
(Radio 558, Radio 819)
Radio Monique est pratiquement la dernière station pirate maritime néerlandaise. Après Monique sont apparues Radio 558 et Radio 819. Cependant, ces trois stations ont une base commune, leur histoire est de ce fait résumée en une seule et même histoire.
À l'origine, Radio Monique devait démarrer en septembre 1981 à partir du navire « Magda Maria » d'où émettait « Radio Paradijs », mais ce navire a été arrêté par la justice néerlandaise au bout de trois jours seulement. L'idée était de commencer à diffuser « Radio Monique » en tant que deuxième programme à partir de ce navire. Elle est à l'initiative de Fred Bolland ; Monique est le prénom de son épouse.
Ce même Fred Bolland avait déjà participé aux programmes néerlandais de Radio Caroline à bord du « Mi Amigo » en 1979 : les programmes étaient interrompus lors du naufrage du « MV Mi Amigo » le 20 mars 1980. Les projets de création d’une station propre avaient alors été ajournés.
Lorsque Radio Monique a finalement commencé à émettre le 15 décembre 1984, elle ne disposait pas de son propre navire pour l’émission : la station louait du temps d’antenne à Radio Caroline. Caroline avait réussi à reprendre l’antenne après une absence de près de trois ans. Le nouveau navire, le « Ross Revenge », était non seulement le plus grand navire émetteur jamais construit - 978 tonnes - mais il possédait également le plus grand mât émetteur jamais construit sur un navire émetteur : 300 pieds ou 91 mètres.


Dès le 19 août 1983, Radio Caroline pouvait à nouveau être entendue sur 963 kHz. L’émetteur de 50 kWatt fournissait un signal puissant à la fois au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Bien qu’un certain nombre d’annonceurs publicitaires avaient été recrutés, les recettes étaient loin d’être suffisantes pour couvrir les coûts.
Il fallait impérativement (comme dans les années 1970 avec le Mi Amigo), gagner de l’argent en louant du temps d’antenne. Fred Bolland avait donc lancé sa propre station : « Radio Monique ». Dans le cadre de l’accord, Radio Monique recevait l’autorisation d’émettre avec le nouveau personnel depuis le bateau Ross Revenge de Radio Caroline la doyenne des pirates. En outre, un studio privé avait été aménagé dans le Gooi, où de vieux routiers de la radio qui comptabilisaient un nombre important d’heures d’antenne comme Joost den Draayer et Tony Berk avaient alors pu se faire entendre à nouveau. Pour le reste, les programmes étaient assurés par une équipe de Djs en direct. L’ensemble de l’opération était, bien entendu, totalement illégale au regard des lois néerlandaises et anglaises.
Le « Ross Revenge » ne se trouvait pas au large des côtes néerlandaises comme c’était le cas au début des années 70, mais anglaises, ce qui explique peut-être pourquoi la justice néerlandaise n’était pas intervenue immédiatement. Par ailleurs, la justice anglaise avait encore relativement peu de moyens à sa disposition sur Radio Caroline. À l’exception d’une période pendant laquelle le « Ross Revenge » avait été constamment surveillé par la DTI sur un navire du gouvernement britannique dont je vous ai déjà fait part dans l’histoire de Laser 558, le navire Ross Revenge lui-même avait été laissé tranquille.



Officiellement, Monique aurait produit des « programmes de fond pour les supermarchés, des programmes pour les organisations internationales, etc. », dont on ne sait pas comment ils sont arrivés à bord d’un navire en mer du Nord, mais très probablement à partir d’un tender (un petit bateau genre hors-bord) qui démarrait de façon illicite d’un port (peut-être celui de Scheveningen situé à 2 km de La Haye.
La station avait connu un certain succès à ses débuts, car c’était la seule station pirate de haute mer d’expression néerlandaise. Cependant, que ce soit en raison du non-respect des accords, des mauvaises conditions de vie à bord, des salaires non perçus ou trop bas ou d’autres raisons, le taux de rotation du personnel était assez élevé.
Les choses se bousculaient également en coulisses : selon certaines informations, un membre de l’organisation Monique se serait rendu dans le dos de Fred Bolland auprès de Ronan O’Rahilly (le propriétaire de Radio Caroline) avec un important annonceur de Radio Monique, Texas Cigarettes. Un important investissement financier avait été réalisé par ce fabricant de cigarettes et il avait été convenu que cette personne serait chargée d’une nouvelle station, « Radio 819 ».
Le vendredi 13 novembre 1987, Monique annonce qu’elle quitte l’antenne pour passer de 963 kHz à 819 kHz. Après la remise en service de la station le 15 novembre, le mât d’antenne du Ross Revenge se brisait le 27 novembre 1987 après avoir essuyé une tempête de la force proche de celle d’un ouragan le 15 octobre, ce qui marquait la fin de Radio Monique.
Comme c’est souvent le cas, l’organisation Caroline s’était montrée très résiliente, car en peu de temps, un système d’antennes de secours avait été installé et « Radio Caroline » est revenue sur 558 kHz. Ces antennes n’ont pas été un succès et après plusieurs échecs, 2 mâts de 30 et 24 mètres de haut ont été installés fin 1988 avec une antenne en T entre les deux. Et tout cela en haute mer, alors que la fourniture de matériaux était illégale et devait donc se faire le plus discrètement possible.
Comme il n’était pas possible de faire fonctionner deux stations avec les systèmes d’antennes de fortune et qu’il y avait encore de l’argent à gagner, Radio Caroline a mis la fréquence de 558 kHz à la disposition d’une nouvelle station néerlandaise le 9 juillet 1988 pendant la journée : Radio 819. Comme la diffusion se faisait sur 558 kHz, la station s’était provisoirement appelée Radio 558. Ce n’est que le 22 octobre que 819 kHz avait été mis en service et que le nom a été changé en Radio 819.
Radio 558 avait en conséquence existé pendant un peu moins de 4 mois et avait continué sous le nom de Radio 819 avec les mêmes propriétaires et la même adresse en Espagne. Rappelons pour ceux qui ne le savent pas que l’Espagne était alors un pays qui n’interdisait pas l’approvisionnement de programmes ou de personnel à bord d’un navire qui diffusait dans les eaux internationales.



Radio 819 n'avait pas vraiment connu un grand succès. Il faut dire également que la station avait cessé d'émettre à plusieurs reprises, sa puissance ne dépassait pas 5 kWatt et elle avait attiré moins d'auditeurs que prévu, bien que la réception en Hollande fut acceptable principalement à l’ouest.
Durant l’été 1989, trois stations étaient sur les ondes à partir du Ross Revenge, « Radio Caroline » sur 558 kHz, « Radio 819 » sur 819 kHz et en ondes courtes sur la bande des 49 m (appelée en broadcast, la bande européenne) sur 6 215 kHz « Radio Caroline » et « World Mission Radio ». Le choix de 6215 kHz était une maladresse incompréhensible : il s’agissait et il s’agit toujours d’une fréquence internationale d’urgence pour le trafic maritime, alors qu’il aurait été plus intelligent de récupérer l’ancienne fréquence de radio northsea international laissée libre depuis la fin août 1974. Les plaintes persistantes et ignorées concernant les interférences avaient été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et une excellente raison d’agir, mais également parce qu’il y avait des plans pour une nouvelle station maritime. Les tribunaux britanniques et néerlandais avaient alors décidé, dans le cadre d’une action commune, de mettre un terme aux activités du « Ross Revenge »
Il avait déjà été établi que le « Ross » était en fait un navire apatride. L’ambassade du Panama avait clairement indiqué que le navire n’était pas immatriculé dans son pays et qu’aucune autre immatriculation n’avait pu être retrouvée. Or, en vertu du droit international, des mesures peuvent être prises à l’encontre d’un navire apatride s’il constitue une nuisance pour un pays, même s’il se trouve en dehors des eaux territoriales.



Après le travail préliminaire nécessaire, des perquisitions dans les bureaux, les domiciles et les entreprises avaient permis, le 16 août, de rassembler toute l’organisation de Radio 819 et de recueillir « 4 combis pleins de preuves ».
Vers la mi-août 1989, l’équipage du « Ross » avait déjà le pressentiment que quelque chose se préparait : le navire était patrouillé plus souvent que d’habitude et, le 17 août, un navire des garde-côtes britanniques s’approchait du Ross en annonçant que toute l’organisation de Radio 819 avait été démantelée et demandait à l’équipage du Ross de cesser d’émettre, ce qui n’a pas été fait (seule la fréquence 6215 kHz avait cessé d’émettre).
Le 19 août, c’était le branle-bas de combat : à bord, on n’accordait guère de crédit aux informations faisant état d’une chasse à l’homme pour les employés et aux propos menaçants concernant une éventuelle intervention. Mais les choses se gâtèrent lorsque, dans l’après-midi du samedi 19 août 1989, le navire néerlandais « Volans » accostait avec une demi-douzaine d’agents de l’État, concrétisant ainsi le scénario redouté.
Le navire était arraisonné, puis dépouillé de manière experte, disons : pillé - de pratiquement tout le matériel radio, y compris celui de Radio Caroline.

Le 19 août 1989, Radio 819 avait mis fin à l’histoire de près de 30 ans des stations pirates de haute mer néerlandaises. Après cette date, il n’y a plus jamais eu de nouvelles stations maritimes, et les projets en la matière avaient tous été abandonnés. Radio Caroline était une fois de plus revenue, mais cela sera raconté un autre jour.
Comme la justice néerlandaise était convaincue qu'après cette action, aucune nouvelle station maritime ne verrait le jour en mer du Nord, il avait été décidé de ne pas poursuivre les personnes impliquées. Après tout, l'objectif avait été atteint.
Guy HENKINET alias ON6GH est né en 1957 et s’intéresse dès son adolescence à la radio et à la musique. Il est fan des radios offshore et visite le MEBO II (bateau d’émission) et les studios à bord de Radio Northsea Int. Il devient par la suite DJ, puis animateur radio sur radio kawa, fm56/SIS, Contact et bien d’autres encore, puis sur une vingtaine de radios en France. Durant la moitié des années 70, il consacre également du temps à réaliser des DX sur la bande des 11 mètres.