Suite aux nombreuses commémorations et reportages consacrés à la 1ʳᵉ Guerre Mondiale, je reviens sur les systèmes de communication d’alors. Outre les télégraphes et téléphones par fil, les pigeons et les estafettes, existait la T.P.S, la télégraphie par le sol.
La télégraphie par le sol a été utilisée pendant la guerre de 1914/18 pour établir des liaisons à courte distance (portée 3 km environ). Elle évitait l’utilisation d’une ligne téléphonique sujette aux coupures lors des bombardements.
Le principe est relativement simple. L’émetteur injecte dans le sol, entre 2 piquets métalliques (prises de terre) distants d’une centaine de mètres, un « courant vibré » commandé par le manipulateur de signaux Morse. Le « parleur » ou « vibrateur » qui délivre le courant vibré est analogue à un mécanisme de sonnerie, muni d’un enroulement secondaire pour élever la tension.
La réception s’effectue entre deux piquets métalliques fichés dans le sol, distants d’une centaine de mètres.
Le signal capté entre ces piquets est extrêmement faible et doit être amplifié avant d’être appliqué au casque d’écoute (amplificateur à trois lampes).
Avantages particuliers de la T.P.S.
L’installation de T.P.S. peut être entièrement souterraine.

En effet, la seule condition à réaliser pour établir une liaison T.P.S. c’est la mise en contact des deux fils ou prises de terre avec le sol en deux points distants de 40-50 à 100-150 m environ à chaque poste. Peu importe que ce contact ait lieu à la surface ou en profondeur du sol. Par conséquent, les appareils peuvent être mis à l’abri dans un souterrain, les fils peuvent être enterrés, ainsi que les prises de terre. Rien ne s’oppose à ce que l’on puisse réaliser une liaison par T.P.S. entre deux galeries de mines situées à quelques centaines de mètres de profondeur chacune, si leur distance n’excède pas trois kilomètres et si, bien entendu, la conductibilité électrique du sol s’y prête.
On a réalisé en pratique, sur le Front occidental français, des installations de T.P.S. entièrement souterraines. Les appareils étaient disposés dans des abris profonds, dix à douze mètres sous le sol, par exemple ; quant aux deux fils, au lieu de déboucher à découvert ou sur le fond du boyau de la tranchée, ils étaient couchés au fond d’une étroite saignée de 0 min 40 s - 0 min 50 s de large et de 2 m de profondeur, creusés pour la circonstance, depuis l’orifice de l’abri jusqu’aux deux fosses au fond desquelles, on disposait les prises de terre. Les saignées et les fosses étaient ensuite comblées, et, aucun point de l’installation de T.P.S. n’arrivant plus haut que deux mètres sous la surface, les bombardements les plus violents n’avaient absolument aucun effet sur elle.
Cas les plus favorables : Secteurs calmes.
Mais cette perfection de l’installation n’est atteinte que dans les secteurs tranquilles, où l’on dispose du temps et de la main d’œuvre nécessaires à l’accomplissement des travaux de terrassement. Dans ces cas très favorables, la T.P.S. réalise une liaison invulnérable. Si elle ne sert point quand le secteur est tranquille, elle rendra des services lorsque ce dernier deviendra agité et que les autres liaisons seront devenues précaires.

La T.P.S. en période très active

Dans les cas les moins favorables, on arrive cependant à mettre les appareils à l'abri. On déroule les fils au fond d'une tranchée et on diminue autant que possible leur longueur, pour diminuer leur vulnérabilité. Le passage fréquent des corvées, le piétinement, abîment le fil, à la longue, mais comme il est plus résistant que le fil téléphonique, il est rarement coupé par autre chose qu'un éclat ou une explosion. Si dans ce cas une portion dénudée du fil restant accroché à l'appareil se trouve en contact avec le sol, la liaison subsiste, quoique précaire.
Mais on peut toujours exiger d'un T.P.S.iste l'entretien de 50 à 60 m. de fil même pendant un bombardement violent, alors que, dans le même cas, la tâche du téléphoniste à la recherche d'une coupure de son faible câble, sur une longueur de 500 à 1000 mètres de boyaux retournés et éboulés, est vouée à l'insuccès.
La T.P.S. en guerre de mouvement.
La guerre de mouvement offre trop d'alternatives d'avance et de recul pour que la T.P.S. , comme le téléphone, qui exigent un certain temps pour la pose et le repliement, soient utilisés systématiquement avec profit. Pour se déplacer, les T.P.S.istes, dès qu'ils en reçoivent l'ordre, doivent replier avec soin leurs fils, retirer du sol les piquets de terre, et transporter ce matériel, avec les accumulateurs, les appareils et le matériel de rechange, et en plus leur équipement personnel, jusqu'au nouveau point où s'arrête l'échelon de commandement (Bataillon, Régiment) auquel ils sont affectés. Or, il n'y a guère que deux T.P.S.istes par postes. Sans entrer dans le détail des innombrables cas accidentels qui peuvent se présenter, on conçoit qu'à ce moment la T.P.S. ne se trouve presque jamais utilisable.

Inconvénients de la T.P.S.
Du reste, les inconvénients de la T.P.S. sont si nombreux , en dehors de celui qui résulte de l'incommodité de déplacement rapide des postes que même dans le cas où on l'utilise avec le meilleur résultat, c'est à dire dans le cas de la guerre de stabilisation son rendement est excessivement faible et réduit son rôle à un jeu très spécial. On peut caractériser ce rôle par une expression qui le met en relief : "La T.P.S. est une Liaison de secours". Examinons ces inconvénients.
1° - Le secret des transmissions n’est pas assuré
En effet, puisque tout se passe en T.P.S. comme si le sol diffusait les courants émis par le poste émetteur, jusqu’au poste de réception où on amplifie la faible portion de courants captée, il s’ensuit que cette diffusion a lieu dans toutes les directions et par conséquent, dans la direction de l’ennemi. Comme souvent ce dernier est plus rapproché du poste émetteur (P.C. Bataillon) que le poste récepteur français lui-même (P.C. Régiment) il s’ensuit que l’ennemi peut surprendre nos communications de T.P.S. soit en disposant dans le voisinage de sa 1re ligne des postes de réception munis d’amplificateurs, soit en faisant usage, dans la même région, de postes d’écoute spéciaux.
Cet inconvénient est inévitable. Aussi l’emploi du code chiffré s’impose pour la confection des messages. Chaque chef de poste T.P.S. est donc muni d’un code chiffré, édité par l’E. M. d’Armée, et qu’il remet à l’officier qui doit éventuellement utiliser la T.P.S.
Comme on le verra tout à l’heure, la T.P.S. ayant à fonctionner surtout dans les cas d’urgence, la nécessité de se servir d’un code, forcément réduit et incomplet, et avec le maniement duquel on est rarement familiarisé, diminue les chances de clarté du texte, de facilité de transmission, et augmente les chances d’erreur et les retards. Nous verrons du reste comment la pratique a sanctionné l’usage du code.


2° - Influence fâcheuse.
- des lignes d'éclairage ou d'électrification à courant alternatif, sur la liaison T.P.S.
- de la T.P.S. sur les lignes téléphoniques.
La fin du XIXᵉ siècle est marquée par les premiers essais de transport de l’énergie électrique sans support filaire, ce qui allait donner naissance à la télégraphie sans fil.
« Pour passer du télégraphe à la TSF, il n’y avait plus qu’à couper le fil et le remplacer par les ondes, qu’il fallut découvrir, créer, utiliser. »
Les documents reproduits dans cette page sont extraits du cours d’officiers-élèves de l’ECOLE SPECIALE MILITAIRE (1919).