dimanche, 20 juillet 2025

MAX COSYNS

1906 – 1998

Rédiger la biographie d’un scientifique hors du commun, d’un pionnier de l’émission d’amateur et de l’ascension stratosphérique, d’un spéléologue d’exception bref, d’un homme aussi éclectique que Max Cosyns constitue une véritable gageure.

Max Cosyns est né le 29 mai 1906 à Schaerbeek. Son père, fondateur de la société Pharma, était professeur de pétrochimie à l’ULB. A l’issue de ses humanités à l’Athénée de Saint-Gilles, Max entre à l’ULB en septembre 1924. Il mène de front les études de physique mathématique et les études d’ingénieur à l’École polytechnique de l’ULB. L’Université de Bruxelles a décidé de créer un cours de radioélectricité.

« C’est l’époque où les premiers résultats de communication à grande distance par des ondes  de quelques dizaines de mètres de longueur sont connus, mais ne sont pas pris au sérieux par les officiels ou ne les préoccupent guère.»¹

Il s’intéresse de très près à l’émission. Il fréquente le vieux marché et se procure des tubes d’émission destinés aux bombardiers allemands.

« Quelques jours après, je dispose d’un émetteur bricolé de 20 W sur 10 MHz, (…) de 20 à 50 mètres de longueur d’onde et d’un récepteur adapté à ces ondes. (…) Personne ne s’intéresse à ces longueurs d’onde, à l’exception de quelques bricoleurs et on n’entend personne dans ces gammes, si ce ne sont les harmoniques de quelques stations expérimentales travaillant dans la gamme de 200 à 300 mètres. Je lance un appel en morse. Après un quart d’heure, je reçois une réponse de Suède. J’essaye encore et finalement, j’accroche une station au Chili.»²

Nous sommes en 1925. Max Cosyns se lia d’amitié avec les radioamateurs du Réseau Belge. Il assistait régulièrement aux réunions au café de la Lunette, Place de la Monnaie. Son indicatif d’émission, B9, figurait dans la liste des tout premiers indicatifs du RB (Liste du 28 mars 1925)

« Cosyns était le mathématicien qui chaque vendredi trouvait la solution à tous nos problèmes, en quatre coups de règle à calculs. La haute fréquence ne suivait pas toujours ses prévisions…. Â» (Souvenirs de ON4TI, p.26)

Ces jeunes sans-filistes en herbe dessinaient des schémas sur les tables en marbre à l’aide de crayons à l’aniline !

« Un jour, Max Cosyns, B9 nous a expliqué en détail le standard de fréquence qu’il voulait construire, en utilisant des roues de  vieux réveils matins, ses explications et les nôtres ont été tellement longues et compliquées, que nous avons été obligés de changer de table, il n’y avait plus de place  sur la première pour continuer le schéma. Â» (Souvenirs de ON4TI, p.24)

¹ Grégoire L. Hennebert : L’incroyable épopée de Max Cosyns, Ed. Racine, 2024, p.40.           ² Ibid. p.40.

En 1928, il est certifié opérateur de sa propre station radio émettrice EB-B9, puis ON-B9, affilié au Réseau Belge. Il ne devint jamais ON4 !

En 1929, Max Cosyns obtient son diplôme d’ingénieur électromécanicien à l’Université de Bruxelles. Il poursuit des recherches en biophysique et physique nucléaire dans le cadre de la Fondation Médicale Reine Elisabeth et du Comité Solvay. Il rencontre les scientifiques les plus illustres de l’époque : Auguste Piccard dont il est l’assistant à l’ULB, Frédéric Joliot-Curie, Enrico Fermi, Albert Einstein, Jean Perrin, Niels Bohr, Sir Ernest Rutherford, Louis de Broglie, Paul Langevin et bien d’autres.

Considéré comme un des meilleurs spécialistes belges en physique nucléaire et en biologie, Max Cosyns, homme en perpétuel mouvement, participe aux travaux du professeur Auguste Piccard sur la stratosphère.

Le 18/8/1932, lors d’un premier vol entre Dübendorf (Suisse) et le Lac de Garde, Piccard et Cosyns atteignent l’altitude record de 16201 m à bord d’une nacelle sphérique suspendue à un ballon gonflé à l’hydrogène.

Max Cosyns dans son labo FMRE
Visite du Roi Albert avant le départ de Piccard et Cosyns

Le problème du rayonnement cosmique n’étant pas de ceux que l’on résout en quelques heures d’ascension stratosphérique, un second vol aura lieu en 1934. Le samedi 18 août 1934, le ‘FNRS’, piloté par Max Cosyns  décolle de Hour-Havenne en province de Namur et atterrira, après un périple d’environ 1800 kilomètres (altitude :15.500 m ) à Zenavlje, en Slovénie.

Ces vols firent « la une Â» des journaux de l’époque. Max Cosyns donna de nombreuses conférences, notamment à la Société Astronomique de France (19 juin 1935) et au Réseau Belge. Les radioamateurs belges avaient en effet tenté -vainement- de contacter leur ami B9, qui avait emporté, tout comme en 1932 par ailleurs, un poste émetteur. Lors de son Assemblée Générale du 10 février 1935, Max Cosyns fut nommé Membre d’honneur du Réseau Belge. (‘QSO’ 03/1935)

Le Roi Albert lors de sa visite à l’ULB en Mai 1932
Décollage du ‘F.N.R.S.’ – Hour-Havenne 18/08/1934 – 6h19 du matin.

La seconde guerre mondiale met un terme à toutes ses activités. En homme de conviction, il participe à des réseaux de résistance. Arrêté en 1943, il sera déporté à Dachau.

Après la libération, atteint d’une tuberculose grave, il retrouvera son poste universitaire. Il est nommé au comité directeur de la recherche nucléaire belge. Il reprend ses recherches en biophysique et participe à l’aventure du bathyscaphe avec Auguste Piccard. Transposant la technique des vols stratosphériques à l’exploration sous-marine, ils se lancent dans la construction d’une « thalassosphère Â», qui donnera naissance au bathyscaphe FNRS II. Il effectuera plusieurs plongées en Méditerranée, faisant la connaissance de Cousteau qu’il accompagne lors de ses premiers voyages.

Parallèlement, Max Cosyns reprend ses explorations spéléologiques - commencées dans les années 30 - dans le massif de la Pierre Saint Martin (Pyrénées). Il renforce son équipe de nouveaux éléments, spéléologues et scientifiques. La mort tragique de Marcel Loubens - la rupture d’un treuil conçu par Cosyns - pendant l’expédition de 1952 porte un coup fatal au spéléologue et à l’homme. Cosyns dirigeait l’expédition, la presse se déchaîne.

Professionnellement, il devient ingénieur-conseil de plusieurs grandes sociétés dont Zeiss et Philips. Il poursuit en même temps des recherches en chimie et biologie  en étroite collaboration avec de nombreux laboratoires privés en Europe.

A la fin des années 50, il s’installe presque à plein temps en Pays Basque, à Licq, où il transforme une ancienne bergerie en sa résidence principale. Certaines de ses recherches scientifiques en biologie et cryptogamie, mal comprises, le conduiront devant les tribunaux. Revenu sous les feux de l’actualité par la petite porte, il sera blanchi des accusations calomnieuses portées à son encontre.

Max Cosyns, ingénieur, biophysicien, physicien atomiste, pionnier de la stratosphère et des profondeurs abyssales, spéléologue confirmé mais controversé, héros de la résistance et survivant des camps de la mort mais surtout un des plus éminents spécialistes belges en physique nucléaire et en biologie, s’éteindra en mai 1998 à l’âge de 92 ans.

Max Cosyns en 1994

Bibliographie primaire. (Publications de Max Cosyns)

  • Max G. E. Cosyns, « Specific ionization of cosmic radiation Â», Nature, vol. 138, no 3485,‎ août 1936, p. 284.
  • Max G. E. Cosyns, C. C. Dilworth, G. P. S. Occhialini, M. Schoenberg et N. Page, « The decay and capture of μ-mesons in photographic emulsions Â», Proceedings of the Physical Society. Section A, vol. 62, no 12,‎ décembre 1949, p. 801.
  • Max G. E. Cosyns, « Geomagnetic effect on cosmic radiation in the stratosphere Â», Nature, vol. 137, no 3467,‎ avril 1936, p. 616–616.
  • Max G. E. Cosyns, « Barometric co-efficient of extensive cosmic ray showers Â», Nature, vol. 145, no 3678,‎ avril 1940, p. 668.
  • Max G. E. Cosyns, C. C. Dilworth, G. P. S. Occhialini et M. Schönberg, « Double stars with relativistic particles from cosmic rays Â», Nature, vol. 164, no 4160,‎ juillet 1949, p. 129–131.
  • Max G. E. Cosyns, « Specific ionization by high-speed particles Â», Nature, vol. 139, no 3523,‎ mai 1937, p. 802–803.
  • Max G. E. Cosyns, « A new polarisation phenomenon Â», Nature, vol. 137, no 3454,‎ janvier 1936, p. 70.
  • Max G. E. Cosyns, « Abnormal zenithal distribution of cosmic rays Â», Nature, vol. 140, no 3552,‎ novembre 1937, p. 931.
  • Max G. E. Cosyns, « Une ascension dans la stratosphère. Sa préparation, ses résultats ». L’Astronomie, Vol. 49, 1935, pp. 297-323.

Bibliographie secondaire.

â—Š   Grégoire L. Hennebert, « L’incroyable épopée de Max Cosyns. Collègue d’Auguste Piccard, espion de

     Churchill, héros de la déportation Â». Editions Racine, 2024.

â—Š   Hugo De Meyere, « Histoire du Réseau Belge Â», QSO. Organe officiel du Réseau Belge, 03/1955 → 07-

     08/1956.

â—Š   « Retour de l’espace Â» (par 4UU), QSO. Organe officiel du Réseau Belge,11/1932, pp. 3-7.

â—Š   « Comment j’ai entendu B9 … et ce qu’il m’a dit… Â» (par 4JB), QSO. Organe officiel du Réseau Belge,

     10/1932, pp. 3-4.

â—Š   Paul De Neck, « B9 à bord du ballon stratosphérique Â», Journal des 8, N°402, 13/08/1932.

â—Š   « La surprise du Professeur Piccard Â», L’Antenne , N° 501, 30/10/1932.

â—Š   « L’ascension du Professeur Piccard Â», L’Antenne, N° 492, 28/08/1932.

â—Š   « Son éminence stratosphérique Max Cosyns Â» (par 4UU), QSO. Organe officiel du Réseau Belge, 06/1932,

     pp. 3-4.

â—Š   « En suivant B9 avec D2 Â» (par ON4ZQ), QSO. Organe officiel du Réseau Belge, 11/1934, pp. 103-105.

â—Š   « En suivant Cosyns avec C2 Â» (par ON4BJ), QSO. Organe officiel du Réseau Belge, 11/1934, pp. 106-109.

â—Š   « En suivant B9 en avion Â» (par ON4AU), QSO. Organe officiel du Réseau Belge, 11/1934, pp. 110-111.

â—Š   « En écoutant B9 Â» (par ON4PA), QSO. Organe officiel du Réseau Belge, 11/1934, p. 112.

â—Š   C.J. Sarti, « L’histoire d’une grande invention Â», QSO. Organe officiel du Réseau Belge, 02/1933, p.9.

â—Š   « Le deuxième voyage de notre ami B9 Â» (par ON4UU, président du Réseau Belge), QSO. Organe officiel du

     Réseau Belge, 11/1934, pp. 100-102.

â—Š   R. Guy, F8YG, « Le départ de B9 pour la stratosphère Â», Journal des 8, N°501, 14/07/1934.

â—Š   Baudoin Lenelle, « Une ascension stratosphérique à Hour Â», Archives du journal ‘Vers L’Avenir’, 1984.

â—Š   « Neuf nuits de 24h au fond du gouffre de la Pierre-Saint-Martin Â», Le Figaro, mardi 26 août 1952.

â—Š   « L’expérience du Professeur Piccard Â», Le Soir, 10 février 1948.

â—Š   « Arsip info. Association pour la recherche spéléologique internationale à la Pierre-Saint-Martin Â»,

     N°57,Juillet 1998, pp. 2-6.

â—Š   « Un Belge fait scandale… De la stratosphère à la Pierre-Saint-Martin Â», Archives du journal ‘Le Soir’, 1991

     et 1994.

Pierre Stoffel ON4PS

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