
Au milieu des annĂ©es 1980, deux stations de radio pirates qui opĂšrent Ă partir de navires en mer du Nord. Il y a le format retro rock de Radio Caroline pour les nouveaux papys mais il y a de nouveaux enfants dans le quartier, qui sâappellent Laser 558.
Radio Caroline n'a absolument plus aucun X-Factor. Ses prĂ©sentateurs sont Ă ce moment lĂ dans l'ensemble des annonceurs de gare sans vie et ternes. La prĂ©sentation dynamique est quelque chose qui a cessĂ© d'ĂȘtre sacrĂ©e et amusante sur Radio Caroline comme elle lâa pourtant toujours Ă©tĂ© dans les annĂ©es 1960.
L'innovation, la personnalitĂ© et l'individualitĂ© ne sont plus encouragĂ©es, elles sont mal vues. Les prĂ©sentateurs ne sont mĂȘme pas autorisĂ©s Ă mentionner les titres des chansons qu'ils viennent de jouer sur Caroline.
En consĂ©quence, le public n'Ă©coute tout simplement pas. Certes, une banque de quelques milliers de personnes de lâĂ©poque hippie s'accroche et est pourtant heureuse d'Ă©couter tout ce que Caroline diffuse encore comme les chansons de Barclay James Harvest, Led Zeppelin, Cream, Lindisfarne, Eric Clapton et bien dâautres de lâĂ©poque majestueuse, y compris mĂȘme les Ă©missions religieuses Ă©vangĂ©listes ââthe world tomorrowââ qui servent Ă renflouer la station, mais les auditeurs ordinaires ne sont tout simplement pas lĂ . Puis arrive la petite nouvelle sur les ondes câest Laser 558.

Laser 558 est une station de radio pirate offshore lancĂ©e en mai 1984, elle se veut plus convaincante et emploie dâexcellents animateurs radio amĂ©ricains qui provoquent le choc psychologique. La station de haute mer dĂ©bute ses Ă©missions Ă partir dâun navire sous banniĂšre panamĂ©enne enregistrĂ© sous le nom de MV Communicator ancrĂ© Ă proximitĂ© du bateau Ross Revenge de Radio Caroline. Laser 558 a de son cĂŽtĂ© le X-Factor et semble avoir ce cĂŽtĂ© fort et amusant, avec un tout nouvel habillage antenne câest Ă dire les liners et les jingles au son trĂšs moderne.
Laser 558 a immĂ©diatement semblĂ© avoir l'Ă©nergie et l'enthousiasme de la radio pirate des annĂ©es 1960. Elle diffuse une variĂ©tĂ© de titres aux registres musicaux diffĂ©rents qui sâaccordent Ă merveille les uns avec les autres dans une belle atmosphĂšre. Les prĂ©sentateurs semblent s'y amuser.
En quelques mois, le Laser 558 devient ultra populaire partout. Le public est ravi dâĂ©couter et apprĂ©cie vraiment ce quâil entend. Les intros des disques sont cadrĂ©es et la prĂ©sentation est vive, percutante, pertinente et amusante. En un temps record lâaudience des stations de radio commerciales du Royaume-Uni se tasse au profit de la dynamique Laser 558.
En quelques mois, la station a dĂ©jĂ conquis un large public, en raison de son signal HF puissant et de sa programmation musicale rĂ©solument actuelle trĂšs diffĂ©rente de Radio Caroline qui elle continue Ă proposer des extraits dâanciens albums de quoi sĂ©duire les papys. Cependant, l'insuffisance en rentrĂ©es publicitaires pousse Laser 558 Ă lâarrĂȘt.
Tout ça commence par un vendeur de voitures londoniennes et DJ du nom de John Kenning qui a pourtant convaincu Philip Smyth, un riche homme d'affaires irlandais, de financer une station de radio offshore. Kenning recrute Paul Rusling, qui présente le projet à Roy Lindau, qui est impliqué dans Radio Caroline. Lindau est un directeur de marketing pour Major Market Radio,


Il rejoint Laser au milieu de l'année 1983 et est devenu président de sa société de vente, Eurad. Il met un terme à son travail à la fin de 1984 aprÚs quelques désaccords.
Selon certaines informations, le gĂ©ant du tabac, Philip Morris, s'est retirĂ© Ă la suite des pressions des autoritĂ©s europĂ©ennes, bien que leur parrainage des programmes continue nĂ©anmoins d'ĂȘtre annoncĂ©.
Les travaux de conversion du navaire à l'installation de studios et d'émetteurs sont effectués à l'automne 1983 par Paul Rusling à Tracor Marine à Port Everglades, en Floride, et le navire a navigué via les Açores et l'Irlande jusqu'à un mouillage au large de l'estuaire de la Tamise.
Laser a jouĂ© la plus grande partie de sa musique Ă partir de ââcardridgesââ câest Ă dire de cassettes cartouches car la direction amĂ©ricaine a voulu contrĂŽler la diffusion de matĂ©riel.


L'ancien laboratoire de recherche Ă l'arriĂšre du navire a Ă©tĂ© converti en deux studios plus une salle de presse Ă©quipĂ©e par un ordinateur Kaypro 4 et une liaison tĂ©lex avec le bureau de la station Ă New York. Cette liaison a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e initialement par une installation COMSAT sur le pont supĂ©rieur, qui utilisait Inmarsat; elle peut ainsi accĂ©der aux tĂ©lĂ©phones ordinaires, bien qu'Ă 15 dollars la minute, ça revienne assez cher. Câest pourquoi plus tard, le navire utilise une frĂ©quence VHF maritime privĂ©e pour ses communications internes jusqu'Ă une base dans le Kent.
Quant aux Ă©metteurs de diffusion sur les moyennes ondes, il sâagit une paire d'Ă©metteurs CSI de 25 kilowatts AM, construits Ă Boca Raton, en Floride. Habituellement, un seul est utilisĂ© Ă la moitiĂ© de sa puissance, en raison des limitations de puissance causĂ©es par le manque d'accord du r.o.s. Ă l'antenne. Il s'agit d'une antenne « en L » jusqu'au sommet d'un mĂąt avant de 100 pieds de haut, puis Ă travers une construction similaire Ă la poupe du navire.


La couverture est toutefois assez bonne dans la zone dâĂ©mission centrale commercialisĂ©e. Le signal peut ĂȘtre entendu dans de bonnes conditions Ă plus de 225 kilomĂštres dans les terres, câest Ă dire la plus grande partie de l'Angleterre, des Pays-Bas et de la Belgique et une grande partie du nord de la France jusqu'Ă Paris.
La qualité audio est alors bien meilleure que la plupart des autres radiodiffuseurs en mode AM en Europe occidentale, car les équipements mis en place utilisent un large spectre de fréquences audio qui monte jusqu'à 8 kHz, alors que de nombreuses stations au Royaume-Uni peinent à atteindre 4,5 kHz.
L'alimentation du programme a été modifiée par un processeur audio réalisé par Circuit Research Labs of Arizona, tandis que Radio Caroline utilise un processeur Optimod.

La musique y a joué un rÎle prépondérant avec le slogan « jamais à plus d'une minute de la musique ». Cela contraste fortement avec le discours de 50 % imposé à la radio commerciale britannique, et la proportion similaire de discours sur BBC Radio 1.
La publicité est rare sur Laser 558 et la qualité des animateurs américains attirent une vaste audience.
Les recherches de la BBC ont dénombré plus de quatre millions au Royaume-Uni et un nombre similaire sur le continent européen.
Le fait dâutiliser des DJ amĂ©ricains masculins mais aussi fĂ©minins et de revendiquer des offres d'approvisionnement en Espagne, permet Ă Laser 558 de revendiquer des Ă©missions dans la lĂ©galitĂ©. NĂ©anmoins, la surveillance du Royaume-Uni a montrĂ© plus tard que Laser Hot Hits Ă©tait approvisionnĂ© Ă partir du Kent, et les stations britanniques ont fait campagne pour que Laser Hot Hits et Caroline soient dĂ©finitivement supprimĂ©s du paysage radiophonique sous prĂ©texte que ces radios pirates « volaient leurs auditeurs »
Les premiers beaux jours ont été rapidement éclipsés par des soucis techniques avec l'antenne dont certains éléments se sont détachés lors des bourrasques en mer du nord et ont été perdus.
Les Ă©missions de courte durĂ©e sur 729 kHz ont pu ĂȘtre entendues dans plusieurs pays limitrophes, mais malheureusement pas Ă Londres en raison d'un relais Radio 4 qui utilisait une frĂ©quence adjacente soit 720 kHz. La station offshore a alors procĂ©dĂ© Ă un changement technique pour lâĂ©mission depuis deux mĂąts ainsi quâune autre frĂ©quence en bas de bande des moyennes ondes. Câest 558 kHz qui a Ă©tĂ© choisi (câest Ă dire lâancienne frĂ©quence utilisĂ©e par radio Veronica durant les annĂ©es 70) et ce pour le lancement de la station en mai 1984 sous le nom de laser 558.

Le 9 aoĂ»t 1985, le MinistĂšre britannique du commerce et de l'industrie (DTI) a affrĂ©tĂ© le Dioptric Surveyor qui Ă©tĂ© ancrĂ© Ă proximitĂ© pour surveiller Laser et Caroline, pour un coĂ»t dĂ©clarĂ© de 50 000 dollars par mois. Il a Ă©tĂ© remplacĂ© par le plus grand Gardline Tracker en novembre, un navire jumeau du Communicator, qui avait Ă©tĂ© achetĂ© Ă Gardline Shipping Ă Great Yarmouth sous le nom de Gardline Seeker. Les DJs de Laser ont fait rĂ©fĂ©rence au navire DTI, se moquant du navire et du personnel. Ils ont mĂȘme rĂ©alisĂ© un enregistrement parodie "I Spy For The DTI" par le groupe pop ââthe moronic surveyorsââ. Un nouveau terme apparaĂźt « Eurosiege » a Ă©tĂ© inventĂ© par le disc jockey Charlie Wolf. Ă un moment donnĂ© le bateau MV Communicator s'Ă©loigne temporairement du MV Ross Revenge de Radio Caroline mais il sera suivi par la DTI, Cela confirme la thĂšse que câest surtout Laser 558 qui est la cible du DTI,
L'agence de New York MMI n'a pas réussi à assurer la publicité, bien que les agents basés à Londres aient reçu d'importants paiements pour le temps d'antenne sur la station.
La station a attirĂ© une publicitĂ© « payĂ©e pour la diffusion de titres musicaux » de la part des maisons de disques britanniques et nĂ©erlandaises, dĂ©sireuses toutes deux d'avoir des produits qui pourraient ĂȘtre entendus par les 8 ou 9 millions d'auditeurs Ă lâĂ©coute de Laser 558.

En raison du blocus et du manque de fonds, le bateau MV Communicator sâest alors rendu au port, a Ă©tĂ© escortĂ© par Gardline Tracker, oĂč il a Ă©tĂ© saisi par l'AmirautĂ© Marshall au nom de crĂ©anciers, y compris Gardline Surveys qui avait vendu Laser le navire, et Paul Rusling, son premier mĂ©canicien et coordinateur qui s'Ă©tait procurĂ© les Ă©metteurs et le personnel rĂ©munĂ©rĂ© pour le compte du propriĂ©taire.
Le navire a été mis en vente en vente à la vente à l'aveugle et, bien qu'il ait coûté prÚs d'un million de dollars deux ans auparavant, a été vendu pour environ 35 000 dollars. L'opération de surveillance s'est achevée peu aprÚs, le 12 décembre 1985.
Le MV Communicator est malgrĂ© tout de retour dans les eaux internationales Ă la fin de 1986 et, le 1er dĂ©cembre, et câest le dĂ©but des Ă©missions de test sous le nom de Laser Hot Hits sur 576 Khz, Cette frĂ©quence laissĂ©e libre par Radio Caroline. Celle-ci qui profitĂ© de lâaubaine dĂšs le lendemain lors de fermeture de Laser pour migrer sur 558KHz, une frĂ©quence bien plus claire et dĂ©gagĂ©e,
Laser Hot Hits reprend la diffusion le 7 décembre 1986. Le navire utilisent des émetteurs jumelés de 25 kW et les tests ont d'abord été concluants avec cette fois un r.o.s. convenable.
La nouvelle aventure va durer moins de temps que le Laser original et sa couverture nocturne est plus pauvre en raison des interfĂ©rences occasionnĂ©es par dâautres stations, câest de ce fait bien moins clair que sur 558KHz.
Lors d'une tempĂȘte en janvier 1987, câest le ââclose downââ, car les deux mĂąts tombent dans la mer du nord et comme vous vous en doutez en tant que radioamateur, on ne peut pas Ă©mettre sans antenne. Puis Ă PĂąques en 1987 Laser Hot Hits met un terme dĂ©finitif Ă ses Ă©missions Les plans de relance du service sont en proie Ă des irrĂ©gularitĂ©s financiĂšres, le navire est pris en charge et finalement une vente partielle est rĂ©alisĂ©e au profit dâun entrepreneur amĂ©ricain du nom de James Ryan.
Laser est devenue une Ă©coute compulsive. Pas nĂ©cessairement pour les gĂ©nĂ©rations des sixties, mais pour le public ordinaire des annĂ©es 80. Bien sĂ»r, comme toutes les nouvelles entreprises, Laser a manquĂ© d'argent et est morte aprĂšs une vie malheureusement courte. Elle a laissĂ© derriĂšre elle lâhĂ©ritage de sa propre lĂ©gende Ă lâinstar de celle des stations de radio pirates des annĂ©es 1960.

Laser est un exemple, peut-ĂȘtre le dernier de la façon dont le public recherche une radio musicale amusante et irrĂ©vĂ©rencieuse car la radio musicale commerciale actuelle est tellement ennuyeuse. Elle nâa dĂ©libĂ©rĂ©ment plus rien Ă offrir pour crĂ©er ce niveau dâexcitation et dâintĂ©rĂȘt qui pourrait si facilement engranger tant dâauditeurs et les inciter Ă rester Ă lâĂ©coute. Lâengouement a de ce fait disparu et il ne sera plus possible dâen crĂ©er de nouvelles, car une loi britannique permet Ă la police dâaccoster nâimporte quel navire dâĂ©mission pirate et dĂ©truire tout le matĂ©riel Ă bord oĂč que ce soit dans les mers et ocĂ©ans du monde entier.

Guy Henkinet
Guy HENKINET alias ON6GH est nĂ© en 1957 et sâintĂ©resse dĂšs son adolescence Ă la radio et Ă la musique. Il est fan des radios offshore et visite le MEBO II (bateau dâĂ©mission) et les studios Ă bord de Radio Northsea Int. Il devient par la suite DJ, puis animateur radio sur radio kawa, fm56/SIS, Contact et bien dâautres encore, puis sur une vingtaine de radios en France. Durant la moitiĂ© des annĂ©es 70, il consacre Ă©galement du temps Ă rĂ©aliser des DX sur la bande des 11 mĂštres.