mercredi, avril 2

Le diplĂŽme WAC (Worked all Continents)

Samedi et dimanche sont souvent propices à la réalisation de bons contacts.
Quand bien mĂȘme je maĂźtrise la CW et suis polyglotte, j'apprĂ©cie Ă©normĂ©ment les modes digitaux. Samedi 7 dĂ©cembre, j'ai contactĂ©, sans m'en rendre compte les 6 continents sur 24 MHz en mode FT8. J'apprĂ©cie cette bande, propagation excellente toute la journĂ©e.

Asie: BG5IZL OL77

Océanie: VK8AW: PH57

Europe: TF1EIN HP94

Amérique du Nord: AA7A DM43

Amérique du Sud: PY2EBD GG67

Afrique: ZS4JAN KG30

Ces contacts furent réalisés en moins de deux heures de temps.
Voici oĂč je veux en venir : contacter les 6 continents aux dĂ©buts du radioamateurisme s'avĂ©rait extrĂȘmement compliquĂ©, un vĂ©ritable casse-tĂȘte pour les pionniers des annĂ©es 20.
En 1926, l'A.R.R.L. créa le premier diplÎme radio amateur, le diplÎme "WAC".
'W.A.C.’, ainsi appelĂ© par abrĂ©viation de l’expression anglo-saxonne « Worked All Continents », fut Ă  l’origine un club crĂ©e par l’A.R.R.L. en 1926.
Ce club et le diplĂŽme qu’il dĂ©cernait, sont annoncĂ©s pour la premiĂšre fois dans les colonnes du magazine ‘QST’ d’avril 1926 (p.54) sous le titre « A new international brass pounder’s club ».
Le diplĂŽme ‘W.A.C.’, la plus haute distinction pour un radioamateur de l’époque, Ă©tait attribuĂ© sur demande aux stations ayant rĂ©alisĂ© une liaison bilatĂ©rale avec des stations des 6 continents. Les cartes QSL, preuves confirmant ces contacts, devaient ĂȘtre envoyĂ©es Ă  l’A.R.R.L. Elles Ă©taient retournĂ©es, accompagnĂ©es du prestigieux certificat lorsque la demande Ă©tait approuvĂ©e.

Le premier certificat, reproduit dans le ‘QST’ de Juin 1926 (p.54), fut attribuĂ© le 13 avril 1926 Ă  U6OI, Brandon Wentworth. La station 6OI (Stanford University, CA) est dĂ©crite dans le QST de juillet 1926. (pp. 42-43)
La mention suivante ornait les certificats obtenus pour les 6 continents contactés en CW :

« This certificate of proficiency in the art of Short Wave Radio Telegraphy has been given to the owner of this station in recognition of his splendid amateur work, after records of said station owner have been carefully verified. » (WAC CW d’ON4US datĂ© du 22 octobre 1929, collection personnelle)

Une liste des titulaires Ă©tait publiĂ©e rĂ©guliĂšrement dans ‘QST’, un rĂ©capitulatif paraissant annuellement. Pas moins de 35 stations obtinrent le certificat la premiĂšre annĂ©e de son existence, dont 2 Belges de Verviers.
Les statistiques publiĂ©es ci-dessous sont extraites du ‘QSO’ de mai 1935 (p.82), reprises intĂ©gralement de la revue autrichienne ‘OEM’ de Mars 1935 (pp.12-14). Ces tableaux, rigoureusement exacts, ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s sur base des donnĂ©es parues annuellement dans le ‘QST’.
Les donnĂ©es sont classĂ©es par continent (A), par pays europĂ©ens (B) et enfin (C), l’identitĂ© des amateurs europĂ©ens qui ont obtenu en premier le diplĂŽme dans leur pays respectif.

Jusqu’en 1930, les certificats W.A.C. furent gĂ©rĂ©s par l’A.R.R.L. A partir du 1er fĂ©vrier 1930, sur proposition par ailleurs de Mr. Paul De Neck, PrĂ©sident du RĂ©seau Belge, l’I.A.R.U. et ses diffĂ©rentes sections furent chargĂ©es de vĂ©rifier les cartes QSL et d’attribuer les certificats W.A.C.
AdhĂ©sion obligatoire Ă  l’A.R.R.L. et envoi fastidieux des cartes aux Etats-Unis n’étaient plus de rigueur.
Ce changement majeur, qui eut comme conséquence directe une forte augmentation du nombre des W.A.C. européens dÚs 1930, est mentionné à plusieurs reprises.

« There are many who think that it is a little unfair to require League membership of the applicant for a certificate. We have given this matter considerable thought, and are now proposing an alternative scheme for W.A.C. certificates in the future. Briefly, it is that W.A.C. should rightly be an affair of the I.A.R.U. It has been an A.R.R.L. proposition so far, simply because the League started it. » (QST, novembre 1929, p.44)
« On February 1st, the Union actually took over the issuance of all future WAC certificates, as well as the records and supplies kept up to that time by the A.R.R.L.(
) A.R.R.L. membership is now no longer a requirement for the issuance of a WAC certificate. (
) It is probable that some arrangement will be made whereby amateurs who are members of Union sections may submit their cards to their respective society headquarters for confirmation, and obtain a WAC certificate by sending a statement of this confirmation to Union Headquarters, a suggestion to this effect having been formally made by the Reseau Belge. This will eliminate the necessity of sending valuable and prized QSL cards in the mails all the way to the United States. » (QST, mars 1930, pp.52-53)

ConcrĂštement, les ‘prĂ©cieuses’ cartes sont envoyĂ©es au ‘Traffic Manager’ du RĂ©seau Belge. Celui-ci les vĂ©rifie et adresse les demandes Ă  l’I.A.R.U. Ă  Hartford (CT). Peu de temps aprĂšs, le certificat tant convoitĂ© fera la grande fiertĂ© de son titulaire.
Quand bien mĂȘme il n’est plus nĂ©cessaire d’ĂȘtre membre de l’A.R.R.L., il reste obligatoire d’adhĂ©rer Ă  une organisation nationale, membre de l’IARU.

« In countries represented in the IARU by a member-society, application is made through that society, and the applicant must be a member of that society to be eligible for the award. » (QST mars 1937, p.50)

C’est aussi en 1930 que furent attribuĂ©s les premiers W.A.C. pour des liaisons en phonie avec les 6 continents, cet honneur ‘suprĂȘme’, ce ‘Nec plus ultra’ - sans mauvais jeu de mot - revenant en tout premier lieu Ă  un radioamateur belge, ON4U

« But right here let us create a little honor roll for those to whom WAC for phone certificates were issued. They are

Paul De Neck ON4UU, March 11, 1930.
H. Ray Carter VK2HC, April 28, 1930.
Hilton O’Hefferman G5BY, June 13, 1930.
Frank R. Neill GI5NJ, October 11, 1930. » (QST mars 1931, p.51)

Plusieurs années aprÚs, une liste récapitulative paraßtra dans notre magazine national (QSO avril 1935, p.66)
A partir du 1er septembre 1937, l’I.A.R.U. limita l’attribution des certificats W.A.C. aux seuls titulaires d’une autorisation officielle d’émission.Âč
« En concordance avec les nouvelles rĂšgles Ă©dictĂ©es par l’IARU en la matiĂšre, le ‘WAC’ ne pourra plus ĂȘtre accordĂ© qu’aux seuls Ă©metteurs porteurs du diplĂŽme de radio-opĂ©rateur privĂ©, titulaires d’un indicatif et d’une autorisation officiels. » (QSO aoĂ»t 1937, p.155)
Les annĂ©es 1937 et 1938 voient littĂ©ralement exploser le nombre de certificats W.A.C. dĂ©cernĂ©s : 803 en 1937 ÂČ et 958 en 1938 ! (QST avril 1939, p.59)

MalgrĂ© cette croissance, le ‘W.A.C.’, dont l’obtention constituait une vĂ©ritable prouesse dans les premiĂšres annĂ©es de son existence, perd peu Ă  peu de son lustre.
Citons ON4EY, Marcel Dupuis dans le ‘QSO’ de janvier 1939 :
« La technique de l’émission Ă©volue si rapidement, que chaque jour de nouveaux records de trafic sont battus. Le ‘WAC’, lors de sa crĂ©ation, Ă©tait un tour de force. Aujourd’hui prĂšs de 2000 amateurs ont travaillĂ© les 6 continents. »
Les ‘DX-men’, ‘in order to gain some small symbol of accomplishment’, recherchent de nouveaux dĂ©fis ! WAS, WAZ, DX-Century ClubÂł voient le jour. Les rĂ©sultats, publiĂ©s chaque mois dans ‘QST’, Ă  la grande fiertĂ© de leurs titulaires, crĂ©ent une vĂ©ritable Ă©mulation. Notre bon vieux ‘W.A.C.’, devenu trop facile Ă  rĂ©aliser, sombre peu Ă  peu dans l’oubli !

Georges Neelemans, ON4FT, membre d’honneur du RĂ©seau Belge nous livre son avis en septembre 1939 :

« La dĂ©livrance des diplĂŽmes WAC phone et CW dont j’assume momentanĂ©ment la charge, va bon train. (
) Puis-je, Ă  titre tout Ă  fait personnel, donner mon avis Ă  ce propos ? C’est que cela est fort bien et que tous ces Oms mĂ©ritent de petites fĂ©licitations mais que franchement, au point oĂč en est arrivĂ©e la technique de l’amateurisme, le fait de travailler tous les continents d’un endroit quelconque en Europe avec une installation normale, disons de 50 watts, ne constitue plus un exploit, en CW principalement. (
) Je ne dis ceci nullement pour dĂ©courager les Ă©metteurs et surtout les dĂ©butants, mais les choses ayant Ă©voluĂ©es depuis une dizaine d’annĂ©es, l’A.R.R.L. devrait changer son fusil d’épaule et se limiter Ă  la dĂ©livrance de certificats pour de rĂ©elles prouesses, comme l’est et le reste la plus rĂ©elle de toutes : le nombre de pays travaillĂ©s. Le DX Century Club est vraiment un beau brevet d’amateurisme. (
) Les 40 zones sont Ă  mon sens une autre fort belle trouvaille. (
)(QSO septembre 1939, p.763)

Cet amateur chevronnĂ© conclut avec beaucoup de bon sens – et je me joins entiĂšrement Ă  son avis !
« Maintenant et tout de mĂȘme, il faut faire tout cela Ă  la douce, sans s’esquinter les mĂ©ninges ni sacrifier au sommeil, au travail de chaque jour ou aux vacances en plein air. » (QSO septembre 1939, p.764)
L’imminence d’une seconde guerre mondiale va bientĂŽt rĂ©duire les amateurs au silence. Les Belges n’échappent pas Ă  la rĂšgle (QST 11/1939, p.60), non sans amertume.

Dans notre revue nationale, les listes d’adresses militaires des OM’s rappelĂ©s sous les armes remplacent peu Ă  peu les ‘Honor roll’.
L’espĂ©rance de jours meilleurs doit hanter ceux qui se morfondent loin de chez eux

Notes
Âč Il en sera de mĂȘme pour le service QSL Ă  partir du 1erjanvier 1938 : les cartes Ă©manant de stations ‘pirates’ seront refusĂ©es.
ÂČ DerniĂšre publication d’une liste rĂ©capitulative – pas moins de 6 pages – des certificats WAC dans les ‘QST’ de dĂ©cembre 1937 et mars 1938.
³‘WAS’ : QST 01/1936 p.33 ; ‘WAZ’ : QSO 07/1937 p.149 et ‘DX Century Club’ : QST 09/1937 pp. 59-60. ON4UU a 103 pays en juillet 1938, ON4AU enlĂšve le 1er diplĂŽme WAZ (QSO juin 1937, p.113) et totalise 137 pays en dĂ©cembre 1939 !

Bibliographie.

QST. The official Organ of the American Radio Relay League. (années 1924-1939)
QSO. Organe officiel du Réseau belge. (années 1930-1940)
CQ-VRB. Maandschrift voor en door kortegolf amateurs. (années 1936-1939)
OEM. Mitteilungen des Österreichischen Versuchssenderverbandes, 2. Jahrgang, N°5, MĂ€rz 1935.
Archives de l’auteur.

Documentations

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Pierre Stoffel ON4PS

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