La 5G : progrès ou innovation ?

Introduction :

Qu’est-ce que la 5G ?

Il s’agit de la 5e génération des standards pour la téléphonie mobile.

Non, cet article n’a pas pour but de dire s’il faut être pour ou contre la 5G.

Pour aborder ce sujet, nous allons adopter une approche complètement différente de celle qui régit habituellement un article technique. L’idée nous est venue en écoutant, sur le sujet de la 5G, une interview d’Étienne Klein, né à Paris le 1er avril 1958, physicien et philosophe des sciences, directeur de recherche au CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique et aux énergies alternatives). Ce scientifique dirige le laboratoire de recherche sur les sciences de la matière et consacre une large part de sa vie à la vulgarisation de la physique contemporaine, en particulier sur la physique quantique et la physique des particules.

Ainsi, dans ce qui suit et dans cette très longue introduction sur le sujet de la 5G, vous trouverez une nouvelle manière de penser, une nouvelle manière de réfléchir, ou tout simplement aiguiser votre regard critique avec discernement. La 5G, c’est de la science, de la connaissance, du savoir, du savoir-faire et de la technologie, et il ne s’agit pas de croyances, d’intuitions, de préjugés, d’opinions, ou de choses que l’on a entendues en choisissant que ces choses soient vraies ou fausses selon la personne ou le type de personne qui a dit ces choses.

On est peu habitué au langage d’un scientifique et philosophe des sciences. Pourtant, cela vaut la peine de recevoir les enseignements d’Étienne Klein lorsqu’il explique dans ses conférences le concept d’une expérience de la pensée, comme l’a fait Galilée pour trouver que tous les corps (objets) tombent à la même vitesse alors que l’expérimentation montre le contraire. Il en est de même en ce qui concerne Albert Einstein lorsqu’il a découvert la relativité, la notion de l’espace-temps et la célèbre formule E = mc² : ces découvertes trouvent leur origine dans plusieurs expériences de la pensée qui sont nées uniquement dans la tête d’Albert Einstein.

Etienne Klein explique qu’il y a lieu de penser, en sciences et en physique, contre son cerveau, car la physique explique le réel par l’impossible ; par exemple Galilée et Einstein ont trouvé des lois de la physique qui expliquent parfaitement le comportement réel de la nature alors que les observations démontrent que ces lois sont « impossibles ». En effet, qui pourrait croire que sur terre, un marteau et une plume tombent à la même vitesse ? Pourtant Galilée a démontré que c’est bel et bien le cas dans le vide à telle enseigne que lors de la mission Apollo 15, le cosmonaute David Scott a réalisé la même expérience à la surface de la lune en 1971, montrant ainsi que marteau et la plume lâchée simultanément arrivent en même temps sur le sol de la lune. Galilée avait raison : la gravité agit de façon égale sur tous les corps, quelle que soit leur masse, y compris sur terre ; en revanche sur la terre, il faut tenir compte d’une deuxième loi de la physique, c’est-à-dire la résistance de frottement qu’exerce l’atmosphère sur les corps qui sont en mouvement dans cette atmosphère.

Dans une conférence d’Étienne Klein à la Sorbonne le 2 octobre 2020 et intitulée « Le goût du vrai », il explique ceci :

« Faire de la science est donc d’accepter de soumettre votre cerveau à des arguments, des énoncés, des résultats, des théories qui viennent percuter et contredire ce que votre cerveau pense spontanément par le biais d’intuitions, de préjugés, de choses que l’on a entendues, de régularités qui nous semblent évidentes. L’expression “se forger une opinion” prend ainsi tout son sens ; c’est un travail de forgeron : vous avez votre tête, vous sortez votre cerveau de votre tête, vous le posez sur l’enclume, et ce cerveau qui a déjà des idées, des intuitions, des préjugés, vous allez le matraquer à coups de marteau en lui balançant des arguments qui pourraient changer votre façon de penser. Une fois que vous avez fait ce travail de matraquage, vous regardez ce que votre cerveau pense et, s’il est sérieux, les choses que vous lui avez dites dans ce matraquage doivent avoir modifié sa façon de penser. Autrement dit, quelle que soit la discipline scientifique que vous choisissez, la science elle va percuter, contredire votre intuition, votre bon sens, et c’est cela qui précisément est intéressant. Comment, après cela, critiquer la science et le discours des scientifiques en invoquant le bon sens en oubliant que toute la science, depuis Galilée, s’est construite contre le bon sens, et donc ce n’est pas l’invocation du bon sens qui suffit par elle-même à critiquer le discours des scientifiques. Je ne dis pas que le bon sens ne soit pas utile. Dans la vie de tous les jours, quiconque n’a pas un peu de bon sens à une durée de vie très limitée. Donc le bon sens pour vivre, pour s’adapter à l’environnement, c’est très précieux. Mais pour juger de ce qu’il en est de la vérité dans les analyses des scientifiques, non !  […]  Il ne faut pas confondre une corrélation et une relation de cause à effet, car on confond corrélation et causalité. Pour le dire autrement, cela n’est pas parce qu’il y a des grenouilles après la pluie que vous avez le droit de dire qu’il a plu des grenouilles ».

Étienne Klein débusque aussi certains biais cognitifs qui sont enracinés dans notre société à l’époque que nous vivons. Pour cela, il emploie de très beaux mots aux étymologies venant entre autres du latin. Je vous en cite trois, ces mots peuvent vous paraître pédants, mais ces mots veulent bien dire ce qu’ils veulent dire quand on prend la peine d’apprendre leur signification. 
1er mot : l’ultracrépidarianisme, c’est-à-dire l’art de parler de ce qu’on ne connaît pas ;  il s’agit d’un comportement qui consiste à donner son avis sur des sujets à propos desquels on n’a pas de compétences crédibles ou démontrées.  Pour illustrer ce propos, vous reconnaîtrez l’ultracrépidaranisme hors catégorie d’un certain président [D*** T***] qui proclame le 24 avril 2020 que l’on peut résoudre la pandémie du covid ‑19 due au coronavirus en respirant des vapeurs d’alcool et en utilisant de l’eau de javel. 
2e mot : l’effet Dunning-Kruger : il s’agit d’un effet de sur confiance selon lequel les moins qualifiés dans un domaine surestiment leur compétence. Pour illustrer ce propos, Coluche disait que pour savoir qu’on est con, il faut être intelligent. En d’autres mots, pour savoir que l’on est incompétent, il faut être compétent. 
3e mot : l’ipsedixitisme ; il s’agit de croire vraie une assertion non fondée, parce qu’on l’a entendu dire par quelqu’un en qui on a confiance. En d’autres mots, on proclame : « Je l’ai entendu dire par quelqu’un ou telle personne, donc c’est vrai » ou bien « Je l’ai lu quelque part, donc c’est vrai » ou encore « J’ai un ami qui me l’a dit, c’est donc vrai ».

Ainsi, un scientifique qui est compétent dans son domaine de connaissances a le droit de dire « Je ne sais pas » lorsqu’il sait pertinemment bien qu’aucun scientifique ne peut prétendre savoir la réponse à une question, ce qui est la preuve que les scientifiques effectuent des recherches. Un scientifique compétent a donc la conscience de son incompétence lorsqu’il dit « Je ne sais pas », mais ce discours n’est pas attractif pour la société. On préfère boire les paroles de ceux qui affirment des choses avec assurance et avec aplomb. Étienne Klein explique qu’il ne faut pas confondre la science avec la recherche scientifique. La science est ce que l’on connaît et qui est avéré : la terre est ronde, l’atome existe, le boson de Higgs existe, l’univers est en expansion, les êtres vivants suivent une évolution. La recherche scientifique traite de ce que les scientifiques ne connaissent pas ou pas encore. Voici quelques exemples. Qu’est-ce que la matière noire ?  Qu’est-ce que l’énergie noire ?  On ne sait pas encore. Est-ce que le neutrino est une particule qui est identique à son antiparticule ?  On ne sait pas. Au début de l’année 2020, au tout début de la pandémie du coronavirus, est-ce qu’un tel médicament guérit l’être humain du covid ‑19 ? Les scientifiques ne savent pas et c’est pour cela qu’ils cherchent. Va-t-on trouver un vaccin, celui-ci sera-t-il efficace ?  On ne sait pas, mais les scientifiques font des recherches pour le trouver et effectuent des tests pour arriver à prouver si tel vaccin est efficace.

Quelques réflexions sur la 5G

Voici la retranscription de quelques réflexions d’Étienne Klein à propos de la 5G lors de son interview sur LCI (La Chaîne Info) dans l’émission « Langlet déchiffre » du 20 septembre 2020. Cette interview est animée par François Langlet qui est un journaliste français.

Fig. 1 : Interview du physicien et philosophe des sciences Étienne Klein par le journaliste François Langlet sur LCI le 20.09.2020.  Source Youtube.

Remarque : les propos contenus dans cette interview retranscrite ci-dessous n’engagent que leurs auteurs. Cet article technique n’a pas pour but d’amplifier la moindre controverse au sujet de l’implantation et de l’utilisation des techniques radiofréquences de la 5G dans quelle région que ce soit ici en Belgique.  Toutefois, le lecteur pourra apprécier certains éclaircissements apportés dans cette interview sur la manière d’aborder la 5G dans notre monde et à notre époque, cela en observant attentivement ce qui se passe dans le pays de nos amis de France. La 5G est-elle donc un progrès ou une innovation ?

François Langlet : « Cette semaine, c’était la controverse sur la 5G, le téléphone du futur, qui a pris de l’ampleur avec une tribune signée par plusieurs dizaines de personnalités, d’élus qui demandent un moratoire sur la 5G, c’est-à-dire qu’on temporise, au fond qu’on arrête la mise aux enchères des fréquences, qui devrait avoir lieu dans les mois qui viennent, notamment au nom du principe de précaution. Le président Emmanuel Macron leur a répondu. On l’écoute.

Emmanuel Macron : “Évidemment on va passer à la 5G !  Je vais être très clair. La France, c’est le pays des lumières, c’est le pays de l’innovation, et beaucoup des défis que nous avons sur tous les secteurs se relèveront par l’innovation. Et donc on va expliquer, débattre, lever le doute, tordre le cou à toutes les fausses idées. Mais oui, la France va prendre le tournant de la 5G parce que c’est le tournant de l’innovation. Et j’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile. Je ne crois pas au modèle Amish (1). Et je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine”.

(1) Les Amish forment une communauté religieuse chrétienne fondée par Jakob Amman en 1693 et sont connus pour mener une vie simple et austère en se tenant à l’écart du progrès et des influences du monde extérieur.

François Langlet : « Il a raison, Emmanuel Macron, de pourfendre le modèle Amish ? »

Étienne Klein : “Bon, on ne peut pas revenir au modèle de la lampe à l’huile, car il n’y a plus assez de baleines pour fournir l’huile. Maintenant je me souviens du temps où il y avait la 2G, on utilisait la 2G pour diffuser des articles qui alertaient sur les dangers de la 3G.  Ensuite on utilisait la 3G pour diffuser des vidéos qui alertaient sur les dangers de la 4G.  Aujourd’hui il y a des vidéos qui circulent sur la 4G qui alertent sur les dangers de la 5G.  Donc, plus sérieusement, il s’agit plutôt de positions qui sont caricaturales et il faut essayer d’abord de dire ce que c’est la 5G. Moi, ce qui m’étonne, c’est qu’il y a une sorte de dé-corrélation presque totale entre la militance et l’incompétence. C’est-à-dire que l’on a un avis sur la 5G, pour ou contre, de même qu’on a un avis sur les OGM, pour ou contre, ou sur le nucléaire, sans être toujours capable de dire de quoi l’on parle. Et moi, c’est quelque chose qui me fascine dans une république, que le fait d’être militant ne pousse pas à accroître ses compétences. Comme si la 5G était jugée uniquement à partir de son halo symbolique, ce qu’elle représente, une espèce d’innovation colossale, de gap dans la capacité à transmettre des données. Mais c’est le halo symbolique qui est jugé, politiquement, et non pas la réalité de la chose qui est là concerné. Et d’autre part on parle d’innovation, il faut voir, et cela a été montré par un de mes collègues de l’académie des technologies, qui s’appelle Gérald Bronner, avec un logiciel il a compté les occurrences des mots dans les discours publics, et le mot « progrès » a disparu. Il a commencé à décroître à la fin des années 1980 et il a été remplacé petit à petit par le mot “innovation” et on pourrait dire finalement que c’est la même chose, que ces deux mots sont quasiment synonymes, on a permuté de vocable, mais l’idée est la même. En fait, non. Quand on regarde les rhétoriques dans lesquelles on a inséré ces deux mots, on voit que l’idée d’innovation ne rend pas justice à l’idée de progrès. Pourquoi ? Parce que l’idée de progrès s’appuie sur l’idée d’un temps qui passe, qui est constructeur, qui est complice de notre liberté et de notre volonté, et qui suppose que le futur est configuré à l’avance d’une façon qui est attractive et crédible. Crédible parce que ce n’est pas l’utopie et attractive parce que le progrès — comme le dit Kant — c’est une idée qui est à la fois consolante, parce que nos descendants vivront mieux que nous, et sacrificielle, parce que le progrès n’étant pas automatique, il faut sacrifier le temps présent au nom d’une certaine idée du futur. Autrement dit, l’idée de progrès suppose une philosophie de l’histoire. L’innovation, la rhétorique dans laquelle on l’insert, et d’ailleurs le président Macron l’a reprise à son compte, il dit “il y a des défis”, et donc c’est l’état critique du présent qui sert à justifier l’innovation. Il n’y a plus besoin de configuration du futur. C’est l’état critique du présent qui sert d’argument pour innover, avec l’idée que si on n’innove pas, on va disparaître, et donc l’innovation, paradoxalement, est associée à un principe de conservation : il faut changer certaines choses pour que notre monde continue”.

François Langlet : « Toutes ces critiques se basent sur le principe de précaution, qui a été introduit, on s’en souvient, par Jacques Chirac dans la constitution. Ce principe de précaution, qu’est-ce que vous en pensez ?  Pardon, la question, c’est une question de citoyen, mais on se dit : si le principe de précaution avait été en vigueur à l’époque de Marie Curie, elle n’aurait pas fait ses expériences ; ou je me trompe ? »

Étienne Klein : « Il y a dans le principe de précaution, dit dans la constitution que, si une nouvelle technologie, par exemple, dont les effets sont mal connus, on doit entamer des recherches pour essayer de réduire les incertitudes. Donc c’est un principe qui pousse à faire des recherches. Oui, mais l’usage médiatique de ce principe n’est pas de réduire les dangers, mais de réduire, disons, les inquiétudes, l’anxiété. Or les mesures qu’on prend pour réduire l’anxiété ne sont pas les mêmes que celles qu’on prend pour réduire les dangers. Et donc c’est ça qui crée, si vous voulez, l’ambivalence. Et d’autre part, puisque vous parlez de risques, en fait il y a un sociologue anglais qui s’appelle David Flemming qui a montré qu’on a un principe inverse d’évaluation des risques. Autrement dit pour que nous considérions qu’un risque est un risque, il faut que nous soyons capables d’imaginer des techniques, des mesures qui permettent de le réduire. S’il ne peut pas être réduit, c’est que ce n’est pas un risque, une sorte de fatalité et, du coup, on pouvait se dire : mais si la 5G présente des risques sanitaires, cela ne semble pas être le cas, mais il faut le démontrer, bien, supprimons-la, et les risques qui lui sont associés seront eux aussi supprimés. Sauf que, vous voyez, dans ce genre d’affaires, nous sommes beaucoup plus prompts à vouloir les risques qui sont liés à nos actions, que les risques qui sont liés à nos inactions. Et cela conduit, dans beaucoup de situations, à une sorte de procrastination, de blocages, on retarde. Un moratoire pour des questions sanitaires, cela se justifie, mais un moratoire pour quoi ? C’est-à-dire qu’il faut bien sûr qu’il y ait un débat au parlement, mais on n’a pas réussi, en tout cas en France, à mettre sur pieds, alors c’est ce que j’appellerais, mais c’est un terme horrible, une ingénierie sociale qui permette de voir comment on pourrait organiser des débats qui soient à la fois démocratiques et qui laissent sa place légitime à la compétence ».

François Langlet : « Alors on va venir à la conférence citoyenne tout à l’heure. Juste un mot, quand même ; vous évoquiez le progrès, le fait que ce vocable disparaît du discours public. Selon vous, qui avez justement étudié ça dans l’histoire, qui avez un certain recul, c’est quoi ?  C’est une éclipse temporaire comme le monde en a connu dans les périodes d’inquiétude, l’entre-deux-guerres, la fin du XIXe ? Ou bien est-ce que c’est quelque chose avec quoi on va devoir vivre longtemps ? »

Étienne Klein : “Mais disons que, la philosophie des lumières qui a fondé l’idée de progrès, elle comporte certaines naïvetés qui ont été dénoncées par la suite de l’histoire. Si vous lisez Condorcet, par exemple, il imagine qu’il y a un embrayage automatique entre toutes les formes de progrès : scientifiques, technologiques, matérielles, morales, politiques. Brefs, les embrayages ne sont pas aussi automatiques, cela ne marche pas aussi bien. Ensuite, il y a le XXe siècle qui nous a déniaisés sur certaines questions : la science s’est mise au service de la barbarie. Mais, à mon avis, le fait principal qui a conduit à ce qu’on élimine ce mot de notre vocabulaire, c’est le fait que le futur n’est plus configuré.  J’ai dit tout à l’heure que pour asseoir l’idée de progrès, il faut configurer le futur d’une façon crédible et attractive. Et bien, quand les scientifiques, je ne parle pas des scientifiques qui parlent des trous noirs ou des particules élémentaires, qui eux continuent de nous faire rêver, je parle des scientifiques qui parlent, qui étudient l’environnement, le climat, la déforestation, la pollution de l’air, des eaux, tout ce qu’ils prédisent, ce n’est pas du tout rigollot. Autrement dit, quand un discours est crédible, il n’est pas attractif, et quand il est attractif, il n’est pas crédible. Vous voyez que l’idée de progrès est prise en porte à faux, et du coup, le risque aussi devient problématique. Souvenez-vous, enfin vous n’étiez pas né, moi non plus, mais en 1842, je crois, il y a eu le premier accident de chemin de fer en France entre Paris et Meudon ; 52 morts ; tous les passagers carbonisés. Débat dans la presse : Lamartine, qui est député, monte à la chambre, clos l’affaire, par un discours que vous pouvez trouver sur Internet et qui conclut en disant : « plaignons-les » — il parle des victimes — “plaignons-nous, car nous sommes en deuil, mais marchons !”. Autrement dit, ce n’est pas un accident, aussi grave soit-il, qui va entraver la marche du progrès. Aujourd’hui, un député qui dirait ce genre de discours à l’assemblée, il est massacré. Voilà”.

Après un tel discours d’un scientifique et philosophe des sciences, un radioamateur peut se forger une idée sur la 5G grâce à ses compétences scientifiques dans le domaine des ondes électromagnétiques radiofréquences. Les connaissances acquises par les radioamateurs leur permettent de faire une analyse correcte sur la 5G et de construire un raisonnement objectif basé sur des arguments scientifiques avérés.

Dans la suite de cet article, je vous propose quelques réflexions qui s’appuient sur ce que les radioamateurs connaissent et maîtrisent.

Quelques réflexions sur le rayonnement électromagnétique

La lumière est un rayonnement électromagnétique à très haute fréquence située au-delà des micro-ondes. Le rayonnement électromagnétique est un transporteur d’énergie Nous recevons de la journée et en permanence le rayonnement électromagnétique de la lumière du soleil depuis que l’homme est apparu sur terre.

Le rayonnement électromagnétique de la lumière du soleil a-t-il été nuisible pour l’homme depuis tout ce temps et a-t-il entravé l’évolution des espèces vivantes ?  Non.

Faut-il se protéger des rayons du soleil, en particulier des ultraviolets, pour ne pas attraper des coups de soleil ? Oui.

Peut-on attraper un coup de soleil par temps très nuageux ?  Peut-on attraper un coup de soleil lors d’une exposition d’une durée raisonnable par temps clair ?  Non. Pourquoi ?

Le rayonnement du soleil est très puissant, c’est-à-dire hautement énergétique. L’irradiation solaire à l’extérieure de l’atmosphère est de l’ordre de 1370 [W/m²], c’est-à-dire de 1370 [J/s m²]. Une partie de cette énergie est reflétée par l’extérieure de l’atmosphère et une partie est absorbée dans l’épaisseur de celle-ci (100 km). À la surface de la Terre, l’énergie solaire est de 1000 [W/m²] par temps clair. Par temps peu nuageux, cette énergie est de l’ordre de 500 [W/m²] et par temps relativement nuageux de 250 [W/m²].

L’énergie d’un rayonnement électromagnétique est fonction de sa fréquence ; l’énergie électromagnétique rayonnée par le soleil est fonction du spectre solaire.
5G
L’énergie totale qui irradie un corps est fonction de la puissance du rayonnement et du temps d’exposition.
5G

Qu’advient-il du rayonnement électromagnétique lorsqu’il se situe dans le domaine des radiofréquences et des micro-ondes et que celui-ci rencontre des tissus biologiques, c’est-à-dire des tissus vivants ?

Le rayonnement électromagnétique et l’énergie qu’il transporte se propagent en ligne droite, sont en partie réfléchis et en partie absorbés par les tissus qu’il traverse et pénètrent jusqu’à une certaine profondeur qui est variable selon leur absorption. L’absorption correspond à la déperdition d’une partie de l’énergie incidente à laquelle un tissu est exposé. Au-delà de la surface d’un tissu, le rayonnement continue à pénétrer celui-ci tout en s’appauvrissant de plus en plus en énergie au fur et à mesure qu’il traverse de nouveaux tissus et cela jusqu’à la profondeur à laquelle toute l’énergie transportée a été absorbée.

L’énergie absorbée est transformée et s’exprime sous d’autres formes : calorifique, chimique, électrique, etc., tout en respectant le principe immuable de la conservation de l’énergie, principe découvert par Albert Einstein.

La profondeur de pénétration d’un rayonnement électromagnétique dans un tissu biologique est directement liée à l’absorption de celui-ci qui est fonction de trois paramètres principaux : la nature des tissus irradiés, leur homogénéité ou hétérogénéité et les caractéristiques du rayonnement électromagnétique, en particulier sa puissance et sa fréquence.

Plus la puissance d’émission d’un rayonnement électromagnétique est élevée et plus les tissus biologiques absorbent de l’énergie, plus leur température augmente, mais la profondeur de pénétration n’est pas affectée. Plus la fréquence est élevée et plus le rayonnement est énergétique, plus facilement il est absorbé et moins il est pénétrant. C’est ainsi que le rayonnement infrarouge et ultraviolet est plus énergétique, mais moins pénétrant que les ondes courtes.

En matière de radioprotection, on définit un taux d’absorption spécifique (SAR) variable en fréquence. Le SAR (Specific Absoption Rate) est lié à la caractéristique diélectrique des tissus (quantité et état de l’eau dans les tissus), à la profondeur de pénétration de l’onde et à la forme et aux dimensions du milieu. Les normes d’exposition sont étroitement dépendantes du SAR. Les dimensions du milieu interviennent du fait que les longueurs d’onde métriques et centimétriques sont peu différentes des dimensions humaines. Au niveau moléculaire, les énergies d’activation associées à ces rayonnements en micro-ondes restent très inférieures aux énergies de liaison moléculaire les plus faibles.

Le passage d’une onde électromagnétique d’un milieu à un autre est caractérisé par un coefficient de réflexion. Ceci explique la fraction de la puissance réfléchie sur l’interface entre les deux milieux. Cela devrait être parlant pour un radioamateur qui maîtrise les concepts d’onde incidente, d’onde réfléchie et du rapport d’onde stationnaire qui est dû à une désadaptation d’impédance entre une source et une charge. Si l’on passe d’un milieu peu absorbant (air de l’atmosphère) à un milieu qui présente de fortes pertes diélectriques (la peau et son contenu en eau), une fraction importante de la puissance incidente est réfléchie.

Pour les fréquences comprises entre 100 MHz et 10 GHz, une fraction de 50 % à 70 % de la puissance incidente est réfléchie par la peau. La fraction restante est transmise dans le tissu et va se propager avec une atténuation plus ou moins rapide selon les pertes diélectriques du tissu. La profondeur de pénétration est essentiellement fonction de la teneur en eau des tissus. Pour un tissu relativement hydraté comme celui des muscles, la profondeur varie de 4 cm à 100 MHz jusqu’à 0,2 cm à 10 GHz. Aux fréquences des micro-ondes, c’est-à-dire entre 10 GHz et 100 GHz, la pénétration est très limitée (pratiquement à une valeur inférieure à celle de l’épaisseur de la peau). Dans ce cas, les organes internes du corps humain sont efficacement protégés.

La capacité d’absorption d’un milieu considéré globalement, tel que le corps humain, lorsque sa dimension approche la longueur d’onde du rayonnement électromagnétique, cette capacité d’absorption se complexifie et est caractérisée par un paramètre désigné par SAR (Specific Absoption Rate).
5G

Il est à remarquer que les fréquences de la 5G ont des longueurs d’onde bien inférieures à celle de la taille d’un être humain.

Pour de plus amples informations à ce sujet, je vous recommande les publications suivantes :
« Radio Frequency Electromagnetic Exposure » : Tutorial Review on Experimental dosimetry » ; C.K. Chou, H. Bassen, J. Osepchuk, Q. Balzano, R. Petersen, M. Meltz, R. Cleveland, J.C. Lin and L. Heynick.
« Radiofrequency Radiation Dosimetry Handbook » ; Carl H. Durney, Habib Massoudi, Maggy F. Iskander.

Bien d’autres publications peuvent vous informer sur ce sujet.

Antennes et ondes radio

Il faut se représenter que la puissance des rayonnements électromagnétiques issus des technologies des téléphones mobiles, soit bien inférieurs à celle du rayonnement électromagnétique en provenance du soleil, et aussi de puissance bien inférieure à celle des grosses stations de radiodiffusion ou de télévision. L’intensité des champs électromagnétiques pour les technologies de la téléphonie mobile fait l’objet de normes.

Il faut aussi se rappeler que les ondes électromagnétiques s’atténuent selon le carré de la distance et que les antennes ont un diagramme de rayonnement dans le plan de l’élévation. Que donc penser d’une mesure de champ électromagnétique aux abords d’une antenne fixe 5G lorsqu’on effectue des mesures de champ sur le toit de l’immeuble où l’antenne est placée et là où il n’y a jamais personne à proximité directe de cette antenne ? Cette mesure n’est donc pas représentative de l’intensité réelle du champ électromagnétique là où se trouvent les utilisateurs de cette technologie et qui se tiennent à une grande distance de l’antenne émettrice fixe.

Que penser de la proximité directe d’un smartphone 5G par rapport au corps humain ?

La puissance d’un smartphone 5G est limitée, tout comme l’est celle des appareils des générations antérieures. Cette puissance fait aussi l’objet de normes. Faut-il craindre l’ouverture des télécommunications 5G sur les bandes de fréquences millimétriques alors qu’à ces fréquences, la profondeur de pénétration des ondes électromagnétiques ne dépasse pas l’épaisseur de la peau d’un corps humain ?

Réflexions sur le temps d’exposition aux ondes électromagnétiques

Le champ électromagnétique d’une antenne fixe émettrice est permanent, mais il est atténué selon le carré de la distance. Ce champ est donc de faible intensité là où se trouve l’utilisateur : il correspond à un niveau juste nécessaire par rapport au seuil de sensibilité de la partie réceptrice mobile. En revanche, l’antenne émettrice mobile du smartphone 5G est à proximité directe du corps humain, mais le signal émetteur n’est pas permanent. Le rayonnement électromagnétique du téléphone mobile devient permanent lors de l’utilisation de celui-ci pendant une communication. La durée d’une communication est d’une durée limitée sauf si vous êtes en conversation téléphonique pendant toute la journée sans interruption, ce qui est rarement le cas. Rappelez-vous la comparaison avec le temps d’exposition au soleil en été par temps clair : une exposition prolongée provoque des coups de soleil. Toute comparaison a ses limites : le soleil émet un rayonnement puissant et un smartphone 5G a une puissance limitée. Il y a donc moyen de gérer le temps d’exposition au rayonnement proche en gérant la durée des conversations téléphoniques. Il y a aussi moyen de gérer la distance entre un smartphone et le cerveau en utilisant un écouteur et en déposant le téléphone mobile sur un bureau ou dans la poche d’un vêtement. Il y a aussi moyen d’utiliser un kit mains libres à bord d’un véhicule automobile, ce qui est obligatoire.

Conclusion

L’utilisation de la téléphonie 5G peut constituer un progrès dans une société qui se projette dans l’avenir et qui est capable de configurer le futur d’une manière attractive et crédible. La technologie 5G constitue une innovation, car elle offre un canal de télécommunication à grand débit de données sans précédent.

Les radioamateurs maîtrisent les concepts scientifiques qui régissent les ondes électromagnétiques radiofréquences ; cela fait l’objet d’examens pour obtenir leur licence et donc ce domaine fait partie de leur compétence. Un radioamateur peut ainsi, en connaissance de cause, faire le tri des informations qu’il reçoit au sujet de la 5G en éliminant les idées fausses et les fake-news.
Vignette : https://www.piqsels.com/fr

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