lundi, mars 31

MAX COSYNS

1906 – 1998

RĂ©diger la biographie d’un scientifique hors du commun, d’un pionnier de l’émission d’amateur et de l’ascension stratosphĂ©rique, d’un spĂ©lĂ©ologue d’exception bref, d’un homme aussi Ă©clectique que Max Cosyns constitue une vĂ©ritable gageure.

Max Cosyns est nĂ© le 29 mai 1906 Ă  Schaerbeek. Son pĂšre, fondateur de la sociĂ©tĂ© Pharma, Ă©tait professeur de pĂ©trochimie Ă  l’ULB. A l’issue de ses humanitĂ©s Ă  l’AthĂ©nĂ©e de Saint-Gilles, Max entre Ă  l’ULB en septembre 1924. Il mĂšne de front les Ă©tudes de physique mathĂ©matique et les Ă©tudes d’ingĂ©nieur Ă  l’École polytechnique de l’ULB. L’UniversitĂ© de Bruxelles a dĂ©cidĂ© de crĂ©er un cours de radioĂ©lectricitĂ©.

« C’est l’époque oĂč les premiers rĂ©sultats de communication Ă  grande distance par des ondes  de quelques dizaines de mĂštres de longueur sont connus, mais ne sont pas pris au sĂ©rieux par les officiels ou ne les prĂ©occupent guĂšre.»Âč

Il s’intĂ©resse de trĂšs prĂšs Ă  l’émission. Il frĂ©quente le vieux marchĂ© et se procure des tubes d’émission destinĂ©s aux bombardiers allemands.

« Quelques jours aprĂšs, je dispose d’un Ă©metteur bricolĂ© de 20 W sur 10 MHz, (
) de 20 Ă  50 mĂštres de longueur d’onde et d’un rĂ©cepteur adaptĂ© Ă  ces ondes. (
) Personne ne s’intĂ©resse Ă  ces longueurs d’onde, Ă  l’exception de quelques bricoleurs et on n’entend personne dans ces gammes, si ce ne sont les harmoniques de quelques stations expĂ©rimentales travaillant dans la gamme de 200 Ă  300 mĂštres. Je lance un appel en morse. AprĂšs un quart d’heure, je reçois une rĂ©ponse de SuĂšde. J’essaye encore et finalement, j’accroche une station au Chili.»ÂČ

Nous sommes en 1925. Max Cosyns se lia d’amitiĂ© avec les radioamateurs du RĂ©seau Belge. Il assistait rĂ©guliĂšrement aux rĂ©unions au cafĂ© de la Lunette, Place de la Monnaie. Son indicatif d’émission, B9, figurait dans la liste des tout premiers indicatifs du RB (Liste du 28 mars 1925)

« Cosyns Ă©tait le mathĂ©maticien qui chaque vendredi trouvait la solution Ă  tous nos problĂšmes, en quatre coups de rĂšgle Ă  calculs. La haute frĂ©quence ne suivait pas toujours ses prĂ©visions
. Â» (Souvenirs de ON4TI, p.26)

Ces jeunes sans-filistes en herbe dessinaient des schĂ©mas sur les tables en marbre Ă  l’aide de crayons Ă  l’aniline !

« Un jour, Max Cosyns, B9 nous a expliquĂ© en dĂ©tail le standard de frĂ©quence qu’il voulait construire, en utilisant des roues de  vieux rĂ©veils matins, ses explications et les nĂŽtres ont Ă©tĂ© tellement longues et compliquĂ©es, que nous avons Ă©tĂ© obligĂ©s de changer de table, il n’y avait plus de place  sur la premiĂšre pour continuer le schĂ©ma. Â» (Souvenirs de ON4TI, p.24)

Âč GrĂ©goire L. Hennebert : L’incroyable Ă©popĂ©e de Max Cosyns, Ed. Racine, 2024, p.40.           ÂČ Ibid. p.40.

En 1928, il est certifiĂ© opĂ©rateur de sa propre station radio Ă©mettrice EB-B9, puis ON-B9, affiliĂ© au RĂ©seau Belge. Il ne devint jamais ON4 !

En 1929, Max Cosyns obtient son diplĂŽme d’ingĂ©nieur Ă©lectromĂ©canicien Ă  l’UniversitĂ© de Bruxelles. Il poursuit des recherches en biophysique et physique nuclĂ©aire dans le cadre de la Fondation MĂ©dicale Reine Elisabeth et du ComitĂ© Solvay. Il rencontre les scientifiques les plus illustres de l’époque : Auguste Piccard dont il est l’assistant Ă  l’ULB, FrĂ©dĂ©ric Joliot-Curie, Enrico Fermi, Albert Einstein, Jean Perrin, Niels Bohr, Sir Ernest Rutherford, Louis de Broglie, Paul Langevin et bien d’autres.

Considéré comme un des meilleurs spécialistes belges en physique nucléaire et en biologie, Max Cosyns, homme en perpétuel mouvement, participe aux travaux du professeur Auguste Piccard sur la stratosphÚre.

Le 18/8/1932, lors d’un premier vol entre DĂŒbendorf (Suisse) et le Lac de Garde, Piccard et Cosyns atteignent l’altitude record de 16201 m Ă  bord d’une nacelle sphĂ©rique suspendue Ă  un ballon gonflĂ© Ă  l’hydrogĂšne.

Max Cosyns dans son labo FMRE
Visite du Roi Albert avant le départ de Piccard et Cosyns

Le problĂšme du rayonnement cosmique n’étant pas de ceux que l’on rĂ©sout en quelques heures d’ascension stratosphĂ©rique, un second vol aura lieu en 1934. Le samedi 18 aoĂ»t 1934, le ‘FNRS’, pilotĂ© par Max Cosyns  dĂ©colle de Hour-Havenne en province de Namur et atterrira, aprĂšs un pĂ©riple d’environ 1800 kilomĂštres (altitude :15.500 m ) Ă  Zenavlje, en SlovĂ©nie.

Ces vols firent « la une Â» des journaux de l’époque. Max Cosyns donna de nombreuses confĂ©rences, notamment Ă  la SociĂ©tĂ© Astronomique de France (19 juin 1935) et au RĂ©seau Belge. Les radioamateurs belges avaient en effet tentĂ© -vainement- de contacter leur ami B9, qui avait emportĂ©, tout comme en 1932 par ailleurs, un poste Ă©metteur. Lors de son AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale du 10 fĂ©vrier 1935, Max Cosyns fut nommĂ© Membre d’honneur du RĂ©seau Belge. (‘QSO’ 03/1935)

Le Roi Albert lors de sa visite à l’ULB en Mai 1932
DĂ©collage du ‘F.N.R.S.’ – Hour-Havenne 18/08/1934 – 6h19 du matin.

La seconde guerre mondiale met un terme Ă  toutes ses activitĂ©s. En homme de conviction, il participe Ă  des rĂ©seaux de rĂ©sistance. ArrĂȘtĂ© en 1943, il sera dĂ©portĂ© Ă  Dachau.

AprĂšs la libĂ©ration, atteint d’une tuberculose grave, il retrouvera son poste universitaire. Il est nommĂ© au comitĂ© directeur de la recherche nuclĂ©aire belge. Il reprend ses recherches en biophysique et participe Ă  l’aventure du bathyscaphe avec Auguste Piccard. Transposant la technique des vols stratosphĂ©riques Ă  l’exploration sous-marine, ils se lancent dans la construction d’une « thalassosphĂšre Â», qui donnera naissance au bathyscaphe FNRS II. Il effectuera plusieurs plongĂ©es en MĂ©diterranĂ©e, faisant la connaissance de Cousteau qu’il accompagne lors de ses premiers voyages.

ParallĂšlement, Max Cosyns reprend ses explorations spĂ©lĂ©ologiques - commencĂ©es dans les annĂ©es 30 - dans le massif de la Pierre Saint Martin (PyrĂ©nĂ©es). Il renforce son Ă©quipe de nouveaux Ă©lĂ©ments, spĂ©lĂ©ologues et scientifiques. La mort tragique de Marcel Loubens - la rupture d’un treuil conçu par Cosyns - pendant l’expĂ©dition de 1952 porte un coup fatal au spĂ©lĂ©ologue et Ă  l’homme. Cosyns dirigeait l’expĂ©dition, la presse se dĂ©chaĂźne.

Professionnellement, il devient ingĂ©nieur-conseil de plusieurs grandes sociĂ©tĂ©s dont Zeiss et Philips. Il poursuit en mĂȘme temps des recherches en chimie et biologie  en Ă©troite collaboration avec de nombreux laboratoires privĂ©s en Europe.

A la fin des annĂ©es 50, il s’installe presque Ă  plein temps en Pays Basque, Ă  Licq, oĂč il transforme une ancienne bergerie en sa rĂ©sidence principale. Certaines de ses recherches scientifiques en biologie et cryptogamie, mal comprises, le conduiront devant les tribunaux. Revenu sous les feux de l’actualitĂ© par la petite porte, il sera blanchi des accusations calomnieuses portĂ©es Ă  son encontre.

Max Cosyns, ingĂ©nieur, biophysicien, physicien atomiste, pionnier de la stratosphĂšre et des profondeurs abyssales, spĂ©lĂ©ologue confirmĂ© mais controversĂ©, hĂ©ros de la rĂ©sistance et survivant des camps de la mort mais surtout un des plus Ă©minents spĂ©cialistes belges en physique nuclĂ©aire et en biologie, s’éteindra en mai 1998 Ă  l’ñge de 92 ans.

Max Cosyns en 1994

Bibliographie primaire. (Publications de Max Cosyns)

  • Max G. E. Cosyns, « Specific ionization of cosmic radiation Â», Nature, vol. 138, no 3485,‎ aoĂ»t 1936, p. 284.
  • Max G. E. Cosyns, C. C. Dilworth, G. P. S. Occhialini, M. Schoenberg et N. Page, « The decay and capture of ÎŒ-mesons in photographic emulsions Â», Proceedings of the Physical Society. Section A, vol. 62, no 12,‎ dĂ©cembre 1949, p. 801.
  • Max G. E. Cosyns, « Geomagnetic effect on cosmic radiation in the stratosphere Â», Nature, vol. 137, no 3467,‎ avril 1936, p. 616–616.
  • Max G. E. Cosyns, « Barometric co-efficient of extensive cosmic ray showers Â», Nature, vol. 145, no 3678,‎ avril 1940, p. 668.
  • Max G. E. Cosyns, C. C. Dilworth, G. P. S. Occhialini et M. Schönberg, « Double stars with relativistic particles from cosmic rays Â», Nature, vol. 164, no 4160,‎ juillet 1949, p. 129–131.
  • Max G. E. Cosyns, « Specific ionization by high-speed particles Â», Nature, vol. 139, no 3523,‎ mai 1937, p. 802–803.
  • Max G. E. Cosyns, « A new polarisation phenomenon Â», Nature, vol. 137, no 3454,‎ janvier 1936, p. 70.
  • Max G. E. Cosyns, « Abnormal zenithal distribution of cosmic rays Â», Nature, vol. 140, no 3552,‎ novembre 1937, p. 931.
  • Max G. E. Cosyns, « Une ascension dans la stratosphĂšre. Sa prĂ©paration, ses rĂ©sultats ». L’Astronomie, Vol. 49, 1935, pp. 297-323.

Bibliographie secondaire.

◊   GrĂ©goire L. Hennebert, « L’incroyable Ă©popĂ©e de Max Cosyns. CollĂšgue d’Auguste Piccard, espion de

     Churchill, hĂ©ros de la dĂ©portation Â». Editions Racine, 2024.

◊   Hugo De Meyere, « Histoire du RĂ©seau Belge Â», QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge, 03/1955 → 07-

     08/1956.

◊   « Retour de l’espace Â» (par 4UU), QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge,11/1932, pp. 3-7.

◊   « Comment j’ai entendu B9 
 et ce qu’il m’a dit
 Â» (par 4JB), QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge,

     10/1932, pp. 3-4.

◊   Paul De Neck, « B9 Ă  bord du ballon stratosphĂ©rique Â», Journal des 8, N°402, 13/08/1932.

◊   « La surprise du Professeur Piccard Â», L’Antenne , N° 501, 30/10/1932.

◊   « L’ascension du Professeur Piccard Â», L’Antenne, N° 492, 28/08/1932.

◊   « Son Ă©minence stratosphĂ©rique Max Cosyns Â» (par 4UU), QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge, 06/1932,

     pp. 3-4.

◊   « En suivant B9 avec D2 Â» (par ON4ZQ), QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge, 11/1934, pp. 103-105.

◊   « En suivant Cosyns avec C2 Â» (par ON4BJ), QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge, 11/1934, pp. 106-109.

◊   « En suivant B9 en avion Â» (par ON4AU), QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge, 11/1934, pp. 110-111.

◊   « En Ă©coutant B9 Â» (par ON4PA), QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge, 11/1934, p. 112.

◊   C.J. Sarti, « L’histoire d’une grande invention Â», QSO. Organe officiel du RĂ©seau Belge, 02/1933, p.9.

◊   « Le deuxiĂšme voyage de notre ami B9 Â» (par ON4UU, prĂ©sident du RĂ©seau Belge), QSO. Organe officiel du

     RĂ©seau Belge, 11/1934, pp. 100-102.

◊   R. Guy, F8YG, « Le dĂ©part de B9 pour la stratosphĂšre Â», Journal des 8, N°501, 14/07/1934.

◊   Baudoin Lenelle, « Une ascension stratosphĂ©rique Ă  Hour Â», Archives du journal ‘Vers L’Avenir’, 1984.

◊   « Neuf nuits de 24h au fond du gouffre de la Pierre-Saint-Martin Â», Le Figaro, mardi 26 aoĂ»t 1952.

◊   « L’expĂ©rience du Professeur Piccard Â», Le Soir, 10 fĂ©vrier 1948.

◊   « Arsip info. Association pour la recherche spĂ©lĂ©ologique internationale Ă  la Pierre-Saint-Martin Â»,

     N°57,Juillet 1998, pp. 2-6.

◊   « Un Belge fait scandale
 De la stratosphĂšre Ă  la Pierre-Saint-Martin Â», Archives du journal ‘Le Soir’, 1991

     et 1994.

Pierre Stoffel ON4PS

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