jeudi, 31 juillet 2025

SWINGING - RADIO ENGLAND

Guy Henkinet

Deux investisseurs américains nommés MM. Peirson, Danaher et Vick sont à l’initiative d’une double radio pirate, ce qui était alors une première, car ils furent attirés par l'essor de la radio offshore dans les eaux internationales au large des côtes anglaises, deux nouvelles stations furent lancées depuis le navire « Laissez-faire » en juin 1966, à savoir : « Swinging Radio England » sur 227 mètres (1322 kHz) et « Britain Radio » sur 355 mètres soit 854 kHz.

Ce projet fut le premier à disposer de deux émetteurs qui fonctionnaient en même temps et ce à partir du même navire. « Swinging Radio England » qui diffusait de la musique pop à l’instar de Radio Caroline ou BIG-L 266 et la deuxième se nommait « Britain Radio » qui proposait des programmes dits « easy listening ».

Le « Laissez Faire » avait déjà toute une vie derrière lui : il avait été construit en 1944 au « Wheelers Ship Yard » de New York, mesurait 540 tonnes et mesurait 60 mètres de long. Il faisait partie d'une flotte de 100 cargos construits comme navires de ravitaillement pour la marine américaine dans le Pacifique. Après la Seconde Guerre mondiale, il avait navigué sous différents noms, enfin sous le nom de « Olga Patricia » en tant que cargo jusqu'à sa conversion en navire de radiodiffusion à Miami en janvier 1966.

Les initiateurs n’en étaient cependant pas à leurs débuts, car ils avaient auparavant travaillé pour une radio pirate aux programmes très professionnels et adulée du grand public, il s’agissait de Wonderful Radio London, surnommée Big-L,  mais ces deux personnages n’étaient pas satisfaits de la façon dont les choses se passaient là-bas. C'est pourquoi ces messieurs ont décidé de créer leurs propres stations avec le « format » mentionné ci-dessus. La « Swinging » Radio England devait rivaliser avec des noms alors bien établis comme Radio London et Caroline. Britain Radio, « Hallmark of Quality » devait quant à elle concurrencer Radio 390 (dont la prononciation est Radio Three-Nine-O), qui diffusait déjà un format musical similaire.
Désormais rebaptisé « Laissez Faire » et la propriété à « Peir Vick Ltd » le navire jeta l'ancre au large des côtes anglaises à Frinton on Sea. Il était équipé de deux nouveaux émetteurs de 50 kWatt de type 317C de la marque « Continental Electronics ». Pour connecter ces deux émetteurs au même système d’antenne un « diplexeur d’antenne ». Il s’agissait comme le monde radioamateur le sait d’un dispositif de filtrage passif à deux voies pour fréquences radioélectriques (sans recouvrement des bandes passantes) à trois portes, l’une était commune aux deux voies, et les deux autres étaient isolées l’une par rapport à l’autre et terminaient respectivement chacune des voies.

C’était un système techniquement complexe qui devait être correctement réglé pour éviter les interférences mutuelles et les retours. Le Diplexeur était typiquement utilisé comme démultiplexeur. Deux ingénieurs chargés de la gestion technique étaient constamment à bord du MV Laissez Faire.

Pendant longtemps, on a supposé que ce système ne fonctionnerait jamais.  Puis des recherches révélaient que ce qui semblait être deux antennes distinctes étaient en fait un seul système d’antenne.


Martin Kayne on Radio 355

Après quelques ajustements nécessaires pour rendre les émetteurs adaptés à une utilisation en Europe, la station était alors diffusée pour la première fois le 3 mai 1966 : Britain Radio sur 1320 kHz, 227 mètres, Swinging Radio England sur 845 kHz, 355 mètres. Après quelques ajustements, cela devenait 1321kHz et 854 kHz. De plus, Swinging Radio England s’était rapprochée des autres stations pop dans le but de s’attirer de nouveaux auditeurs et il en fut de même pour Britain Radio qui émettait sur une fréquence proche de Radio 390

Un autre problème à résoudre était l'interférence causée par le couplage mutuel des deux émetteurs : Puisque beaucoup de puissance d'un émetteur finissait dans l'autre et vice versa, le diplexeur devait être réajusté à chaque changement de fréquence et des filtres de blocage supplémentaires devaient être installés pour contrer cela. On ne sait toutefois pas si les deux émetteurs fonctionnaient à pleine puissance.

Bien sûr, la mise au point avait pris un temps considérable aux deux techniciens à bord. Quoi qu’il en soit, les 18 et 19 juin 1966, les deux stations commencèrent leurs programmes réguliers. Les premières réactions furent très positives. Il s'avéra cependant plus tard que le projet avait en fait démarré trop tard car à la mi-1966, le gâteau publicitaire de la radio offshore avait déjà été distribué commercialement.

La programmation musicale au format top 40 de Swinging Radio England se distinguait surtout par son habillage séduisant composé de magnifiques jingles et liners et cette station avait son propre style américain rapide avec des mélodies emblématiques. C’était un ton très dynamique et résolument actuel pour l’époque des sixties.

Les DJs étaient bien connus, il s’agissait de ‘’Larry Dean’’ et ‘’Ronn O'Quin’’. Peut-être que tout s’était passé un peu trop vite, mais la station avait de ce fait eu peu de chances de faire ses preuves. Les programmes étaient présentés en direct depuis le navire, alors que certaines stations concurrentes utilisaient des programmes pré-enregistrés sur des magnétos.
L’ensemble du projet ne fut pas un succès financier immédiat. Au contraire, et en particulier « Swinging Radio England » n’avait pas répondu aux attentes après quatre mois. La radio britannique n’avait pas non plus réussi à attirer suffisamment d’auditeurs. Mais elle aurait pu en gagner davantage si on lui avait laissé quelques années supplémentaires, car la qualité des programmes était excellente.

Laissez-Faire en pleine mer

Par la suite, l’attention s’était alors portée sur l’autre côté de la mer du Nord, où « Radio Veronica » était la seule station de radio offshore qui desservait le marché néerlandais, Elle était ancrée au large des côtes de Scheveningen, une station balnéaire située à proximité de La Haye.

L’idée était de créer un espace commercial pour une deuxième station orientée vers les Pays-Bas, et c’est ainsi qu’était née l’idée de « Radio Dolfijn ». Le nom original devait être « Swinging Radio Holland », mais il fut abandonné car le nom « Radio Holland » était déjà utilisé par une grande entreprise de communication maritime. Une programmation légèrement différente de celle de Veronica fut choisie.

Un bureau fut ouvert aux Pays-Bas, et la publicité fut recherchée – la presse y prêta une grande attention – et du personnel fut recruté. Les programmes seraient présentés depuis le navire.

Parmi les personnalités connues figuraient Look Boden, Tom Collins, Paul van Gelder, Lex Harding, John van Doren et Dick Weeda.

Le 14 novembre 1966, les émissions de « Radio Dolfijn Â» à destination des Pays-Bas débutèrent.

Le 28 février 1967, une partie du mat de l'antenne se brisa lors d'une violente tempête. Le navire fut alors remorqué jusqu'à Zaandam et équipé d'un nouveau mât par la ZSM (Zaanse Scheepsbouw Maatschappij).

Entre-temps, les problèmes financiers se bousculaient en coulisses.

Les relations pécuniaires étaient très complexes, en raison du grand nombre de sociétés anonymes constituées dans différents pays. Dans la confusion ainsi créée, diverses demandes d'indemnisation furent transmises.

Néanmoins, un nouveau plan financier fut élaboré et, quelques semaines plus tard, le « Laissez-Faire » retourna à son ancien poste et « Radio Dolfijn » reprit ses ondes, cette fois sous le nom de « Radio 227 ». Le projet était désormais de se concentrer sur une station pop et ce dans l’espoir d’attirer un nouveau public ou le ravir à Radio Veronica.

Radio 227 ne connut pas non plus un véritable succès commercial : le nombre d'auditeurs était inférieur aux attentes et la réception était particulièrement mauvaise le soir. La station partageait en effet la même longueur d'onde que Radio Moscou, qui émettait depuis l'Allemagne de l'Est grâce à un émetteur puissant durant la soirée. Le navire se trouvait dans l'estuaire de la Tamise en raison des émissions en anglais de « Britain Radio/Radio 355 Â», qui en revanche devenaient peu à peu rentables. La réception aurait toutefois été meilleure depuis une position au large des côtes néerlandaises.

Le dimanche 23 juillet 1967, Radio 227 cessa d'émettre. Radio 227 n'était pas rentable et ne semblait pas devoir le devenir de sitôt. De plus, le 14 août 1967, la loi britannique anti-radio pirate allait entrer en vigueur et entraînerait la disparition des revenus de ce secteur. Britain Radio fut rebaptisée le 22 février 1967 : « Radio 355 Â», avec un format similaire dans l’espoir d’attirer davantage d'auditeurs. Mais le 5 août 1967, les émissions cessèrent suite à cette loi promulguée en Grande Bretagne qui interdisait à quiconque de placer de la publicité ou d’aider à approvisionner les navires depuis leurs côtes. Les propriétaires américains essuyèrent en conséquence de fortes pertes et mirent fin au projet. Ce fut, semble-t-il, l'un des plus gros revers financiers de l'ère de la radio offshore des années 1960.

Le « Laissez Faire » quittait par la suite le port de Flessingue en Zélande le 19 août pour le démontage du mat et de l'antenne, puis regagnait Miami, où son aventure radio offshore avait commencé près de deux ans plus tôt.

Les versions divergent quant à son sort, mais il semble qu'il ait encore pu naviguer pendant un certain temps.

Quelques photos d'époque

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Profil de l'auteur

Guy HENKINET alias ON6GH est né en 1957 et s’intéresse dès son adolescence à la radio et à la musique. Il est fan des radios offshore et visite le MEBO II (bateau d’émission) et les studios à bord de Radio Northsea Int. Il devient par la suite DJ, puis animateur radio sur radio kawa, fm56/SIS, Contact et bien d’autres encore, puis sur une vingtaine de radios en France. Durant la moitié des années 70, il consacre également du temps à réaliser des DX sur la bande des 11 mètres.