Radio Mercur, Radio Syd, Radio Nord

Un jeune employé de bureau nommé Peer Jansen est particulièrement déçu de ne pas entendre de la musique moderne, du rock and roll sur la radio nationale qui ne propose que très peu de musique actuelle. La programmation est lourde et décevante, et les jeunes adultes n’y trouvent aucun intérêt.

Particulièrement insatisfait cette programmation musicale très pauvre en contenu sur la radio d’état, il se concerte avec son cousin Borge Akerskov qui entreprend des études d’avocat et lui fait part d’une idée basée sur une station de radio américaine qui s’appelle « the voice of America » qui émet depuis les iles grecques depuis un navire.

Il ne leur manque que l’argent pour financer le projet. Ils vont l’obtenir auprès d’un financier, un homme d’affaire qui a pour nom Ib Fogh qu’ils parviennent à convaincre que la station serait très rentable par des rentrées publicitaires. Un beau-frère est radioamateur et en connait un autre dont le call sign est OZ1WP, également connu sous le nom de WP ou William Petersen, qui est réparateur de vélos à Birkerød et très habile de ses mains pour fabriquer des émetteurs et des récepteurs radio. Il est chargé de fabriquer un émetteur FM suffisamment puissant pour couvrir la région de la capitale. Benny Knudsen, ancien camarade de lycée et ami de Børge à la faculté de droit, est pour sa part devenu doué en technique après son service militaire et est recruté pour la production d'émissions dans les studios à terre. Peu à peu, beaucoup d'autres vont venir s'ajouter à l'équipe.

Radio Mercur dispose d’abord de ses studios à Copenhague au 24 Maltegårdsvej à Gentofte (aujourd'hui transformé en copropriété), puis au 61 Adolphsvej (le bâtiment n'existe plus de nos jours), où la plupart des émissions et des publicités sont produites. Le service commercial Mercur Reklame A/S était situé à Copenhague, notamment au 55 Sortedams Dossering. Les enregistrements en direct sont  d'abord réalisés au 24 Maltegårdsvej, puis au cinéma Gentofte Kino, qui dispose d'une sortie arrière qui donne sur le jardin de la villa de l'Adolphsvej, ce qui permettait de tirer des câbles entre les deux bâtiments pour les enregistrements de concerts. Outre les studios et le bureau de vente, l'ancienne salle de théâtre Nørrebros Teater, située Ravnsborggade, a également été achetée et aménagée pour les enregistrements de spectacles sous le nom de « Radio Mercur City ».

Une société pour mettre à bien ce projet est rapidement créée au Liechtenstein et tout est prêt pour démarrer la  première radio pirate offshore. La radio émet depuis un mouillage situé entre la Suède et le Danmark sur toute la Fionie et une grande partie du Jutland, ce qui rend Radio Mercur très populaire puisqu’elle peut être entendue pratiquement aussi bien que la radio nationale. Cette nouvelle radio devient très rapidement la nouvelle coqueluche des Danois.

L'équipage se compose de quatre personnes : un capitaine, un cuisinier et deux techniciens, qui restent à bord une semaine en alteranance.

Les précurseurs vont devenir sans trop le savoir à l’époque, les pionniers de la radio pirate maritime.

Début 1958 ils brisent le monopole d’état avec le début de Radio Mercur, car aucune loi ne stipule qu’il est interdit d’émettre dans les eaux internationales.  .

Pendant une grande partie de son existence, Radio Mercur diffuse deux services simultanés sous le nom de Radio Mercur West et Radio Mercur East depuis les bateaux Cheeta I et le Cheeta II.

Le premier s’installe au large de Copenhague, à quelques kilomètres de l'Øresund, puis plus tard également depuis le Grand Belt. Mais le Cheeta I part à la dérive. Il sera par la suite décidé de commun accord de choisir un autre emplacement bien plus paisible près de Ven de Øresund là où est ancré le Cheeta II.

Fin de l’année 1961, le cheeta I jette l’ancre près des côtes norvégiennes, mais la malchance s’abat sur la station. Le mât va s’effondrer dans une mer agitée et le bateau est ensuite remorqué puis saisi par les autorités. Le Cheeta I devient plus tard le bateau de Radio Caroline et est rebaptisé MV Mi Amigo  à la moitié des années 60.

La décision est prise d’inverser la position des deux stations.

Les précurseurs de la radio offshore font très vite des émules et une autre station débute ses émissions sur un bateau appelé Lucky Star  et prend le nom de DCR pour Danemark Commercielle Radio.

En 1962, les deux stations décident de fusionner sous l’appellation Radio Mercur.. 

Radio Mercur émet en stéréo sur 88 MHz sur la bande FM, ce qui est très rare pour l’époque et espère de la sorte échapper aux sanctions, puis change plusieurs fois de fréquence et opte également pour le 89.55 et le 93.10 MHz.

L'équipement a été développé pour Radio Mercur par le fabricant de radios Bang & Olufsen, qui a également sponsorisé une série d'émissions en stéréo. Il ne s'agissait pas d'une véritable stéréo, mais d'une diffusion simultanée sur deux fréquences, qui nécessitait donc deux récepteurs FM chez les auditeurs pour pouvoir entendre à la fois la partie gauche et la partie droite du son.

Au regard de la popularité des programmes musicaux modernes, le public va se ruer sur l’achat de postes dotés de la FM pour bénéficier de l’écoute de cette station en haute qualité sonore.

Les émissions sont enregistrées sur bandes magnétiques et apportées par un caboteur jusqu’au bateau émetteur, ce qui permet de contourner la loi.

La station connait un succès fulgurant et donne des idées à d’autres stations qui seront accueillies sur le bateau émetteur Cheeta II à l’instar de Radio Syd. Cette dernière devient la « reine des pirates » Brit Wadner. Cette station de radio illégale diffuse des publicités et survit jusqu'en 1966.

La radio diffuse de la musique populaire, et de nombreuses publicités qui renflouent ses caisses au détriment de la radio publique, Statsradiofonien, qui a ensuite changé de nom pour devenir Danmarks Radio.

À un moment donné, une enquête réalisée par « Gallup » en décembre 1961 révèle que les deux stations pirates avaient plus d'auditeurs que Danmarks Radio à certains moments de la journée.

Parmi les programmes musicaux réguliers figurent le hit-parade « Ugens Top-Ti » (le top 10 de la semaine), « Nu kan det være nok » (où les auditeurs ont la possibilité de détruire un disque en direct), « Rockprofessoren », « Aktuelt pladekvarter », « En håndfuld gode melodier, en håndfuld gode tilbud »

« Musik til opvasken » ainsi que « Non-stop på grammofonen ».

Le compositeur et chef d'orchestre Ib Glindemann est quant à lui engagé avec son orchestre de jazz de 16 musiciens comme une sorte de big band et d'orchestre attitré de Radio Mercur, bien avant que la Danmarks Radio, qui s'appelait encore Statsradiofonien en 1958, ne dispose d'un tel orchestre. C'est ce même Ib Glindemann qui compose la fanfare entraînante pour trois trompettes, dont il joue lui-même l'une d'entre elles. La voix captivante « Vous écoutez Radio Mercur » était celle du batteur du big band, Pedro Biker.

Parmi les autres programmes, on pouvait citer « Perspektivkassen » (littérature et débat), « Mosaik », « Snaktuelt » (interviews journalistiques), « Ugens kriminalgyser » (le thriller policier de la semaine), « Ugens lystspilssituation » (la situation comique de la semaine), « Ved du hvad mor? » (Tu sais quoi, maman ?), « Byens aften » (La soirée de la ville) et « Copenhagen Today » en anglais.

L’animation se fait dans un style très frais et direct. Elle est progressivement devenue une sérieuse concurrence.

Les publicités sont de courts spots de 5 secondes et peuvent néanmoins durent jusqu’à une minute. Ou autre possibilité, l'annonceur peut sponsoriser une émission de 15 minutes à plusieurs heures, où le nom de l'entreprise est  mentionné en tant que sponsor de l'émission et où des spots publicitaires pour l'entreprise sont diffusés tout au long de l'émission.

Au début, Radio Mercur diffusait le soir de 18 h à minuit.

Au bout d'un an, la durée d'émission a été étendue de 7 h 30 à 9 h, puis de nouveau de 16 h à minuit. À l'automne 1961, une émission a été diffusée un dimanche de 8 h 29 à 00 h 05, avec également des émissions locales destinées à certaines villes de Fionie et de Jutland oriental.

Parmi les nombreux collaborateurs populaires de Radio Mercur au cours de ses quatre années d'existence, on peut citer Pedro Biker, Hans Vangkilde, Anders Dahlerup, Nete Shreiner, Poul Reinau, Niels Heilman, John Steenberg, Vagn Jensen, Per Wiking, Hannah Rahlff, Ida et Bent From, Bjarne Hoyer, Freddy Albeck, Poul Reinau, Georg Kringelbach et Hannah Bjarnhof. 

Pendant les six premiers mois, Ib Glindemann est associé à la station avec son big band, mais la collaboration prit fin lorsque Radio Mercur ne fut plus en mesure de payer les salaires de l'orchestre, à une époque où les annonceurs ne sont pas encore légion.

Le succès de Radio Mercur et des autres radios maritimes suédoises commence à créer quelques inquiétudes auprès des gouvernements scandinaves. Ces derniers voient d’un très mauvais œil ces radios illégales s’installer le long de leurs côtes et craignent un accroissement, une multitude d’autres stations dans les années à venir, qui pourraient perturber le bon fonctionnement d’autres stations légales même très éloignées suite à la propagation de nuit.

En février 1962, le Conseil nordique, met en place  une action concertée pour mettre fin à ces radios de haute mer.

Cela va les pousser à légiférer sur le sujet. Quatre mois plus tard, le Danemark sort une loi qui interdit toute participation à des activités de radiodiffusion offshore, y compris la production, la publicité ou l’approvisionnement de bateaux émetteurs. De pareilles lois sont votées en Finlande, en Suède, et en Norvège. Ces lois sont en application le 31 juillet 1962.

Fin juillet 1962, Radio Mercur décide suite à la nouvelle loi en vigueur de mettre un terme à ses émissions avec un message d’adieu très prenant et ce malgré l’engouement populaire qu’elle suscite toujours auprès de la population très déçue.

Le Cheeta II est vendu à Radio Syd pour se différencier de Radio Nord, tandis que le Lucky Star reprend ses émissions à la mi-août 1962, et utilisent des bandes  enregistrées.

Le 15 août, la police danoise arraisonne le Lucky Star et saisit le navire, ce qui met un terme définitif aux émissions. Une bataille juridique s’ensuit, les autorités danoises sont accusées d’avoir agi dans l’illégalité en arraisonnant dans les eaux internationales un navire sous pavillon étranger, mais il s’avère que le pavillon libanais du Lucky Star est frauduleux.

Radio Syd a finalement été recréée en Gambie juste à l'extérieur de la capitale Banjul. Lors de la tentative de coup d’état Gambien en 1981, un hélicoptère militaire sénégalais est abattu car l’objectif est bien de reprendre la station des rebelles gambiens, ce qui va causer la mort de 18 personnes à bord. Radio Syd diffuse alors vers la Gambie ainsi que vers le Sénégal en moyennes-ondes, la station cesse d'émettre en septembre 2002 lorsque ses antennes s’effondrent. Ce site a ensuite est utilisé par un certain nombre de radioamateurs en provenance des États-Unis et d'Europe pour la Maréerie dite DX. À la fin de janvier 2020, le bâtiment et tous les équipements d'origine qui datent des années soixante sont totalement détruits dans un incendie très violent, ce qui marque la fin définitive de Radio Syd.

Radio Nord est l’appellation donnée à l’autre station qui émet pour sa part au printemps 1961 jusqu’à l’été 1962. Elle est à cette époque ancrée au large de Stockholm, ville dans laquelle étaient situés ses bureaux. Elle est détenue par des texans à l’époque Gordon McLendon et Clint Murchison Junior.

Début juinf 1960, le MV Olga est  transformé en studios radio, salle d'émission et quartiers pour l’équipe à bord dans un chantier à Hambourg. Afin d’éviter des contrôles du matériel de diffusion, le bateau est renommé Bon Jour et est conduit dans un port de Copenhague.  Un mât de 38 mètres y est érigé et doit supporter une antenne de radiodiffusion, couplé à deux émetteurs de marque LTV – Continental Electronics  de 10kW watts. Les émetteurs sont acheminés par avion depuis Dallas au Texas et en six mille pièces. La conception originale de l'antenne prévoit des mâts avant et arrière avec une antenne horizontale suspendue entre eux (comme sur le navire Borkum Riff de Radio Veronica). Néanmoins, la conception finale était un V inversé soutenu par le mât avant unique, ce qui forme une antenne unipolaire pliée. Cette conception est préférée car le mât est bien trop court pour supporter une antenne quart d'onde conventionnelle.

Lorsque le navire arrive enfin au large des côtes suédoises début 1961, une série de problèmes techniques oblige le navire radio Bon Jour à poursuivre des réparations. Début de l’année1961, le navire quitte Stockholm et se dirige vers Ornö pour de nouveaux essais d’antenne. Une tempête s'abat sur le navire deux jours plus tard et va le forcer à rentrer au port. Après de nouvelles réparations, le Bon Jour quitte le port et rejoint son mouillage de radiodiffusion. D'autres problèmes techniques le contraignent à retourner au port et ne peut regagner son mouillage qu’au début mars 1961.

Le 2 mars 1961, le Parlement suédois adopte des lois qui permettent aux autorités de saisir son équipement de radiodiffusion en cas de retour dans un port suédois, et il continue à mettre la pression sur le Nicaragua pour qu'il lui retire son immatriculation. Les propriétaires de Radio Nord rebaptisent rapidement le navire MV Magda Maria et l’immatriculent cette fois ci au Panama.

Le 2 décembre 1961, le Magda Maria fut victime d'une nouvelle tempête qui va durer plusieurs jours. Le 6 décembre, il perd son ancre et cesse ses émissions lorsque l’équipage remarque l'antenne risque de s'effondrer à tout moment. Le navire fait alors escale à Sandamn, mais la nouvelle loi n’est  pas appliquée, son arrivée est forcée par l'urgence de sauver le navire de la catastrophe. Des réparations sont effectuées et le navire quitte le port pour son mouillage le 8 décembre.

Suite à l'adoption d'une nouvelle loi suédoise qui interdit  la vente de publicité sur la station, Radio Nord décide de mettre un terme définitif à ses émissions fin juin 1962, un mois avant l'entrée en vigueur de la loi.

Le 4 juillet, le MV Magda Maria appareille pour Ferrol en Espagne et accoste le 2 août, où de nouvelles réparations sont effectuées sous le nouveau nom de MV Mi Amigo  vqui va servir à Radio Atlanta en 1964 sur la côte de l'Essex, en Angleterre, qui devient Radio Caroline South la même année.

Quant à Radio Mercur, il effectue un retour en ondes courtes et il connait un vif succès. Son programme en moyennes-ondes est repris par GamTel (anciennement Cable & Wireless dans les installations à Abuko), et son audience atteint plus de 1 500 auditeurs dans le monde entier.

Radio Mercur connait il est vrai une courte existence (1958-1962) en mer de Suède, mais cette station et ses précurseurs donnent des idées à d’autres hommes d’affaires et autres amateurs de radios maritimes comme Bull Verweij qui lance Radio Veronica de 1960 à 1974, puis devient une radio légale qui peut émettre depuis le territoire néerlandais sur les fréquences de la radio d’état, et plus tard encore Ronan O’Rahilly qui rachète le Cheeta II de Radio Mercur et fonde Radio Caroline qui débute ses émissions le jour de Pâques 1964.

Quant à Radio Mercur, elle renaît de ses cendres tel le phénix et s’implante près de Majorque de 1969 à 1970, puis sur la Costa del Sol espagnole de 1982 à 1984, et finalement comme station locale à Copenhague de 1987 à 1994.

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Technique

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Guy Henkinet

Guy Henkinet

Guy HENKINET alias ON6GH est né en 1957 et s’intéresse dès son adolescence à la radio et à la musique. Il est fan des radios offshore et visite le MEBO II (bateau d’émission) et les studios à bord de Radio Northsea Int. Il devient par la suite DJ, puis animateur radio sur radio kawa, fm56/SIS, Contact et bien d’autres encore, puis sur une vingtaine de radios en France. Durant la moitié des années 70, il consacre également du temps à réaliser des DX sur la bande des 11 mètres.

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