lundi, 4 août 2025

Laser 558 Story

Guy Henkinet

Au milieu des années 1980, deux stations de radio pirates qui opèrent à partir de navires en mer du Nord. Il y a le format retro rock de Radio Caroline pour les nouveaux papys mais il y a de nouveaux enfants dans le quartier, qui s’appellent Laser 558.

Radio Caroline n'a absolument plus aucun X-Factor. Ses présentateurs sont à ce moment là dans l'ensemble des annonceurs de gare sans vie et ternes. La présentation dynamique est quelque chose qui a cessé d'être sacrée et amusante sur Radio Caroline comme elle l’a pourtant toujours été dans les années 1960.

L'innovation, la personnalité et l'individualité ne sont plus encouragées, elles sont mal vues. Les présentateurs ne sont même pas autorisés à mentionner les titres des chansons qu'ils viennent de jouer sur Caroline.

En conséquence, le public n'écoute tout simplement pas. Certes, une banque de quelques milliers de personnes de l’époque hippie s'accroche et est pourtant heureuse d'écouter tout ce que Caroline diffuse encore comme les chansons de Barclay James Harvest, Led Zeppelin, Cream, Lindisfarne, Eric Clapton et bien d’autres de l’époque majestueuse, y compris même les émissions religieuses évangélistes ‘’the world tomorrow’’ qui servent à renflouer la station, mais les auditeurs ordinaires ne sont tout simplement pas là. Puis arrive la petite nouvelle sur les ondes c’est Laser 558.

Laser 558 est une station de radio pirate offshore lancée en mai 1984, elle se veut plus convaincante et emploie d’excellents animateurs radio américains qui provoquent le choc psychologique. La station de haute mer débute ses émissions à partir d’un navire sous bannière panaméenne enregistré sous le nom de MV Communicator ancré à proximité du bateau Ross Revenge de Radio Caroline. Laser 558 a de son côté le X-Factor et semble avoir ce côté fort et amusant, avec un tout nouvel habillage antenne c’est à dire les liners et les jingles au son très moderne.

Laser 558 a immédiatement semblé avoir l'énergie et l'enthousiasme de la radio pirate des années 1960. Elle diffuse une variété de titres aux registres musicaux différents qui s’accordent à merveille les uns avec les autres dans une belle atmosphère. Les présentateurs semblent s'y amuser.

En quelques mois, le Laser 558 devient ultra populaire partout. Le public est ravi d’écouter et apprécie vraiment ce qu’il entend. Les intros des disques sont cadrées et la présentation est vive, percutante, pertinente et amusante. En un temps record l’audience des stations de radio commerciales du Royaume-Uni se tasse au profit de la dynamique Laser 558.

En quelques mois, la station a  déjà conquis un large public, en raison de son signal HF puissant et de sa programmation musicale résolument actuelle très différente de Radio Caroline qui elle continue à proposer des extraits d’anciens albums de quoi séduire les papys. Cependant, l'insuffisance en rentrées publicitaires  pousse Laser 558 à l’arrêt. 

Tout ça commence par un vendeur de voitures londoniennes et DJ du nom de John Kenning qui a pourtant convaincu Philip Smyth, un riche homme d'affaires irlandais, de financer une station de radio offshore. Kenning recrute Paul Rusling, qui présente le projet à Roy Lindau, qui est impliqué dans Radio Caroline. Lindau est un directeur de marketing pour Major Market Radio,

Il rejoint Laser au milieu de l'année 1983 et est devenu président de sa société de vente, Eurad.  Il met un terme à son travail à la fin de 1984 après quelques désaccords.

Selon certaines informations, le géant du tabac, Philip Morris, s'est retiré à la suite des pressions des autorités européennes, bien que leur parrainage des programmes continue néanmoins d'être annoncé.

Les travaux de conversion du navaire à l'installation de studios et d'émetteurs sont effectués à l'automne 1983 par Paul Rusling à Tracor Marine à Port Everglades, en Floride, et le navire a navigué via les Açores et l'Irlande jusqu'à un mouillage au large de l'estuaire de la Tamise.

Laser a joué la plus grande partie de sa musique à partir de ‘’cardridges’’ c’est à dire de cassettes cartouches car la direction américaine a voulu contrôler la diffusion de matériel.

L'ancien laboratoire de recherche à l'arrière du navire a été converti en deux studios plus une salle de presse équipée par un ordinateur Kaypro 4 et une liaison télex avec le bureau de la station à New York. Cette liaison a été réalisée initialement par une installation COMSAT sur le pont supérieur, qui utilisait Inmarsat; elle peut ainsi accéder aux téléphones ordinaires, bien qu'à 15 dollars la minute, ça revienne assez cher. C’est pourquoi plus tard, le navire utilise une fréquence VHF maritime privée pour ses communications internes jusqu'à une base dans le Kent.

Quant aux émetteurs de diffusion sur les moyennes ondes, il s’agit une paire d'émetteurs CSI de 25 kilowatts AM, construits à Boca Raton, en Floride. Habituellement, un seul est utilisé à la moitié de sa puissance, en raison des limitations de puissance causées par le manque d'accord du r.o.s. à l'antenne. Il s'agit d'une antenne « en L » jusqu'au sommet d'un mât avant de 100 pieds de haut, puis à travers une construction similaire à la poupe du navire.

La couverture est toutefois assez bonne dans la zone d’émission centrale commercialisée. Le signal peut  être entendu dans de bonnes conditions à plus de 225 kilomètres dans les terres, c’est à dire la plus grande partie de l'Angleterre, des Pays-Bas et de la Belgique et une grande partie du nord de la France jusqu'à Paris.

La qualité audio est alors bien meilleure que la plupart des autres radiodiffuseurs en mode AM en Europe occidentale, car les équipements mis en place utilisent un large spectre de fréquences audio qui monte jusqu'à 8 kHz, alors que de nombreuses stations au Royaume-Uni peinent à atteindre 4,5 kHz.

L'alimentation du programme a été modifiée par un processeur audio réalisé par Circuit Research Labs of Arizona, tandis que Radio Caroline utilise un processeur Optimod.

La musique y a joué un rôle prépondérant avec le slogan « jamais à plus d'une minute de la musique ». Cela contraste fortement avec le discours de 50 % imposé à la radio commerciale britannique, et la proportion similaire de discours sur BBC Radio 1.

La publicité est rare sur Laser 558 et la qualité des animateurs américains attirent une vaste audience.

Les recherches de la BBC ont dénombré plus de quatre millions au Royaume-Uni et un nombre similaire sur le continent européen.

Le fait d’utiliser des DJ américains masculins mais aussi féminins et de revendiquer des offres d'approvisionnement en Espagne, permet à Laser 558 de revendiquer des émissions dans la légalité.  Néanmoins, la surveillance du Royaume-Uni a montré plus tard que Laser Hot Hits était approvisionné à partir du Kent, et les stations britanniques ont fait campagne pour que Laser Hot Hits et Caroline soient définitivement supprimés du paysage radiophonique sous prétexte que ces radios pirates  « volaient leurs auditeurs »

Les premiers beaux jours ont été rapidement éclipsés par des soucis techniques avec l'antenne dont certains éléments se sont détachés lors des bourrasques en mer du nord et ont été perdus.

Les émissions de courte durée sur 729 kHz ont pu être entendues dans plusieurs pays limitrophes, mais malheureusement pas à Londres en raison d'un relais Radio 4 qui utilisait une fréquence adjacente soit 720 kHz. La station offshore a alors procédé à un changement technique pour l’émission depuis deux mâts ainsi qu’une autre fréquence en bas de bande des moyennes ondes. C’est 558 kHz qui a été choisi (c’est à dire l’ancienne fréquence utilisée par radio Veronica durant les années 70) et ce pour le lancement de la station en mai 1984 sous le nom de laser 558.

 

Le 9 août 1985, le Ministère britannique du commerce et de l'industrie (DTI) a affrété le Dioptric Surveyor  qui été ancré à proximité pour surveiller Laser et Caroline, pour un coût déclaré de 50 000 dollars par mois. Il a été remplacé par le plus grand Gardline Tracker en novembre, un navire jumeau du Communicator, qui avait été acheté à Gardline Shipping à Great Yarmouth sous le nom de Gardline Seeker. Les DJs de Laser ont fait référence au navire DTI, se moquant du navire et du personnel. Ils ont même réalisé un enregistrement parodie "I Spy For The DTI" par le groupe pop ‘’the moronic surveyors’’. Un nouveau terme apparaît « Eurosiege » a été inventé par le disc jockey Charlie Wolf. À un moment donné le bateau MV Communicator s'éloigne temporairement du MV Ross Revenge de Radio Caroline mais il sera suivi par la DTI, Cela confirme la thèse que c’est surtout Laser 558 qui est la cible du DTI,

Sur LASER 558, Charlie Wolf
Le Local d'émission de LASER 558

L'agence de New York MMI n'a pas réussi à assurer la publicité, bien que les agents basés à Londres aient reçu d'importants paiements pour le temps d'antenne sur la station.

La station a attiré une publicité « payée pour la diffusion de titres musicaux » de la part des maisons de disques britanniques et néerlandaises, désireuses toutes deux d'avoir des produits qui pourraient être entendus par les 8 ou 9 millions d'auditeurs à l’écoute de Laser 558.

En raison du blocus et du manque de fonds, le bateau MV Communicator s’est alors rendu au port, a été escorté par Gardline Tracker, où il a été saisi par l'Amirauté Marshall au nom de créanciers, y compris Gardline Surveys qui avait vendu Laser le navire, et Paul Rusling, son premier mécanicien et coordinateur qui s'était procuré les émetteurs et le personnel rémunéré pour le compte du propriétaire.

Le navire a été mis en vente en vente à la vente à l'aveugle et, bien qu'il ait coûté près d'un million de dollars deux ans auparavant, a été vendu pour environ 35 000 dollars. L'opération de surveillance s'est achevée peu après, le 12 décembre 1985.

Le MV Communicator est malgré tout de retour dans les eaux internationales à la fin de 1986 et, le 1er décembre, et c’est le début des émissions de test sous le nom de Laser Hot Hits sur 576 Khz, Cette fréquence laissée libre par Radio Caroline. Celle-ci qui  profité de l’aubaine dès le lendemain lors de fermeture de Laser pour migrer sur 558KHz, une fréquence bien plus claire et dégagée,

Laser Hot Hits reprend la diffusion le 7 décembre 1986. Le navire utilisent des émetteurs jumelés de 25 kW et les tests ont d'abord été concluants avec cette fois un r.o.s. convenable.

La nouvelle aventure va durer moins de temps que le Laser original et sa couverture nocturne est plus pauvre en raison des interférences occasionnées par d’autres stations, c’est de ce fait bien moins clair que sur 558KHz.

Lors d'une tempête en janvier 1987, c’est le ‘’close down’’, car les deux mâts tombent dans la mer du nord et comme vous vous en doutez en tant que radioamateur, on ne peut pas émettre sans antenne.  Puis à Pâques en 1987 Laser Hot Hits met un terme définitif à ses émissions  Les plans de relance du service sont en proie à des irrégularités financières, le navire est pris en charge et finalement une vente partielle est réalisée au profit d’un entrepreneur américain du nom de James Ryan.

Laser est devenue une écoute compulsive. Pas nécessairement pour les générations des sixties, mais pour le public ordinaire des années 80. Bien sûr, comme toutes les nouvelles entreprises, Laser a manqué d'argent et est morte après une vie malheureusement courte. Elle a laissé derrière elle l’héritage de sa propre légende à l’instar de celle des stations de radio pirates des années 1960.

Laser est un exemple, peut-être le dernier de la façon dont le public recherche une radio musicale amusante et irrévérencieuse car la radio musicale commerciale actuelle est tellement ennuyeuse. Elle n’a délibérément plus rien à offrir pour créer ce niveau d’excitation et d’intérêt qui pourrait si facilement engranger tant d’auditeurs et les inciter à rester à l’écoute. L’engouement a de ce fait disparu et il ne sera plus possible d’en créer de nouvelles, car une loi britannique permet à la police d’accoster n’importe quel navire d’émission pirate et détruire tout le matériel à bord où que ce soit dans les mers et océans du monde entier.

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Profil de l'auteur

Guy HENKINET alias ON6GH est né en 1957 et s’intéresse dès son adolescence à la radio et à la musique. Il est fan des radios offshore et visite le MEBO II (bateau d’émission) et les studios à bord de Radio Northsea Int. Il devient par la suite DJ, puis animateur radio sur radio kawa, fm56/SIS, Contact et bien d’autres encore, puis sur une vingtaine de radios en France. Durant la moitié des années 70, il consacre également du temps à réaliser des DX sur la bande des 11 mètres.