À propos de l’examen de radioamateur

À propos de l’examen de radioamateur

Au risque de me faire étriller, je vous livre ma réflexion…

L’article 1 de la Réglementation des Radiocommunications de l’ UIT donne la définition du service amateur :

1.56 service d’amateur : Service de radiocommunication ayant pour objet l’instruction individuelle, l’intercommunication et les études techniques, effectué par des amateurs, c’est-à-dire par des personnes dûment autorisées, s’intéressant à la technique de la radioélectricité à titre uniquement personnel et sans intérêt pécuniaire.

On sait bien qu’une définition donnée dans un premier article est importante et qu’elle va déterminer le cadre de la réglementation qui suit.

Dans cette définition, il y a 3 éléments importants :

l’instruction individuelle : c’est apprendre la technique de la radio, et a fortiori préparer un examen de radioamateur s’est déjà se mettre au travail pour s’instruire,
l’intercommunication : c’est communiquer entre, c’est communiquer entre nous ce qui correspond, dans notre jargon de radioamateur, à « faire des QSO »,
et les études techniques : ceci rejoint un peu le premier point. Bien évidemment on ne va pas devenir expert en étudiant pour l’examen, mais on espère que le radioamateur va s’intéresser à la technique de la radio et va essayer de comprendre de plus en plus de choses relatives à la radio, qu’il va progresser au fil des années. 

Auquel vient s’ajouter un 4e élément :

par des personnes dûment autorisées, s’intéressant à la technique de la radioélectricité à titre uniquement personnel et sans intérêt pécuniaire.

et pour lequel on retient donc

qu’il faut une autorisation
qu’il s’agit de radioélectricité, ce qui signifie qu’il va y avoir de l’électricité, de l’électronique et des ondes électromagnétiques, c’est-à-dire que finalement il y aura des ondes radio et c’est bien pour cela que l’ UIT prend cette activité sous son autorité,
et que c’est à titre personnel, ce qui va faire la différence avec d’autres services.

Cette définition avec ces six mots clés contient déjà tous les éléments.

Et cela a très bien fonctionné pendant des décennies. Et puis les radioamateurs ont voulu emporter leurs émetteurs lorsqu’ils partaient en vacances. Les administrations ont alors délivré des licences temporaires de réciprocité. Procédures compliquées où il fallait faire une demande à l’Administration d’un autre pays, dans une autre langue. Procédures ennuyeuses où il fallait faire dédouaner son matériel. Procédures onéreuses parce qu’il fallait payer chaque fois une taxe.

L’idée est ensuite venue d’une réciprocité, de reconnaître sur le même pied d’égalité tous les radioamateurs qui avaient réussi un examen de radioamateur et de leur permettre d’utiliser leur matériel dans tous les pays de la Communauté Européenne, devenue par la suite Union Européenne.

Il y a eu en parallèle une tâche de lobbying par les associations, l’ UBA, le DARC, le REF,…, appuyés par l’ IARU-R1 pour aboutir en 1985 à l’ HAREC Harmonised Amateur Radio Examination Certificate un certificat attestant la réussite d’un examen de radioamateur.

Pour que ce certificat soit valable dans tous les pays, il fallait que la matière d’examen soit harmonisée, c.-à-d. de même niveau. Et on a donc défini la table des matières pour cet examen HAREC.

L’ HAREC est une recommandation de la CEPT, la Conférence Européenne des Postes et des Télécommunications qui représente une quarantaine de pays européens. C’est une recommandation. Après, chaque pays est libre d’inscrire cette recommandation dans ses propres lois et réglementations.

Cela allait faciliter, ce qu’on appellerait aujourd’hui l’ itinérance.

C’était dans les années 1975-1985. Période formidable pour ceux qui faisaient de l’électronique ou de la radio, ou les deux en même temps : en 1961, on venait alors d’inventer les circuits logiques de la famille TTL, en 1971 Intel lance le premier processeur le 4004 à 4 bits, en 1976 le Z80. En 1977 Tandy lance son TRS-80 le premier ordinateur pour tous. Puis les ampli-op devenaient facilement disponibles. 1980 : les circuits logiques de la famille CMOS.

Donc la licence HAREC est née dans ce creuset d’une période glorieuse de l’explosion de l’électronique des semi-conducteurs et de la miniaturisation. Et, très sincèrement, je me réjouis d’avoir vécu cette époque.

Et puis toute cette électronique, cette miniaturisation, ces microprocesseurs capables de faire des calculs à la vitesse de l’éclair ont conduit à une deuxième vague de révolutions, le traitement numérique du signal, le DSP, et puis la radio définie par logiciel, la SDR et ce n’est pas fini !

Mais 38 ans plus tard (1985 à 2023), il est temps de se poser des questions. Est-ce que le programme HAREC de 1985 répond encore à la technologie et aux us et usages des radioamateurs d’aujourd’hui ? Est-ce que la technologie d’alors n’est pas un peu dépassée par une nouvelle technologie ?

La recommandation CEPT T/R 61 se compose de deux parties 1°) la partie qui règle les aspects de l’itinérance TR 61-01 (cept.org) et 2°) la partie qui contient la matière de l’examen HAREC T/R 61-02 (cept.org)

Est-ce qu’il ne faudrait pas TOUT revoir ?

Je reprends pour référence l’ UIT dans sa recommandation ITU-R M.1544 qui date de 2001 dont le titre est Qualification minimale pour les radioamateurs

R-REC-M.1544-1-201509-I !! MSW-E.docx (live.com)

On note d’abord que ce sont des qualifications minimales, on peut demander plus aussi.

Ce document recommande 1) que les administrations prennent les mesures qu’elles estiment nécessaires pour vérifier les qualifications techniques et opérationnelles des personnes qui souhaitent exploiter une station d’amateur ;

De quelles administrations s’agit-il ? Ce sont les Administrations qui ont en charge la régulation des matières concernant les radiocommunications et chez nous cette administration s’appelle l’ IBPT.

Et puis les mots importants : pour vérifier les qualifications techniques et opérationnelles des personnes qui souhaitent exploiter une station d’amateur ;

Il faut donc vérifier les qualifications (les connaissances, les compétences) des personnes qui veulent opérer une station d’amateur. Et ces qualifications sont de deux natures : les qualifications techniques, c.-à-d. plutôt théoriques et les qualifications opérationnelles, c.-à-d. plutôt pratiques.

Alors quelles sont les qualifications requises pour opérer une station de radioamateur ?

Le document M.1544 continue et décrit ces conditions et elles ne sont pas exhaustives.

2) que toute personne souhaitant obtenir une licence d’exploitation d’une station d’amateur fasse la démonstration de ses connaissances théoriques :

  • de la réglementation des radiocommunications internationale et nationale
  • des méthodes de radiocommunication : radiotéléphonie, radiotélégraphie, données et images
  • de la théorie des systèmes radioélectriques : émetteurs et récepteurs
  • antennes et propagation,
  • mesures
  • de la sécurité des émissions radioélectriques
  • des procédures d’exploitation
  • de la compatibilité électromagnétique
  • des moyens d’éviter et de supprimer les brouillages radioélectriques.

Ces qualifications sont nécessaires pour exploiter une station de radioamateur. Que veut dire « exploiter une station de radioamateur » ? Le texte anglais utilise le mot to operate an amateur station ce qui me paraît déjà plus clair. On pourrait aussi dire mettre en œuvre ou faire fonctionner.

Si on reprend tout ce qui a été publié comme « cours radioamateur » depuis plus de 40 ans, tout ce qu’on trouve sur Internet, tout ce qui circule dans les radioclubs et qu’on analyse le contenu, on peut se poser des questions.

Est-ce que sans la connaissance du code des couleurs des résistances je ne suis pas en mesure d’opérer une station de radioamateurs ? Est-ce que sans connaître la théorie thermoïonique des tubes à vide, je ne suis pas en mesure d’opérer une station de radioamateurs ?

Est-ce qu’il est absolument indispensable de savoir calculer le gain d’un étage avec un ampli-op, pour être un bon opérateur radio ? Est-ce que sans savoir exactement ce qu’est un ampli classe A, A-B ou C,… ?

Et pourtant pendant des décennies, on a martelé cela dans la tête des candidats radioamateurs.

Est-ce qu’il ne faudrait pas tout revoir ?

Je pense que les chapitres 1 à 3 du programme HAREC devraient être complètement supprimés et remplacés par une synthèse. Je pense que ces chapitres devraient être ré-écrits. On ne devrait plus y voir apparaître les tubes. Les chapitres 4 et 5 sur les émetteurs et les récepteurs devraient être complètement revus à la lumière de la technologie actuelle. Mais on pourrait conserver les chapitres 6 Antennes et lignes de transmission, 7 Propagation, 9 Interférences et Immunités et 10 Sécurité du moins dans leurs principes.

Est-ce qu’il faut mettre à la poubelle tout ou une partie ? Est-ce qu’il faut garder certaines bases ? Et quelles sont les bases qui sont absolument nécessaires ? Oui et non.

Est-ce que je vais garder la loi d’ Ohm ?

Est-ce que je ne sais pas opérer une station de radioamateur, si je ne sais pas résoudre ce problème abscons de calculer la résistance équivalente de 12 résistances disposées selon les arrêtes d’un cube ?

Combien de fois dans ma vie de radioamateur ai-je eu besoin des théorèmes de Norton et de Thévenin ?

Est-ce que je dois encore m’intéresser aux résistances bobinées, alors que tous les équipements sont en SMD ?

Est-il vraiment nécessaire de savoir qu’une triode comporte 3 électrodes : la cathode, la grille et l’anode ?

Est-ce que tout cela est bien indispensable pour opérer une station de radioamateur ?

Évidemment lorsqu’on a obtenu sa licence, lorsqu’on a eu le plaisir de faire des QSO, alors on peut aussi se pencher sur des problèmes particuliers, essayer de comprendre la physique des choses, essayer de calculer des circuits ou s’intéresser à des technologies nouvelles.

Monter un transceiver en kit m’a apporté beaucoup de satisfactions, dont celles d’avoir construit quelque chose de mes mains. Mais était-ce vraiment un exploit d’avoir suivi le manuel de montage et d’avoir coché ligne par ligne ce que je venais de souder ? Sincèrement quelle est la plus-value de ça ?

En quoi est-il utile que je m’intéresse aux oscillateurs Hartley et Colpitts, alors que je ne trouve partout que des PLL et des DDS ?

Pourquoi s’intéresser au discriminateur Foster-Seeley, alors qu’on ne trouve plus que des discriminateurs en quadrature ?

Attention, je ne dis pas que toutes ces choses sont fausses ou qu’elles ne servent à rien. Je me demande simplement en quoi toutes ces choses sont indispensables au point de faire partie d’un examen qui vous permettra d’avoir une licence de radioamateur.

Je répète : je ne mets pas toutes ces anciennes théories à la trappe, je me demande simplement en quoi elles sont indispensables pour exploiter, pour opérer, ma station de radioamateur. J’insiste sur les mots indispensables et pour opérer une station de radioamateur.

Conclusion

Je voudrais très sincèrement vous inviter à réfléchir à tout cela en toute sérénité et d’envisager d’ajouter au programme des éléments sur les technologies actuelles et en compensation écarter certaines matières un peu poussiéreuses.

Si nous ne changeons pas notre façon de voir la radio et le radio amateurisme, nous n’aurons plus personne pour l’avenir. Ce qui ne veut pas dire qu’on doit vendre son âme (de radioamateur) au diable !

ON7PC par Pierre Cornelis | ON7PC

Auteur / autrice

  • A travaillé au sein du département des transmissions à la RTBF et a également occupé un poste au ministère. Toujours animé par sa passion pour la radio amateur, il a également assumé des responsabilités administratives à l'UBA et dispense des cours à la section de Liège.