dimanche, 20 juillet 2025

Le diplôme WAC (Worked all Continents)

Samedi et dimanche sont souvent propices à la réalisation de bons contacts.
Quand bien même je maîtrise la CW et suis polyglotte, j'apprécie énormément les modes digitaux. Samedi 7 décembre, j'ai contacté, sans m'en rendre compte les 6 continents sur 24 MHz en mode FT8. J'apprécie cette bande, propagation excellente toute la journée.

Asie: BG5IZL OL77

Océanie: VK8AW: PH57

Europe: TF1EIN HP94

Amérique du Nord: AA7A DM43

Amérique du Sud: PY2EBD GG67

Afrique: ZS4JAN KG30

Ces contacts furent réalisés en moins de deux heures de temps.
Voici où je veux en venir : contacter les 6 continents aux débuts du radioamateurisme s'avérait extrêmement compliqué, un véritable casse-tête pour les pionniers des années 20.
En 1926, l'A.R.R.L. créa le premier diplôme radio amateur, le diplôme "WAC".
'W.A.C.’, ainsi appelé par abréviation de l’expression anglo-saxonne « Worked All Continents », fut à l’origine un club crée par l’A.R.R.L. en 1926.
Ce club et le diplôme qu’il décernait, sont annoncés pour la première fois dans les colonnes du magazine ‘QST’ d’avril 1926 (p.54) sous le titre « A new international brass pounder’s club ».
Le diplôme ‘W.A.C.’, la plus haute distinction pour un radioamateur de l’époque, était attribué sur demande aux stations ayant réalisé une liaison bilatérale avec des stations des 6 continents. Les cartes QSL, preuves confirmant ces contacts, devaient être envoyées à l’A.R.R.L. Elles étaient retournées, accompagnées du prestigieux certificat lorsque la demande était approuvée.

Le premier certificat, reproduit dans le ‘QST’ de Juin 1926 (p.54), fut attribué le 13 avril 1926 à U6OI, Brandon Wentworth. La station 6OI (Stanford University, CA) est décrite dans le QST de juillet 1926. (pp. 42-43)
La mention suivante ornait les certificats obtenus pour les 6 continents contactés en CW :

« This certificate of proficiency in the art of Short Wave Radio Telegraphy has been given to the owner of this station in recognition of his splendid amateur work, after records of said station owner have been carefully verified. » (WAC CW d’ON4US daté du 22 octobre 1929, collection personnelle)

Une liste des titulaires était publiée régulièrement dans ‘QST’, un récapitulatif paraissant annuellement. Pas moins de 35 stations obtinrent le certificat la première année de son existence, dont 2 Belges de Verviers.
Les statistiques publiées ci-dessous sont extraites du ‘QSO’ de mai 1935 (p.82), reprises intégralement de la revue autrichienne ‘OEM’ de Mars 1935 (pp.12-14). Ces tableaux, rigoureusement exacts, ont été élaborés sur base des données parues annuellement dans le ‘QST’.
Les données sont classées par continent (A), par pays européens (B) et enfin (C), l’identité des amateurs européens qui ont obtenu en premier le diplôme dans leur pays respectif.

Jusqu’en 1930, les certificats W.A.C. furent gérés par l’A.R.R.L. A partir du 1er février 1930, sur proposition par ailleurs de Mr. Paul De Neck, Président du Réseau Belge, l’I.A.R.U. et ses différentes sections furent chargées de vérifier les cartes QSL et d’attribuer les certificats W.A.C.
Adhésion obligatoire à l’A.R.R.L. et envoi fastidieux des cartes aux Etats-Unis n’étaient plus de rigueur.
Ce changement majeur, qui eut comme conséquence directe une forte augmentation du nombre des W.A.C. européens dès 1930, est mentionné à plusieurs reprises.

« There are many who think that it is a little unfair to require League membership of the applicant for a certificate. We have given this matter considerable thought, and are now proposing an alternative scheme for W.A.C. certificates in the future. Briefly, it is that W.A.C. should rightly be an affair of the I.A.R.U. It has been an A.R.R.L. proposition so far, simply because the League started it. » (QST, novembre 1929, p.44)
« On February 1st, the Union actually took over the issuance of all future WAC certificates, as well as the records and supplies kept up to that time by the A.R.R.L.(…) A.R.R.L. membership is now no longer a requirement for the issuance of a WAC certificate. (…) It is probable that some arrangement will be made whereby amateurs who are members of Union sections may submit their cards to their respective society headquarters for confirmation, and obtain a WAC certificate by sending a statement of this confirmation to Union Headquarters, a suggestion to this effect having been formally made by the Reseau Belge. This will eliminate the necessity of sending valuable and prized QSL cards in the mails all the way to the United States. » (QST, mars 1930, pp.52-53)

Concrètement, les ‘précieuses’ cartes sont envoyées au ‘Traffic Manager’ du Réseau Belge. Celui-ci les vérifie et adresse les demandes à l’I.A.R.U. à Hartford (CT). Peu de temps après, le certificat tant convoité fera la grande fierté de son titulaire.
Quand bien même il n’est plus nécessaire d’être membre de l’A.R.R.L., il reste obligatoire d’adhérer à une organisation nationale, membre de l’IARU.

« In countries represented in the IARU by a member-society, application is made through that society, and the applicant must be a member of that society to be eligible for the award. » (QST mars 1937, p.50)

C’est aussi en 1930 que furent attribués les premiers W.A.C. pour des liaisons en phonie avec les 6 continents, cet honneur ‘suprême’, ce ‘Nec plus ultra’ - sans mauvais jeu de mot - revenant en tout premier lieu à un radioamateur belge, ON4U

« But right here let us create a little honor roll for those to whom WAC for phone certificates were issued. They are

Paul De Neck ON4UU, March 11, 1930.
H. Ray Carter VK2HC, April 28, 1930.
Hilton O’Hefferman G5BY, June 13, 1930.
Frank R. Neill GI5NJ, October 11, 1930. » (QST mars 1931, p.51)

Plusieurs années après, une liste récapitulative paraîtra dans notre magazine national (QSO avril 1935, p.66)
A partir du 1er septembre 1937, l’I.A.R.U. limita l’attribution des certificats W.A.C. aux seuls titulaires d’une autorisation officielle d’émission.¹
« En concordance avec les nouvelles règles édictées par l’IARU en la matière, le ‘WAC’ ne pourra plus être accordé qu’aux seuls émetteurs porteurs du diplôme de radio-opérateur privé, titulaires d’un indicatif et d’une autorisation officiels. » (QSO août 1937, p.155)
Les années 1937 et 1938 voient littéralement exploser le nombre de certificats W.A.C. décernés : 803 en 1937 ² et 958 en 1938 ! (QST avril 1939, p.59)

Malgré cette croissance, le ‘W.A.C.’, dont l’obtention constituait une véritable prouesse dans les premières années de son existence, perd peu à peu de son lustre.
Citons ON4EY, Marcel Dupuis dans le ‘QSO’ de janvier 1939 :
« La technique de l’émission évolue si rapidement, que chaque jour de nouveaux records de trafic sont battus. Le ‘WAC’, lors de sa création, était un tour de force. Aujourd’hui près de 2000 amateurs ont travaillé les 6 continents. »
Les ‘DX-men’, ‘in order to gain some small symbol of accomplishment’, recherchent de nouveaux défis ! WAS, WAZ, DX-Century Club³ voient le jour. Les résultats, publiés chaque mois dans ‘QST’, à la grande fierté de leurs titulaires, créent une véritable émulation. Notre bon vieux ‘W.A.C.’, devenu trop facile à réaliser, sombre peu à peu dans l’oubli !

Georges Neelemans, ON4FT, membre d’honneur du Réseau Belge nous livre son avis en septembre 1939 :

« La délivrance des diplômes WAC phone et CW dont j’assume momentanément la charge, va bon train. (…) Puis-je, à titre tout à fait personnel, donner mon avis à ce propos ? C’est que cela est fort bien et que tous ces Oms méritent de petites félicitations mais que franchement, au point où en est arrivée la technique de l’amateurisme, le fait de travailler tous les continents d’un endroit quelconque en Europe avec une installation normale, disons de 50 watts, ne constitue plus un exploit, en CW principalement. (…) Je ne dis ceci nullement pour décourager les émetteurs et surtout les débutants, mais les choses ayant évoluées depuis une dizaine d’années, l’A.R.R.L. devrait changer son fusil d’épaule et se limiter à la délivrance de certificats pour de réelles prouesses, comme l’est et le reste la plus réelle de toutes : le nombre de pays travaillés. Le DX Century Club est vraiment un beau brevet d’amateurisme. (…) Les 40 zones sont à mon sens une autre fort belle trouvaille. (…)(QSO septembre 1939, p.763)

Cet amateur chevronné conclut avec beaucoup de bon sens – et je me joins entièrement à son avis !
« Maintenant et tout de même, il faut faire tout cela à la douce, sans s’esquinter les méninges ni sacrifier au sommeil, au travail de chaque jour ou aux vacances en plein air. » (QSO septembre 1939, p.764)
L’imminence d’une seconde guerre mondiale va bientôt réduire les amateurs au silence. Les Belges n’échappent pas à la règle (QST 11/1939, p.60), non sans amertume.

Dans notre revue nationale, les listes d’adresses militaires des OM’s rappelés sous les armes remplacent peu à peu les ‘Honor roll’.
L’espérance de jours meilleurs doit hanter ceux qui se morfondent loin de chez eux…
Notes
¹ Il en sera de même pour le service QSL à partir du 1erjanvier 1938 : les cartes émanant de stations ‘pirates’ seront refusées.
² Dernière publication d’une liste récapitulative – pas moins de 6 pages – des certificats WAC dans les ‘QST’ de décembre 1937 et mars 1938.
³‘WAS’ : QST 01/1936 p.33 ; ‘WAZ’ : QSO 07/1937 p.149 et ‘DX Century Club’ : QST 09/1937 pp. 59-60. ON4UU a 103 pays en juillet 1938, ON4AU enlève le 1er diplôme WAZ (QSO juin 1937, p.113) et totalise 137 pays en décembre 1939 !

Bibliographie.

QST. The official Organ of the American Radio Relay League. (années 1924-1939)
QSO. Organe officiel du Réseau belge. (années 1930-1940)
CQ-VRB. Maandschrift voor en door kortegolf amateurs. (années 1936-1939)
OEM. Mitteilungen des Österreichischen Versuchssenderverbandes, 2. Jahrgang, N°5, März 1935.
Archives de l’auteur.

Documentations

11/2014 & 12/2024

Pierre Stoffel ON4PS

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