
(Radio 558, Radio 819)
Ce mĂȘme Fred Bolland avait dĂ©jĂ participĂ© aux programmes nĂ©erlandais de Radio Caroline Ă bord du «âMi Amigoâ» en 1979 : les programmes Ă©taient interrompus lors du naufrage du «âMV Mi Amigoâ» le 20 mars 1980. Les projets de crĂ©ation dâune station propre avaient alors Ă©tĂ© ajournĂ©s.
Lorsque Radio Monique a finalement commencĂ© Ă Ă©mettre le 15 dĂ©cembre 1984, elle ne disposait pas de son propre navire pour lâĂ©mission : la station louait du temps dâantenne Ă Radio Caroline. Caroline avait rĂ©ussi Ă reprendre lâantenne aprĂšs une absence de prĂšs de trois ans. Le nouveau navire, le «âRoss Revengeâ», Ă©tait non seulement le plus grand navire Ă©metteur jamais construit - 978 tonnes - mais il possĂ©dait Ă©galement le plus grand mĂąt Ă©metteur jamais construit sur un navire Ă©metteur : 300 pieds ou 91 mĂštres.


DĂšs le 19 aoĂ»t 1983, Radio Caroline pouvait Ă nouveau ĂȘtre entendue sur 963 kHz. LâĂ©metteur de 50 kWatt fournissait un signal puissant Ă la fois au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Bien quâun certain nombre dâannonceurs publicitaires avaient Ă©tĂ© recrutĂ©s, les recettes Ă©taient loin dâĂȘtre suffisantes pour couvrir les coĂ»ts.
Il fallait impĂ©rativement (comme dans les annĂ©es 1970 avec le Mi Amigo), gagner de lâargent en louant du temps dâantenne. Fred Bolland avait donc lancĂ© sa propre station : «âRadio Moniqueâ». Dans le cadre de lâaccord, Radio Monique recevait lâautorisation dâĂ©mettre avec le nouveau personnel depuis le bateau Ross Revenge de Radio Caroline la doyenne des pirates. En outre, un studio privĂ© avait Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© dans le Gooi, oĂč de vieux routiers de la radio qui comptabilisaient un nombre important dâheures dâantenne comme Joost den Draayer et Tony Berk avaient alors pu se faire entendre Ă nouveau. Pour le reste, les programmes Ă©taient assurĂ©s par une Ă©quipe de Djs en direct. Lâensemble de lâopĂ©ration Ă©tait, bien entendu, totalement illĂ©gale au regard des lois nĂ©erlandaises et anglaises.
Le «âRoss Revengeâ» ne se trouvait pas au large des cĂŽtes nĂ©erlandaises comme câĂ©tait le cas au dĂ©but des annĂ©es 70, mais anglaises, ce qui explique peut-ĂȘtre pourquoi la justice nĂ©erlandaise nâĂ©tait pas intervenue immĂ©diatement. Par ailleurs, la justice anglaise avait encore relativement peu de moyens Ă sa disposition sur Radio Caroline. Ă lâexception dâune pĂ©riode pendant laquelle le «âRoss Revengeâ» avait Ă©tĂ© constamment surveillĂ© par la DTI sur un navire du gouvernement britannique dont je vous ai dĂ©jĂ fait part dans lâhistoire de Laser 558, le navire Ross Revenge lui-mĂȘme avait Ă©tĂ© laissĂ© tranquille.



Officiellement, Monique aurait produit des «âprogrammes de fond pour les supermarchĂ©s, des programmes pour les organisations internationales, etc.â», dont on ne sait pas comment ils sont arrivĂ©s Ă bord dâun navire en mer du Nord, mais trĂšs probablement Ă partir dâun tender (un petit bateau genre hors-bord) qui dĂ©marrait de façon illicite dâun port (peut-ĂȘtre celui de Scheveningen situĂ© Ă 2 km de La Haye.
La station avait connu un certain succĂšs Ă ses dĂ©buts, car câĂ©tait la seule station pirate de haute mer dâexpression nĂ©erlandaise. Cependant, que ce soit en raison du non-respect des accords, des mauvaises conditions de vie Ă bord, des salaires non perçus ou trop bas ou dâautres raisons, le taux de rotation du personnel Ă©tait assez Ă©levĂ©.
Les choses se bousculaient Ă©galement en coulisses : selon certaines informations, un membre de lâorganisation Monique se serait rendu dans le dos de Fred Bolland auprĂšs de Ronan OâRahilly (le propriĂ©taire de Radio Caroline) avec un important annonceur de Radio Monique, Texas Cigarettes. Un important investissement financier avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par ce fabricant de cigarettes et il avait Ă©tĂ© convenu que cette personne serait chargĂ©e dâune nouvelle station, «âRadio 819â».
Le vendredi 13 novembre 1987, Monique annonce quâelle quitte lâantenne pour passer de 963 kHz Ă 819 kHz. AprĂšs la remise en service de la station le 15 novembre, le mĂąt dâantenne du Ross Revenge se brisait le 27 novembre 1987 aprĂšs avoir essuyĂ© une tempĂȘte de la force proche de celle dâun ouragan le 15 octobre, ce qui marquait la fin de Radio Monique.
Comme câest souvent le cas, lâorganisation Caroline sâĂ©tait montrĂ©e trĂšs rĂ©siliente, car en peu de temps, un systĂšme dâantennes de secours avait Ă©tĂ© installĂ© et «âRadio Carolineâ» est revenue sur 558 kHz. Ces antennes nâont pas Ă©tĂ© un succĂšs et aprĂšs plusieurs Ă©checs, 2 mĂąts de 30 et 24 mĂštres de haut ont Ă©tĂ© installĂ©s fin 1988 avec une antenne en T entre les deux. Et tout cela en haute mer, alors que la fourniture de matĂ©riaux Ă©tait illĂ©gale et devait donc se faire le plus discrĂštement possible.
Comme il nâĂ©tait pas possible de faire fonctionner deux stations avec les systĂšmes dâantennes de fortune et quâil y avait encore de lâargent Ă gagner, Radio Caroline a mis la frĂ©quence de 558 kHz Ă la disposition dâune nouvelle station nĂ©erlandaise le 9 juillet 1988 pendant la journĂ©e : Radio 819. Comme la diffusion se faisait sur 558 kHz, la station sâĂ©tait provisoirement appelĂ©e Radio 558. Ce nâest que le 22 octobre que 819 kHz avait Ă©tĂ© mis en service et que le nom a Ă©tĂ© changĂ© en Radio 819.
Radio 558 avait en consĂ©quence existĂ© pendant un peu moins de 4 mois et avait continuĂ© sous le nom de Radio 819 avec les mĂȘmes propriĂ©taires et la mĂȘme adresse en Espagne. Rappelons pour ceux qui ne le savent pas que lâEspagne Ă©tait alors un pays qui nâinterdisait pas lâapprovisionnement de programmes ou de personnel Ă bord dâun navire qui diffusait dans les eaux internationales.



Radio 819 n'avait pas vraiment connu un grand succĂšs. Il faut dire Ă©galement que la station avait cessĂ© d'Ă©mettre Ă plusieurs reprises, sa puissance ne dĂ©passait pas 5 kWatt et elle avait attirĂ© moins d'auditeurs que prĂ©vu, bien que la rĂ©ception en Hollande fut acceptable principalement Ă lâouest.
Durant lâĂ©té 1989, trois stations Ă©taient sur les ondes Ă partir du Ross Revenge, «âRadio Carolineâ» sur 558 kHz, «âRadio 819â» sur 819 kHz et en ondes courtes sur la bande des 49 m (appelĂ©e en broadcast, la bande europĂ©enne) sur 6â215 kHz «âRadio Carolineâ» et «âWorld Mission Radioâ». Le choix de 6215 kHz Ă©tait une maladresse incomprĂ©hensible : il sâagissait et il sâagit toujours dâune frĂ©quence internationale dâurgence pour le trafic maritime, alors quâil aurait Ă©tĂ© plus intelligent de rĂ©cupĂ©rer lâancienne frĂ©quence de radio northsea international laissĂ©e libre depuis la fin aoĂ»t 1974. Les plaintes persistantes et ignorĂ©es concernant les interfĂ©rences avaient Ă©tĂ© la goutte dâeau qui a fait dĂ©border le vase et une excellente raison dâagir, mais Ă©galement parce quâil y avait des plans pour une nouvelle station maritime. Les tribunaux britanniques et nĂ©erlandais avaient alors dĂ©cidĂ©, dans le cadre dâune action commune, de mettre un terme aux activitĂ©s du «âRoss Revengeâ»
Il avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©tabli que le «âRossâ» Ă©tait en fait un navire apatride. Lâambassade du Panama avait clairement indiquĂ© que le navire nâĂ©tait pas immatriculĂ© dans son pays et quâaucune autre immatriculation nâavait pu ĂȘtre retrouvĂ©e. Or, en vertu du droit international, des mesures peuvent ĂȘtre prises Ă lâencontre dâun navire apatride sâil constitue une nuisance pour un pays, mĂȘme sâil se trouve en dehors des eaux territoriales.



AprĂšs le travail prĂ©liminaire nĂ©cessaire, des perquisitions dans les bureaux, les domiciles et les entreprises avaient permis, le 16 aoĂ»t, de rassembler toute lâorganisation de Radio 819 et de recueillir «â4 combis pleins de preuvesâ».
Vers la mi-aoĂ»t 1989, lâĂ©quipage du «âRossâ» avait dĂ©jĂ le pressentiment que quelque chose se prĂ©parait : le navire Ă©tait patrouillĂ© plus souvent que dâhabitude et, le 17 aoĂ»t, un navire des garde-cĂŽtes britanniques sâapprochait du Ross en annonçant que toute lâorganisation de Radio 819 avait Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©e et demandait Ă lâĂ©quipage du Ross de cesser dâĂ©mettre, ce qui nâa pas Ă©tĂ© fait (seule la frĂ©quence 6215 kHz avait cessĂ© dâĂ©mettre).
Le 19 aoĂ»t, câĂ©tait le branle-bas de combat : Ă bord, on nâaccordait guĂšre de crĂ©dit aux informations faisant Ă©tat dâune chasse Ă lâhomme pour les employĂ©s et aux propos menaçants concernant une Ă©ventuelle intervention. Mais les choses se gĂątĂšrent lorsque, dans lâaprĂšs-midi du samedi 19 aoĂ»t 1989, le navire nĂ©erlandais «âVolansâ» accostait avec une demi-douzaine dâagents de lâĂtat, concrĂ©tisant ainsi le scĂ©nario redoutĂ©.
Le navire Ă©tait arraisonnĂ©, puis dĂ©pouillĂ© de maniĂšre experte, disons : pillĂ© - de pratiquement tout le matĂ©riel radio, y compris celui de Radio Caroline.Â

Le 19 aoĂ»t 1989, Radio 819 avait mis fin Ă lâhistoire de prĂšs de 30 ans des stations pirates de haute mer nĂ©erlandaises. AprĂšs cette date, il nây a plus jamais eu de nouvelles stations maritimes, et les projets en la matiĂšre avaient tous Ă©tĂ© abandonnĂ©s. Radio Caroline Ă©tait une fois de plus revenue, mais cela sera racontĂ© un autre jour.
Comme la justice néerlandaise était convaincue qu'aprÚs cette action, aucune nouvelle station maritime ne verrait le jour en mer du Nord, il avait été décidé de ne pas poursuivre les personnes impliquées. AprÚs tout, l'objectif avait été atteint.

Guy Henkinet
Guy HENKINET alias ON6GH est nĂ© en 1957 et sâintĂ©resse dĂšs son adolescence Ă la radio et Ă la musique. Il est fan des radios offshore et visite le MEBO II (bateau dâĂ©mission) et les studios Ă bord de Radio Northsea Int. Il devient par la suite DJ, puis animateur radio sur radio kawa, fm56/SIS, Contact et bien dâautres encore, puis sur une vingtaine de radios en France. Durant la moitiĂ© des annĂ©es 70, il consacre Ă©galement du temps Ă rĂ©aliser des DX sur la bande des 11 mĂštres.