internet HP memory Project). ModĂšle trĂšs connu avec le HP 182T ayant aussi Ă©quipĂ© de nombreux laboratoires dâĂ©coles techniques et de petites entreprises en radiocommunications.
Figure 8 : Analyseur de spectre Hewlett Packard, HP8568A (1978) (Source Internet HP memory Project).
Figure 9 : Analyseur de spectre Tektronix, 494P (1983) (Source Internet Radau-Funktechnik).
Figure 10 : Analyseur de spectre Marconi Instruments, 2380/2383 (1986) (Source Internet Used Equipment Surplus & Storage Ltd).
Figure 11 : Analyseur de spectre IFR Aeroflex, A-7550 (1986) (Source Internet US Instrument Services).
Figure 12 : Analyseur de spectre Hewlett Packard, HP8560A (1987) (Source Internet SG Labs).
Figure 13 : Analyseur de spectre Advantest R3272 (1995) (Source Internet Helmut Singer Elektronik, Feldchen Aachen).
Figure 14 : Analyseur de spectre Agilent E4407B (2000) (Source Internet Cal Center Inc).
Figure 15 : Analyseur de spectre Anritsu MS2668C (2009) (Source Internet Helmut Singer Elektronik, Feldchen Aachen).
Figure 16 : Analyseur de spectre temps réel Tektronix RSA6114A (2009) (Source Internet EE Times).
Figure 17 : Analyseur de spectre temps réel Rohde & Schwarz FSVR (2010) (Source Internet R&S).
Figure 18 : Analyseur de spectre temps réel Agilent N9030A (2012) (Source Internet Microwave & RF).
Figure 19Â : Analyseur de spectre portable Keysight N9344C (2011) (Source Internet Keysight).
Quelles sont les principales touches de fonction dâun analyseur de spectre ?
- FREQUENCY CENTER : rĂ©glage en frĂ©quence au milieu de lâaxe des abscisses du rĂ©ticule de lâĂ©cran, en Hz, kHz, MHz ou GHz.
- FREQUENCY START, STOP : rĂ©glage en frĂ©quence au dĂ©but et en fin dâaxe des abscisses du rĂ©ticule de lâĂ©cran. Ces deux frĂ©quences dĂ©finissent automatiquement la portion de bande affichĂ©e Ă lâĂ©cran et donc lâĂ©tendue du balayage en frĂ©quence de lâanalyseur de spectre.
- SPAN : Ă©talement du balayage en frĂ©quence de lâanalyseur, câest-Ă -dire la portion de bande de frĂ©quence affichĂ©e Ă lâĂ©cran entre le dĂ©but et la fin du rĂ©ticule, en Hz, kHz, MHz, ou GHz pour les dix divisions horizontales. On en dĂ©duit la largeur du balayage en frĂ©quence en Hz, kHz, MHz ou GHz par division horizontale du rĂ©ticule. La fonction Zero Span sera dĂ©crite plus loin.
- AMPLITUDE REFERENCE LEVEL : il sâagit du rĂ©glage du niveau dâamplitude affichĂ© au sommet du rĂ©ticule en dBm, dB”V, dBmV, V ou W. Cette amplitude reprĂ©sente donc une puissance ou une tension.
- AMPLITUDE LOG dB/DIV : il sâagit dâune graduation logarithmique de lâĂ©chelle verticale du rĂ©ticule pour exprimer lâamplitude en dB par division : 10 ; 5 ; 2 ; 1 dB/Div par exemple. Ce rapport en dB par division indique celui entre le niveau dâamplitude du signal mesurĂ© et le niveau absolu dâamplitude au sommet de lâĂ©cran (Reference Level).
- AMPLITUDE LINEAR : dĂ©termine une graduation linĂ©aire dâamplitude.
Fig. 20Â : Analyseur de spectre HP 8563EÂ : fonctions principales Frequency, Span et Amplitude.
Quelles sont les indications affichĂ©es sur lâĂ©cran de lâanalyseur de spectre ?
Fig. 21 : Ăcran afficheur du tube cathodique de lâanalyseur de spectre HP 8563E. Sur la droite de lâĂ©cran apparaissent les fonctions secondaires liĂ©es aux fonctions principales Frequency, Span, Amplitude. Les fonctions secondaires sont sĂ©lectionnĂ©es par des touches de fonction qui sont alignĂ©es en regard des fonctions secondaires (principe des menus).
Afin de relever les clichĂ©s dâĂ©cran, un ordinateur portable est raccordĂ© Ă lâanalyseur de spectre par lâintermĂ©diaire dâune interface GPIB-USB.
Fig. 22 : Liaison GPIB de lâanalyseur de spectre HP8563E avec une entrĂ©e USB dâun ordinateur portable afin dâeffectuer des relevĂ©s dâĂ©cran. Le logiciel dâacquisition est lâĂ©mulateur de table traçante HP7470 qui a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par John Miles KE5FX. Lâinterface GPIB-USB utilisĂ©e ici est un produit du constructeur Prologix.
Fig. 23 : RelevĂ© de lâaffichage des donnĂ©es de mesure sur lâĂ©cran de lâanalyseur de spectre : attĂ©nuateur dâentrĂ©e haute frĂ©quence (ici de 10 dB), Center Frequency, Frequency Start Stop, Span, Reference Level, Log 10 dB par division, etc.
Le Frequency Span sur la figure ci-dessus Ă©tant de 1 MHz, on a 100 kHz par division horizontale. Le Reference Level Ă©tant Ă 0 dBm et la graduation dâamplitude Ă©tant de 10 dB par division, la puissance du signal mesurĂ© ici Ă 300 MHz est de -10 dBm, soit 0,1 mW. La frĂ©quence centrale Ă©tant de 300 MHz et le Span Ă©tant de 1MHz, on a un balayage en frĂ©quence de lâanalyseur de spectre entre 299,5 MHz et 300,5 MHz.
Nous avons dâautres indications importantes au bas de lâĂ©cran : RBW, VBW et SWP :
- RBW (Resolution BandWidth) : sĂ©lectivitĂ© rĂ©glĂ©e Ă lâanalyseur de spectre ;
- VBW (Video BandWidth) : filtrage du signal vidĂ©o de la trace sur lâĂ©cran ;
- SWP (Sweep) : vitesse du balayage en frĂ©quence de lâanalyseur de spectre.
Ces paramĂštres RBW, VBW et SWP sont intimement liĂ©s et doivent faire lâobjet dâun compromis entre eux. Ils sont automatiquement mis en relation par les algorithmes programmĂ©s dans lâunitĂ© centrale de calcul de lâanalyseur de spectre. Toutefois, il est possible de dĂ©brayer cet automatisme et de sĂ©lectionner ces paramĂštres manuellement.
Le rĂ©glage manuel de la sĂ©lectivitĂ© de lâanalyseur de spectre (RWB) ne peut ĂȘtre rĂ©duit impunĂ©ment sans tenir compte du temps de montĂ©e et de descente dâun signal lors de son passage Ă travers les filtres passe-bande de la moyenne frĂ©quence. Ainsi le signal doit ĂȘtre appliquĂ© pendant un certain temps dans la bande passante du filtre passe-bande afin dâobtenir un signal correctement traitĂ© sans distorsion de celui-ci ni dĂ©gradation de son amplitude. Lâanalyseur de spectre balaye en permanence une plage de frĂ©quence, dĂšs lors le signal « passe » fugitivement au travers du filtre passe-bande, et en particulier dans sa bande passante. Cette « vitesse » de passage du signal est fonction du paramĂštre SPAN (Ă©talement en frĂ©quence) et de la vitesse de balayage SWEEP de lâanalyseur de spectre entre la frĂ©quence Start et Stop. Selon le rĂ©glage de la rĂ©solution de bande passante (RBW) de lâanalyseur, le temps de montĂ©e du signal est diffĂ©rent : ce temps est allongĂ© pour une rĂ©solution plus fine, câest-Ă -dire pour un filtre passe-bande Ă bande plus Ă©troite que celle qui avait Ă©tĂ© choisie au dĂ©part. En outre, plus le filtre est Ă bande Ă©troite, moins de temps met le signal pour passer dâune extrĂ©mitĂ© Ă lâautre de la bande passante du filtre selon le balayage de lâanalyseur.
On peut exprimer le temps que le signal doit rester dans la bande passante du filtre comme suit :
Dâautre part, le temps de montĂ©e du signal dans un filtre est inversement proportionnel Ă sa bande passante.
Si on établit une équivalence entre ces deux équations, on obtient :
Câest-Ă -dire :
Les filtres passe-bande peuvent avoir diffĂ©rentes formes de courbes de rĂ©ponse selon le type de filtre. Dans les analyseurs de spectre, on utilise gĂ©nĂ©ralement des filtres passe-bande du type Quasi-Gaussien pour lesquels la valeur k est de lâordre de 2 Ă 3.
Lâinformation quâil y a lieu de retenir ici est que tout changement dans la rĂ©solution de bande passante de lâanalyseur de spectre a un effet drastique sur la vitesse de balayage (Sweep Time). Dans les analyseurs classiques, les calibres de rĂ©solution Ă©voluent selon une sĂ©quence 1, 3, 10, soit une sĂ©quence dont lâĂ©volution Ă©quivaut grossiĂšrement Ă la racine carrĂ©e de 10. Ainsi, le temps de balayage (Sweep Time) est affectĂ© dâun facteur 10 Ă chaque saut de calibre de rĂ©solution de bande passante de lâanalyseur (voir le dĂ©nominateur de lâĂ©quation ci-dessus qui est le carrĂ© de RBW).
Si le temps de balayage est trop court, lâanalyseur indique un message dâerreur : « Meas Uncal », câest-Ă -dire que la mesure nâest pas valide ou non calibrĂ©e.
Les calibres RBW (rĂ©solution) et VBW (filtre vidĂ©o) sont en gĂ©nĂ©ral automatiquement liĂ©s entre eux par un facteur 1, mais il est possible dâeffectuer un rĂ©glage manuel de la bande passante vidĂ©o (VBW) qui sera le plus souvent dâune bande plus Ă©troite que celle de la rĂ©solution (RBW).
Pourquoi la thĂ©orie nous apprend quâune porteuse doit ĂȘtre visible sous la forme dâune raie et quâen pratique un analyseur de spectre montre une courbe en forme de cloche ?
Il faut se rappeler que notre analyseur de spectre est avant tout un rĂ©cepteur superhĂ©tĂ©rodyne Ă changement de frĂ©quence et ceci explique la raison pour laquelle la rĂ©ponse en frĂ©quence du signal est dâune largeur de bande dĂ©finie (voir schĂ©ma bloc de la figure 4). En effet, le rĂ©sultat du changement de frĂ©quence Ă la sortie du mĂ©langeur inclut la somme et la diffĂ©rence entre le signal HF dâentrĂ©e et de celui de lâoscillateur local (hĂ©tĂ©rodyne), mais on y retrouve aussi les deux signaux eux-mĂȘmes, câest-Ă -dire le signal HF et celui de lâoscillateur local. Un filtre passe-bande dĂ©termine la frĂ©quence du signal dĂ©sirĂ© et rejette ainsi les autres signaux, en particulier celui qui est issu de la frĂ©quence image du changement de frĂ©quence. Comme la frĂ©quence du signal HF est fixe et que câest lâoscillateur local qui effectue le balayage en frĂ©quence, le produit du changement de frĂ©quence subit lui aussi un balayage en frĂ©quence. Si un signal qui est produit par le changement de frĂ©quence passe par le filtre passe-bande de lâĂ©tage de la moyenne frĂ©quence, câest la forme de la courbe de rĂ©ponse du filtre passe-bande moyenne frĂ©quence qui sera tracĂ©e sur lâĂ©cran de lâanalyseur de spectre. Le filtre de bande passante la plus Ă©troite dĂ©termine celle qui est tracĂ©e sur lâĂ©cran. Cette bande passante la plus Ă©troite dĂ©finit la rĂ©solution de bande passante de lâanalyseur de spectre (RBW).
Fig. 24 : Lorsquâun signal qui est le produit du changement de frĂ©quence sous forme de raie balaye la bande passante du filtre passe-bande du filtre moyenne frĂ©quence, câest la courbe de rĂ©ponse du filtre passe-bande qui est tracĂ©e sur lâĂ©cran de lâanalyseur de spectre. Source Agilent AN-150.
Si on injecte deux signaux Ă haute frĂ©quence dâĂ©gale amplitude Ă lâentrĂ©e de lâanalyseur de spectre et que ces signaux sont sĂ©parĂ©s entre eux dâune certaine diffĂ©rence de frĂ©quence, alors il y a lieu de rĂ©gler la rĂ©solution de bande passante de lâanalyseur de façon Ă bien distinguer les deux signaux. Autrement dit, la RBW doit ĂȘtre rĂ©glĂ©e Ă une bande passante (dĂ©finie Ă -3 dB) Ă©gale ou infĂ©rieure Ă la valeur de lâĂ©cart en frĂ©quence entre les deux signaux Ă haute frĂ©quence. Voyons cela.
Fig. 25 : Deux porteuses HF (10,000 MHz et 10,010 MHz) RBW de 10 kHz. La résolution est juste suffisante pour distinguer les deux signaux (le croisement des courbes se situe à -3 dB).
Fig. 26 : Idem ci-dessus mais avec une RBW de 3 kHz. On commence à mieux distinguer les deux porteuses.
Fig. 27 : Idem ci-dessus mais avec une RBW de 1 kHz. On distingue encore mieux les deux porteuses.
Fig. 28 : Idem ci-dessus mais avec une RBW de 300 Hz. On distingue parfaitement les deux porteuses.
Fig. 29 : Idem ci-dessus mais avec une RBW de 100 Hz. On distingue les deux porteuses et on commence Ă apercevoir un lĂ©ger bruit de phase et une intermodulation du troisiĂšme ordre mais dâun niveau nĂ©gligeable. Lâintermodulation provient dâune interaction entre les deux gĂ©nĂ©rateurs des porteuses : le combinateur des deux signaux nâoffre pas une isolation HF suffisante entre les gĂ©nĂ©rateurs.
Fig. 30 : Idem ci-dessus mais avec une RBW de 1 Hz, câest-Ă -dire la rĂ©solution la plus fine dans les capacitĂ©s de lâanalyseur de spectre. On distingue mieux les produits dâintermodulation mais ceux-ci sont Ă un niveau dâamplitude dâenviron -70 dBc (par rapport aux porteuses).
On comprend mieux Ă prĂ©sent que la courbe tracĂ©e en forme de cloche (courbe gaussienne) est fonction de la RBW (bande passante du filtre moyenne frĂ©quence). On constate que le temps de balayage est passĂ© au fur et Ă mesure de 170 ms Ă 280 ms, ensuite Ă 840 ms, puis Ă 8,4 s, Ă 16 s et enfin Ă 379 s pour une RBW extrĂȘme de 1 Hz.
La plupart du temps, nous observons des signaux proches lâun de lâautre en frĂ©quence mais dâamplitudes diffĂ©rentes avec un rapport de plusieurs dizaines de dĂ©cibel dâĂ©cart en amplitude. Câest dans ce cas de figure que se rĂ©vĂšle toute lâutilitĂ© du rĂ©glage de la rĂ©solution de lâanalyseur de spectre (RBW). En effet, si la RBW nâest pas suffisante, le signal le plus faible risque dâĂȘtre masquĂ© Ă lâĂ©cran de lâanalyseur par le signal le plus fort. La raison de ce phĂ©nomĂšne de masquage est due Ă la forme de la courbe de rĂ©ponse des filtres passe-bande de la chaĂźne moyenne frĂ©quence, et en particulier de leur « raideur » de sĂ©lectivitĂ© (skirt, selectivity, shape factor). Celle-ci sâexprime sous la forme dâun rapport entre la bande passante du filtre Ă -60 dB et celle Ă -3 dB comme illustrĂ© ci-dessous.
Fig. 31 : Expression de la sĂ©lectivitĂ© dâun filtre passe-bande. Source Agilent.
Les filtres gaussiens analogiques classiques ont une sĂ©lectivitĂ© de lâordre de 15:1 en revanche les analyseurs haut de gamme disposent de filtres numĂ©riques dans la chaĂźne moyenne frĂ©quence qui porte ainsi la sĂ©lectivitĂ© Ă un rapport infĂ©rieur Ă 5:1. Ces filtres numĂ©riques sont en gĂ©nĂ©ral activĂ©s pour les rĂ©solutions de 100 Hz, 30Hz, 10 Hz, 3 Hz et 1 Hz.
Fig. 32 : Différence de rapport de sélectivité des filtres passe-bande analogiques et numériques. Source Agilent.
Voici ci-dessous un exemple de signaux proches en frĂ©quence (Ă©cart de 10 kHz) et dâamplitudes diffĂ©rentes (50 dB de diffĂ©rence dâamplitude).
Fig. 33 : Deux porteuses HF (10,000 MHz et 10,010 MHz), Span 100 kHz, RBW de 3 kHz. La rĂ©solution nâest pas suffisante pour dĂ©tecter la prĂ©sence dâune deuxiĂšme porteuse Ă environ -50 dB de la premiĂšre. La prĂ©sence de la deuxiĂšme porteuse est reprĂ©sentĂ©e artificiellement en trait discontinu.
Fig. 34 : MĂȘme situation que ci-dessus, mais la rĂ©solution plus fine, RBW de 1 kHz fait apparaĂźtre les deux signaux. Le trait discontinu reprĂ©sente artificiellement la premiĂšre porteuse comme si elle avait Ă©tĂ© relevĂ©e avec une RBW de 3 kHz : le pic de la deuxiĂšme porteuse se situe en dessous de la courbe en trait discontinu.
Fig. 35 : MĂȘme situation que ci-dessus, mais avec une RBW de 300 Hz. Les deux signaux sont parfaitement distincts et identifiables.
Fig. 36 : Porteuse seule de 10 MHz, Span 10 kHz (1 kHz par division). Le rĂ©glage RBW de 100 Hz donne une trace selon la courbe de rĂ©ponse dâun filtre trĂšs sĂ©lectif. Il sâagit ici dâun filtre numĂ©rique de rapport de sĂ©lectivitĂ© de 5:1. Les filtres numĂ©riques sont activĂ©s pour les rĂ©glages de RBW de 1 Hz, 3 Hz, 10 Hz, 30 Hz et 100 Hz. à partir dâune rĂ©solution (RBW) de 300 Hz jusquâĂ 2 MHz, les filtres sont analogiques et ont un rapport de sĂ©lectivitĂ© de 15:1. (Voir figure 32). Lâavantage des filtres numĂ©riques est de permettre dâobserver des petits signaux directement aux abords dâune frĂ©quence porteuse (rayonnements non essentiels ou non dĂ©sirĂ©s par exemple).
à quoi sert le filtre vidéo (VBW)
Le filtre vidĂ©o est un filtre passe-bas qui est placĂ© aprĂšs le dĂ©tecteur dâenveloppe de lâanalyseur de spectre (voir figure 4). Il sert essentiellement Ă lisser la courbe tracĂ©e sur lâĂ©cran. Cela se rĂ©vĂšle particuliĂšrement utile pour mettre en Ă©vidence des signaux de trĂšs faibles amplitudes et relativement proches du niveau de bruit relatif aux conditions et paramĂštres de mesure. Les caractĂ©ristiques de temps de montĂ©e du signal Ă travers le filtre vidĂ©o a pour consĂ©quence de devoir augmenter le temps de balayage de lâanalyseur de spectre, en particulier si le calibre de la VBW est rĂ©glĂ© manuellement Ă une valeur infĂ©rieure Ă celle du calibre de la RBW.
Fig. 37 : Porteuse 10 MHz dâamplitude de -87 dBm trĂšs peu discernable sans filtrage vidĂ©o Ă©nergique. Ici le filtre vidĂ©o est rĂ©glĂ© en automatique sur le calibre de 10 kHz. Sweep Time : 50 ms.
Temps de balayage pour VBW < RBW :
Fig. 38 : Idem ci-dessus, porteuse à -87 dBm, mais parfaitement discernable avec une VBW réduite manuellement sur le calibre de 100 Hz. Sweep Time : 2,5 s.
Une alternative Ă lâutilisation du filtre vidĂ©o analogique existe-t-elle ?
Oui : il sâagit de la technique du calcul de la moyenne des valeurs du signal vidĂ©o numĂ©risĂ© (Video Averaging ou Trace Averaging). Lâanalyseur de spectre calcule en permanence la moyenne du signal mesurĂ© sur un nombre paramĂ©trable de plusieurs balayages successifs. Ceci a lâavantage de ne pas devoir allonger dâune maniĂšre excessive le temps du balayage en frĂ©quence de lâanalyseur.
La moyenne du signal vidĂ©o est calculĂ©e point par point sur les valeurs dâamplitude du signal lors des balayages successifs en frĂ©quence. Ceci suppose que le dispositif afficheur Ă lâĂ©cran de lâappareil de mesure soit basĂ© sur une technologie numĂ©rique : le signal analogique Ă la sortie du dĂ©tecteur dâenveloppe est converti en signal numĂ©rique par lâintermĂ©diaire dâun convertisseur analogiqueânumĂ©rique (ADC : Analog to Digital Converter). Ainsi, Ă chaque point affichĂ© Ă lâĂ©cran, la nouvelle valeur dâamplitude moyennĂ©e est calculĂ©e en fonction de la valeur dâamplitude de ce point lors du balayage prĂ©cĂ©dent. Lâalgorithme de calcul est classique pour Ă©tablir une moyenne glissante sur un nombre dĂ©fini de diffĂ©rentes valeurs successives :
Pour la plupart des signaux Ă analyser, lâutilisation du filtre vidĂ©o ou lâactivation du calcul de la moyenne du signal vidĂ©o numĂ©risĂ© donne des rĂ©sultats pratiquement identiques. Câest le cas pour des mesures de signaux de faibles amplitudes et qui sont proches du niveau du bruit. Toutefois, il existe une diffĂ©rence fondamentale entre les deux principes de lissage de la courbe du signal mesurĂ©. Le filtre vidĂ©o a pour effet dâeffectuer un lissage en temps rĂ©el : on constate son effet immĂ©diat sur chaque point de la courbe au cours du balayage ; les valeurs Ă chaque point sont « moyennĂ©es » une seule fois Ă chaque balayage. En revanche, le calcul de la moyenne des valeurs du signal vidĂ©o numĂ©risĂ© requiert plusieurs balayages afin dâobtenir la valeur qui converge vers le rĂ©sultat de ce calcul.
Lorsquâon observe un signal qui fluctue au cours du temps (signal modulĂ© en frĂ©quence dâune station radio, par exemple), les deux techniques (VBW et Averaging) prĂ©senteront des rĂ©sultats diffĂ©rents : le filtrage vidĂ©o analogique (VBW) donnera une moyenne diffĂ©rente Ă chaque balayage ; le calcul numĂ©rique de la moyenne (Averaging) donnera aprĂšs n balayages un rĂ©sultat bien plus proche de la vraie moyenne, comme illustrĂ© ci-dessous.
Fig. 39 : Illustration de lâeffet du filtrage vidĂ©o analogique Ă©nergique sur un signal modulĂ© en frĂ©quence dâune station de radiodiffusion de la bande FM 95,6 MHz. RBW = 3 kHz ; VBW = 10 Hz ; SWP = 42 s.
Fig. 40 : Illustration de lâeffet du calcul numĂ©rique de la moyenne du signal vidĂ©o sur le mĂȘme signal FM 95,6 MHz. RBW = 3 kHz ; VBW = 3 kHz ; Averaging : n = 100 ; SWP = 140 ms ; 100 x 0,14s = 14 s.
Fig. 41 : MĂȘme signal que celui des deux clichĂ©s prĂ©cĂ©dents ci-dessus (FM 95,6 MHz) mais sans filtrage vidĂ©o analogique Ă©nergique ni calcul numĂ©rique de la moyenne du signal vidĂ©o.
Il existe une autre fonction utile pour traiter le signal vidĂ©o lorsque lâon est en prĂ©sence dâun signal modulĂ© et dont la modulation fluctue au cours du temps : il sâagit de la fonction TRACE MAX HOLD. Cette fonction se rĂ©vĂšle utile pour observer les pointes de modulation en mĂ©morisant leurs maximums (maxima). On peut ainsi relever lâenveloppe quâoccupe un signal modulĂ© et vĂ©rifier si le signal dans la bande nĂ©cessaire ne dĂ©borde pas sur un canal adjacent.
Fig. 42 : MĂȘme signal que celui des trois clichĂ©s prĂ©cĂ©dents ci-dessus (FM 95,6 MHz) mais avec activation de la fonction TRACE MAX HOLD. Pour cet Ă©metteur, la modulation est optimale et la dĂ©viation maximale de frĂ©quence se situe bien dans la norme ±75 kHz (largeur de 150 kHz) des stations de radiodiffusion de la bande FM (voir lâindication des deux marqueurs de frĂ©quence).
RĂ©sumons par quelques mots clefs ce que nous avons appris jusquâĂ prĂ©sent sur lâanalyseur de spectre
Lâanalyse spectrale est lâĂ©tude dâun signal dans le domaine de la frĂ©quence. Elle est utile pour analyser une Ă©mission dâune station radioamateur quant Ă sa puretĂ© spectrale au point de vue de la frĂ©quence porteuse, de sa modulation dans la largeur de bande nĂ©cessaire, des harmoniques de la porteuse, des rayonnements parasites non essentiels et non dĂ©sirĂ©s. Nous nous sommes familiarisĂ©s avec les notions de balayage en frĂ©quence, Center Frequency, Frequency Start et Stop, Amplitude, Reference Level, Log dB/Div, Linear, Span, RBW (Resolution BandWidth), VBW (Video BandWidth), Averaging, Sweep Time, changement de frĂ©quence, moyenne frĂ©quence, frĂ©quence image, filtre passe-bande analogique et numĂ©rique, rapport de sĂ©lectivitĂ©, VCO, PLL, OCXO, YTO, etc. Câest dĂ©jĂ un bon dĂ©but.
Nous avons toutefois passĂ© sous silence quelques cases du schĂ©ma bloc dâun analyseur de spectre...
Cet article peut ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ© au format PDF. Il suffit de cliquer sur ce lien :