Visite à l’observatoire Royal de Belgique

Visite à l’observatoire Royal de Belgique

Il est également important de préciser que l’observatoire de Humain dépend de celui situé sur l’avenue Circulaire à Uccle, en région Bruxelloise, bien connu sous le nom d’Observatoire Royal de Belgique.

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L’observatoire Royal de Belgique (ORB dans le texte)

L’ORB est un observatoire astronomique belge fondé par Adolphe Quetelet en 1826. Plusieurs directeurs se sont ensuite succédés à la tête de l’institut. En 1913, le service météorologique est érigé en un établissement distinct et autonome très connu lui aussi et portant le nom d’Institut royal météorologique (IRM). Dans les années 1950, à ce moment directeur, Paul Bourgeois (1898-1974), mène l’observatoire dans une nouvelle ère d’expansion, tant par des réalisations propres que par sa participation à de grands projets internationaux. C’est à cette époque, vers 1954, que naît la station de radioastronomie située à Humain. Fondée par Raymond Coutrez, elle abrite notamment un interféromètre solaire composé de 48 antennes paraboliques situées sur deux axes distincts (Nord-Sud & Est-Ouest).

Au niveau de l’ORB même, les disciplines représentées sont nombreuses et variées. On trouve notamment les activités scientifiques suivantes : gestion du temps, rotation de la terre, séismologie, mesure de la pesanteur terrestre, géodésie spatiale, planétologie, astronomie, astrophysique, structure et dynamique de l’atmosphère solaire, activité solaire. Sur ce dernier point, l’observatoire de Humain contribue quotidiennement à la surveillance du Soleil, en complément d’autres instruments solaires de l’Observatoire.

Au niveau accessibilité, l’observatoire de Uccle n’est pas ouvert au public sauf dans de très rares occasions.

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L’observatoire de Humain

L’observatoire de Humain quant à lui n’est nullement accessible au public. Le site est surveillé par un « gardien » habitant les lieux en permanence et ayant également un rôle technique, de maintenance sur site de quelques appareillages et de remise en service des alimentations électriques en cas de perte du réseau (orage, problèmes techniques divers…)

Un premier radiotélescope fut installé et mis en service en 1956. Il s’agissait d’un radar de type Würzburg – ceux-là même qui étaient utilisés par la Luftwaffe de l’armée Allemande durant la seconde guerre mondiale. Ce radar Würzburg, fonctionnant dans le spectre des 600 MHz, n’est malheureusement plus visible sur le site aujourd’hui. Il a en effet été démantelé en 2008 et transporté au musée de Raversyde situé sur la Nieuwpoortsesteenweg n° 636 à 8400 Ostende, pour ceux qui seraient éventuellement intéressés.

En 1972 est démarrée l’installation la plus impressionnante du site de Humain, à savoir un radiotélescope interférométrique, dépendant toujours de l’ORB à Uccle, constitué d’un ensemble de 48 paraboles de 4 mètres de diamètre qui permettaient d’observer le soleil dans le spectre des 408 MHz. Cet interféromètre est constitué d’une base Nord-Sud de 16 antennes et d’une autre base axée Est-Ouest de 32 antennes ! Les paraboles, espacées de 20 mètres, sont installées sur des socles en béton car l’alignement en hauteur des télescopes Est-Ouest permet de faciliter le calcul (compensation) du déphasage de réception du signal (solaire) en fonction de la position du Soleil dans le ciel. Si les télescopes étaient à même le sol, il faudrait en plus tenir compte de la différence d’altitude. Les antennes sont placées sur des montures équatoriales et sont toutes commandées simultanément pour viser l’axe du soleil du matin jusqu’au soir.

Ma démarche pour pouvoir faire cette visite date de fin 2017. Les premiers contacts sont pris avec l’ORB de Uccle et, suite à des échanges de courriers ayant pour but de définir les limites d’utilisation de mes photos, j’ai obtenu les autorisations pour le site de l’association des radioamateurs de la province de Liège ON5VL et pour mon espace photographique personnel sur FLICKR. Il va sans dire que ces photos sont et restent la propriété de l’ORB et qu’elles sont publiées ici uniquement à des fins purement informatives.

Qu’est-ce qu’un radiotélescope ?

Un radiotélescope est simplement un télescope spécifique utilisé en radioastronomie pour capter les ondes radioélectriques émises par les astres – et en particulier le soleil dans le cas qui nous occupe. Ces ondes radio ne sont véritablement découvertes qu’en 1933 par un certain Karl Jansky, ingénieur chez BELL. Alors qu’il cherchait l’origine de certaines interférences avec les transmissions radio terrestres, ce dernier a découvert accidentellement (sérendipité, le don de faire par hasard des découvertes heureuses) des signaux radios émis par les étoiles.

Les radiotélescopes sont utilisés en fonction des longueurs d’onde, aussi bien pour l’étude du soleil et de noyaux actifs de galaxies que pour des études cosmologiques. C’est bien durant cette période que sont détectées les émissions du soleil dans les longueurs d’ondes 150 MHz, 3 GHz et 10 GHz. Les émissions radio de la lune, des radiogalaxies et de Jupiter seront ensuite découvertes.

Durant les années 1950, les principaux radiotélescopes sont mis en chantier. En voici quelques-uns, les plus connus : Arecibo Porto Rico (1963), Parkes Australie (1961), Jodrell Bank Angleterre (1957), Nançay France (1965). Le plus impressionnant des radiotélescopes actuellement en activité est celui mis en service en 2016 dans le sud-ouest de la Chine. Son nom est FAST, pour Five hundred meter Aperture Spherical radio Telescope. Le plus grand est celui situé à Zelentchoukskaïa, le PATAH-600, de presque 580 mètres de diamètre mais d’un tout autre type. Si vous n’avez jamais entendu parler du projet SETI, c’est le moment de faire une petite recherche sur internet. Je me rappelle que dans les années 2000, tout le monde s’amusait à faire tourner ses ordinateurs personnels avec l’application du SETI, le but étant de mettre à disposition des données collectées par le radiotélescope et de les faire traiter par nos ordinateurs personnels. Une fois les paquets de données traités, un fichier repartait vers les ordinateurs du SETI, ce qui était bien pensé sauf que nos ordinateurs n’étaient dès lors plus disponibles pour d’autres tâches !

Au sujet de la technique utilisée, l’interférométrie est une méthode de mesure qui exploite les interférences intervenant entre plusieurs ondes cohérentes entre elles. Les ondes électromagnétiques se superposent, provoquant le phénomène d’interférence afin d’extraire des informations importantes qui seront analysées à posteriori.

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Matériel mis en œuvre sur le site de Humain 

Sur le site même de Humain, les instruments qui permettent actuellement de faire l’étude du soleil sont les suivants : un radiotélescope restauré de 6 mètres de diamètre, dont le fonctionnement est intégralement automatisé, poursuit le soleil de 7h30 à 16h00 UTC. Sur le radiotélescope se trouve une antenne log périodique VHF et une antenne log périodique UHF à deux polarisations orthogonales. Les récepteurs radio VHF sont CALLISTO et ARCAS (SDR), le récepteur UHF, HSRS (également SDR). Ils couvrent le spectre allant de 45 à 1500 MHz.

Les récepteurs CALLISTO sont basés sur un récepteur analogique type TV pouvant fonctionner entre 45 et 870 MHz. Développés à l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zurich), ils font partie du réseau e-Callisto et fonctionnent dans la bande de 45 à 447 MHz sur 200 fréquences : e-callisto.org.

Quant aux récepteurs ARCAS & HSRS (Humain Solar Radio Spectrometer), ce sont des SDR également. En VHF, ils écoutent la bande de 45 à 450 MHz sur 4200 fréquences et en UHF, ils écoutent le spectre entre 275 à 1495 MHz sur 12500 fréquences.s.

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Développement du site de Humain 

Depuis peu, de nouveaux projets sont en développement sur le site de Humain qui reprend vie petit à petit. En effet, les 32 paraboles du radiotélescope interférométrique ne sont plus en activité depuis 2002 mais, depuis lors, une de ces antennes (la numéro 34) a été totalement restaurée et va être remise en service dans le courant du mois de juin 2018. Deux autres antennes voisines, actuellement démontées, sont elles aussi en cours de restauration. L’antenne 34 est d’ailleurs celle que l’on peut admirer en photo et qui possède un tout nouveau réflecteur – les anciennes antennes sont équipées d’un réflecteur grillagé qui, sur la plupart, est assez endommagé. Sur les photos, on peut donc facilement distinguer les antennes qui ne sont plus en service. A noter qu’il est possible de « suivre » les données collectées par l’antenne principale de 6 m de diamètre en visitant le site web suivant : Sidc.be – humain

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Le projet SPADE

Le dernier projet qui a été mis en place répond au nom de SPADE, soit l’acronyme de Small Phased Array DEmonstrator. Le but principal est bien de réaliser un monitoring de l’activité du soleil en ondes métriques et décamétriques, permettant ainsi d’avoir un aperçu des éruptions solaires. Le projet, qui a vu le jour en janvier 2016, comprend un réseau de huit antennes constituées de dipôles croisés en V inversé, la bande de fréquence allant de 20 à 80 MHz, avec pour but premier d’obtenir un spectre dynamique (pas d’imagerie). Des récepteurs SDR sont utilisés, chacun se chargeant de collecter les données de 4 antennes. Le traitement numérique offre une très grande flexibilité et donne une observation du spectre quasi en temps réel.

Les huit antennes sont disposées en cercle avec une antenne au centre et les sept autres autour. Elles sont de type dipôle V inversés et croisés. Le balun situé en partie haute renferme un préampli et est alimenté par le câble coaxial lui-même (système BIAS Tee). Ces antennes sont identiques à celles utilisées pour le projet NenuFAR à la station radioastronomique de Nançay : Nenufar.obs-nancay.fr

Un plan de masse sous la forme d’un grand quadrillage est déposé en carré sous les antennes qui sont à double polarisation, tant horizontale que verticale. La disposition de la sorte, avec une antenne centrale, présente un bon équilibre dans le gain total et réduit les niveaux des lobes latéraux.

Cette configuration requérant un sol aussi plat que possible, une précision de ± 6 cm a été demandée lors des opérations de mise à niveau du sol sous les antennes. On peut voir tout cela très facilement sur les photos. Le plan de masse, de 20 m x 20 m, est en treillis à béton de 6 mm de diamètre. La position très précise des huit antennes a été mesurée en utilisant un GPS différentiel donnant une erreur (précision) de ± 80 mm.

Le chemin du signal radio et le traitement… La première phase des opérations de SPADE ne prendra en compte qu’une seule polarisation. Le signal RF arrivant de chaque antenne est numérisé au niveau de chaque récepteur, qui possède 4 entrées RF au total et délivre approximativement 10 Gb/s de données à l’ordinateur principal de traitement. Un module horloge de référence est inclus dans chaque SDR. Les SDR sont synchronisés entre eux. En effet, on imagine mal que ce ne soit pas le cas, sinon les données reçues seraient enregistrées à des temps différents et il serait alors impossible de les traiter de manière correcte. Des filtres passe-bas sont installés avant la numérisation.

La visite des lieux se termine par ces antennes SPADE. Notons aussi que la plupart des équipements sont connectés au réseau internet via des câbles RJ45 classiques. Ceci permet au personnel de l’ORB de prendre le contrôle à distance et éventuellement d’assurer un redémarrage ou de poser un diagnostic sans devoir parcourir, par exemple en pleine nuit, une distance importante entre Bruxelles et Humain. A vol d’oiseau, nous avons tout de même 140 km, sans compter que le personnel n’habite peut-être pas non plus en plein centre de la capitale ! Un ordinateur et une connexion internet suffisent dès lors pour se connecter sur les équipements de l’observatoire d’Humain… Ce qui est très pratique.

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Remerciements 

Je tiens à remercier mes hôtes pour cette visite intéressante, en particulier : Mr Christophe Marqué et Mr Antonio Martinez Picar, responsables du projet SPADE et interlocuteurs principaux, Mme Lampens et Mr Van Cauteren pour leurs explications sur la partie des télescopes optiques du site (non couvert par mon article), Mr Vincent H., le gardien des lieux qui m’a donné beaucoup d’informations très utiles et enfin Mme Pham grâce à qui j’ai pu obtenir les autorisations d’accès nécessaires.

Pour l’anecdote, il est a noté que ma visite s’est déroulée en deux phases. La première journée, pour les explications et la prise de photos, s’est malheureusement terminée par une avarie sérieuse de mon appareil NIKON (pourtant du matériel professionnel très récent). J’ai ainsi dû me rendre de nouveau sur place deux jours plus tard pour reprendre tous les clichés avec un de mes autres appareils. A noter que ce jour-là, le temps était meilleur au niveau de la météo, ce qui a donné de plus belles images. Comme quoi, à chaque défaut, son avantage !

Merci d’avoir pris le temps de lire cet article que je voulais être le plus précis possible, même si je ne pense pas avoir tout retenu de toutes les informations qui m’ont été données lors de ma visite par des gens hautement compétents et passionnés.

Album Photos

Cliquer sur l’image pour aller sur l’album complet d’Eric Sensi ON6CV

Album de Eric Sensi, sur Flickr

Nous vous rappelons que ces photos sont la propriété de l’ORB et qu’elles ne sont publiées qu’à titre d’information.

Auteur / autrice

  • Licencié Harec depuis 1990, après une pause de quelques années, j'ai renouvelé mon intérêt pour la radio, je suis particulièrement actif en HF, appréciant le FT8, les contest et la chasse au Dx. Depuis 2021, je suis président de la section de Liège et administrateur du site Internet www.on5vl.org. Passionné d'informatique, je suis convaincu que le monde des radioamateurs doit évoluer avec les avancées technologiques, notamment avec l'émergence de l'IA dans nos shack.