Condensateurs en série, attention à la tension, sinon « pafff ».

Introduction

Dans le cadre des cours radioamateurs à ON5VL en 2024, voici la question d’un quizz qui a retenu notre attention.  Il s’agit de donner la tension maximale admissible aux bornes de deux condensateurs en série qui sont eux-mêmes raccordés respectivement chacun sur une résistance en parallèle.

La réponse à cette question est simple de prime abord et ne nécessite aucune calculatrice.  Tout se passe dans le meilleur des mondes lorsque l’on observe la situation en régime établi avec une source de tension permanente.  Mais que se passe-t-il lorsque l’on enclenche l’alimentation alors que les condensateurs sont déchargés au départ ?  Il y a lieu de penser à ce que l’on n’avait pas pensé et analyser le régime transitoire.  Il vaut mieux être en connaissance de cause, sinon « pafff » le condensateur qui part en fumée juste au moment de l’enclenchement de l’alimentation.

Question du quizz :

La tension admissible pour chaque condensateur (idéal) est 80 V. Quelle est la tension maximale qui peut être appliquée au circuit ?

Fig. 1 : Question d’un quizz proposé sur la tension maximale admissible aux bornes du circuit pour des condensateurs d’une tension maximale de service donnée.

Imaginez la situation où vous vous retrouvez à un examen radioamateur.  Comment réagissez-vous pour donner la bonne réponse en un minimum de temps et éventuellement sans l’aide d’une calculatrice ?

Pour répondre rapidement sans calculatrice à cette question lors d’un examen radioamateur, il est efficace de tenir le raisonnement suivant :

  1. Il y a un pont diviseur résistif constitué de deux résistances qui ont un rapport de 1 à 2 ;
  2. La différence de potentiel aux bornes de la résistance de 5 kΩ est la moitié de celle aux bornes de la résistance de 10 kΩ car les résistances sont en série ;
  3. Il y a deux condensateurs en série qui ont aussi un rapport de 1 à 2 ;
  4. La charge est la même dans chaque condensateur lorsque deux condensateurs sont en série et les tensions de la source se répartissent aux bornes des condensateurs d’une manière inversement proportionnelle à la capacité ;
  5. La tension aux bornes du condensateur de 40 µF est la moitié de celle aux bornes du condensateur de 20 µF ;
  6. La tension maximale se retrouve donc aux bornes du condensateurs de 20 µF et de la résistance de 10 kΩ ;  la tension maximale admissible est de 80 V pour les condensateurs et donc en particulier pour celui de 20 µF ;
  7. Je dois ajouter la moitié de la tension de 80 V aux bornes du condensateur de 40 µF et de la résistance de 5 kΩ pour trouver la tension totale aux bornes du circuit proposé ;
  8. Je dois donc faire les deux calculs suivants pour donner la réponse à la question :
    La moitié de 80 V, c’est 40 V ;
    Je dois ajouter 40 V aux 80 V et je trouve la réponse : 80 V + 40 V = 120 V.

Il n’y a donc pas besoin d’être un ingénieur ni besoin d’une calculatrice pour répondre à cette question.  Le raisonnement décrit ci-dessus, sous la forme d’un mode d’emploi en langue française, peut être tenu en moins d’une minute.

Il y a lieu de remarquer que la question proposée a été très bien pensée.  En effet, si l’on prend isolément d’une part les deux résistances en série, on a un pont diviseur qui réparti les tensions dans un rapport de 1 à 2, et d’autre part, on a deux condensateurs en série qui ont le même rapport de 1 à 2 et qui sont judicieusement placés de telle manière que la répartition des tensions soit exactement les mêmes et orientées de la même façon que celles des deux résistances.  Cela peut se résumer sur la figure suivante.

Fig. 2 : Illustration de la similitude des répartitions de tension d’une part entre les deux condensateurs en série et d’autre part entre les deux résistances en série.  Graphisme : ON4IJ.

Pour ceux qui souhaitent obtenir un mode d'emploi sous la forme du langage mathématique, voici ce que l'on peut retenir d'un cours HAREC :

Pont diviseur résistif (application de la loi des mailles de Kirchhoff) :

En transformant ces formules on peut exprimer la tension maximale aux bornes du circuit à partir de la tension admissible maximale de 80 V qui est donnée et à partir du rapport de 1 à 2 des résistances :

Lorsque l’on a deux condensateurs en série et que ceux-ci sont raccordés sur une source de tension, on constitue une maille dans laquelle le courant est le même en tous points de la maille, ainsi on peut exprimer ce qui suit :
Courant : passage d'une quantité de charges par unité de temps

I et t sont communs aux 2 condensateurs en série dans la maille -> Q1 = Q2 = Q : les charges sont identiques dans chaque condensateur.
Charge d'un condensateur d'une capacité C sous une tension U :

Pour un rapport de 1 à 2 des condensateurs et pour une tension maximale admissible des condensateurs de 80 V par donnée, on obtient :

Pour obtenir la tension totale maximale demandée aux bornes du circuit :
Loi des mailles de Kirchhoff :

On constate ainsi que les tensions réparties au pont diviseur résistif sont les mêmes que celles qui sont présentes aux bornes des deux condensateurs en série qui constituent en quelque sorte un pont diviseur capacitif.  La tension maximale admissible de 120 V au pont diviseur résistif est identique à celle du pont diviseur capacitif.  Ainsi, lorsque les résistances et les condensateurs sont associés comme illustrés à la figure 1, la tension maximale aux bornes du circuit est bien de 120 V.

Que se passe-t-il si la répartition des tensions n’est pas la même aux bornes des condensateurs par rapport à la répartition des tensions aux bornes des résistances ?

Comment donc interpréter ce qui se passe lorsque l’on associe le pont diviseur résistif avec le pont diviseur capacitif ?  Par exemple, tout en conservant les valeurs des résistances de 5 kΩ et de 10 kΩ et en gardant la valeur C2 à une valeur de 40 µF, mais en changeant la valeur de C1 en prenant une valeur de 10 µF à la place de 20 µF, que se passe-t-il si la tension aux bornes du circuit reste à 120 V ?

Réponse : cela risque de faire « pafff » !

Pourquoi ???

Quelqu’un a-t-il une idée ?

Voyons la suite …

On pourrait se dire naïvement que les tensions aux bornes des condensateurs vont finir par s’équilibrer car c’est le pont diviseur qui va finir par imposer les tensions lorsque les condensateurs seront chargés.  En effet, le courant de charge des condensateurs est maximal en début de charge, certes, mais celui-ci diminue au fur et à mesure de la charge et finit par s’annuler lorsque les condensateurs sont complètement chargés.  Ainsi, s’il n’y a plus de courant de charge dans les condensateurs, c’est comme si ceux-ci présentaient une résistance infinie en parallèle sur les résistances de 5 kΩ et de 10 kΩ.  On se retrouve dans les conditions du pont diviseur résistif pur.

Mais encore …

Le courant de charge d’un condensateur est maximal au début de sa charge.  Ce courant est limité par la résistance interne d’une source de tension réelle.  On peut donc établir que la valeur du pic de courant en début de charge d’un condensateur équivaut la valeur du courant de court-circuit de la source de tension réelle.

Pour rappel :

L’ordre de grandeur de la résistance interne d’une source de tension, c’est-à-dire celle d’une alimentation régulée ou celle d’une batterie, cette valeur est très faible et est de l’ordre de grandeur de quelques dixièmes d’Ohms.  Pour une alimentation de 120 V et d’une résistance interne de 1 Ω, on obtiendrait un courant de court-circuit de 120 A.

D’une part, on constate que l’ordre de grandeur du pont diviseur résistif constitué de deux résistances de valeurs de 5 kΩ et de 10 kΩ sont de 5000 à 10 000 fois plus grandes que la résistance interne de l’alimentation.  D’autre part, lors de la pointe de courant maximal de charge des condensateurs, ceux-ci se comportent comme de véritables courts-circuits un bref instant.  En outre, tant que le courant de charge est plus important dans les condensateurs que celui qui circule dans le pont diviseur résistif, ce sont les condensateurs qui imposent la répartition des tensions dans le circuit proposé, cela au cours de la charge des condensateurs.

C’est donc au moment de la mise sous-tension du circuit qu’une tension aux bornes d’un des deux condensateurs peut dépasser la tension maximale admissible, et donc « pafff ».

Ainsi, pour répondre valablement à la question du quizz, il y a lieu d’établir le calcul d’abord sur le pont diviseur capacitif et ensuite sur le pont diviseur résistif.  Nous allons voir un exemple immédiatement ci-dessous.

En remplaçant le condensateur de 20 µF par un autre dont la valeur est de 10 µF, voici les répartitions de tensions avec le deuxième condensateur de 40 µF :

Pour mieux visualiser les choses, on va utiliser un logiciel de simulation.  Vous n’aurez pas ce logiciel à votre disposition lors de l’examen à l’IBPT, faut-il vous le dire.  Ici, dans le cadre de cet article technique, la simulation ne fait que montrer le phénomène.

Ce qu’il y a lieu d’observer dans la simulation, à part la couleur des courbes, c’est l’évolution de la tension aux bornes des condensateurs au moment de la charge de ceux-ci (diviseur capacitif) et ensuite l’évolution de tension lorsque celle-ci tend à s’équilibrer en final sur la répartition des tensions du pont diviseur résistif.

On constatera que la constante de temps de charge est très courte car la seule résistance en série dans le circuit est la résistance interne de la source de tension réelle.  La source de tension réelle est donc représentée par une source de tension idéale avec une résistance mise en série.  La constante de temps de décharge partielle du condensateur sur les résistances du pont diviseur est relativement longue par rapport à la constante de temps de charge car les résistances du pont diviseur sont de valeurs bien plus élevées (5 kΩ et 10 kΩ) par rapport à la résistance interne de la source de tension (ici choisie à une valeur de 150 Ω).

Fig. 3 : Schéma pour la simulation du circuit proposé mais avec un condensateur de 10 µF à la place d’un condensateur de 20 µF.  La source de tension est de 120 V avec une résistance interne de 150 Ω servant de shunt de mesure pour le courant de charge.  Le voltmètre VM1 mesure l’évolution de la tension aux bornes du circuit ; le voltmètre VM2 est celui qui nous intéresse pour observer la répartition des tensions aux bornes du condensateur qui va subir une surtension ; le voltmètre VM3 donne le reflet du courant de charge du circuit ; le voltmètre VM4 donne la tension de la source idéale dont on va simuler un échelon de tension : enclenchement de l’alimentation.  Graphisme : ON4IJ.  Logiciel TINA de Texas Instrument.

Fig. 4 : Simulation de l’évolution des tensions aux bornes du circuit (courbe bleue), de l’évolution de la tension aux bornes du condensateur de 10 µF qui subit une surtension (en rouge), de l’évolution du courant de charge (en vert) et de l’enclenchement de l’alimentation de 120 V (en magenta).  La simulation porte sur le régime transitoire au moyen d’un échelon de tension.  Un premier curseur indique la valeur de la surtension de 95,3 V aux bornes du condensateur de 10 µF après un temps de charge de 10,27 ms et un deuxième curseur montre la valeur de tension de 80,69 V atteinte après une durée de 395,56 ms après l’enclenchement de l’alimentation.  Graphisme de la simulation de ON4IJ par le logiciel TINA de Texas Instrument.

Application pratique

Parmi le matériel qu’un radioamateur puisse utiliser pour sa station, il y existe des amplificateurs linéaires radiofréquences à tubes de forte puissance.  Cela requiert une alimentation très haute tension pour le circuit anodique des tubes de l’amplificateur.

Le filtrage capacitif de cette branche à très haute tension est souvent réalisée avec des condensateurs en série de façon à atteindre la valeur de la haute tension.  Comme technologiquement parlant, il n’est pas toujours possible de trouver des condensateurs de forte capacité et de tension de service maximale admissible de valeur aussi élevée, on réalise le filtrage très haute tension au moyen de plusieurs condensateurs montés en série et d’une valeur de capacité désirée, mais avec une tension maximale admissible qui puisse exister sur le marché des composants électroniques.

Nous donnons ci-dessous l’illustration d’un exemple d’un condensateur d’une valeur légèrement supérieure à 100 µF devant être placé sur une alimentation de 1200 V.  Les condensateurs disponibles ont une tension maximale admissible de 350 V.  Il faut donc au moins 4 condensateurs en série d’une valeur normalisée de 470 µF pour atteindre une tension de service de 1200 V avec une marge de sécurité appréciable tout en obtenant la capacité désirée de 100 µF.

Fig. 5 : Composition d’un condensateur très haute tension de 1200 V et d’une capacité d’au moins 100 µF à partir de 4 condensateurs de valeur standard de 470 µF et d’une tension maximale admissible de 350 V.  Un pont diviseur résistif constitué de 4 résistances de 100 kΩ assurent l’équilibrage des tensions réparties de 300 V (voir texte ci-dessous).  Graphisme : ON4IJ.

Pourquoi mettre des résistances de 100 kΩ en parallèle sur chaque condensateur de 470 µF / 350 V ?

Il y a au moins deux raisons.

La première raison est que les valeurs des capacités ont une tolérance de l’ordre de 10 % à 20 %.  On se retrouve dans la configuration d’un pont diviseur capacitif avec des tensions réparties inégales et inversement proportionnelles à la valeur des capacités.  Les condensateurs ont tous une valeur nominale identique et il n’y a donc que la disparité des valeurs des capacités qui est maîtrisée en fonction de la tolérance des condensateurs.  La disparité des valeurs des capacités se répercute donc d’une façon maîtrisée sur les écarts de tensions aux bornes de chaque condensateur.  Cet aspect est critique lors de chaque enclenchement de l’alimentation comme on a pu l’étudier ci-dessus.  Il est donc absolument nécessaire de prévoir dès le départ des condensateurs dont la tension maximale admissible est bien supérieure à la tension de service de l’alimentation.  Dans l’exemple illustré ci-dessus, on a une tension de service de 300 V aux bornes de chaque condensateur dont la tension maximale admissible est de 350 V, ce qui garantit une marge de sécurité acceptable.  Les résistances constituant le pont diviseur résistif rétablissent à terme un équilibrage des tensions en régime établi lorsque l’alimentation est déjà enclenchée depuis longtemps.  Il est donc prudent de ne pas laisser une surtension permanente aux bornes de certains condensateurs, surtension qui apparaît au moment de l’enclenchement de l’alimentation.  Les résistances permettent donc de résorber lentement cette surtension.

La deuxième raison est que le diélectrique qui sépare les électrodes des condensateurs a une valeur très élevée, certes, mais pas infinie.  Cette résistance est appelée résistance de fuite des condensateurs.  Ainsi, il existe, à cause de la résistance du diélectrique des condensateurs, un léger courant de fuite permanent à travers les condensateurs.  Comme la résistance de fuite peut être relativement différente d’un condensateur à l’autre et, étant donné que le courant est identique en tous points d’une maille (loi de Kirchhoff), on peut avoir une disparité des chutes de tensions dues à la disparité des résistances de fuite des condensateurs.  Pour résorber ce phénomène, on choisit une valeur des résistances du pont diviseur résistif pour que l’on puisse obtenir un courant dans les résistances bien supérieur au courant de fuite des condensateurs.  En appliquant la loi des nœuds de Kirchhoff, on a la même tension aux bornes de la résistance du pont diviseur et de la résistance de fuite du condensateur et les courants se répartissent entre la résistance du pont résistif et la résistance de fuite du condensateur en régime établi.

Enfin, il y a lieu de bien dimensionner la puissance maximale admissible des résistances du pont diviseur, en particulier pour un dispositif haute tension car la puissance dissipée est proportionnelle au carré de la tension.

On choisira des résistances de 2 W par sécurité.

Conclusion :

Dans un circuit composé de condensateurs en série avec des résistances en parallèle sur les condensateurs, la répartition des tensions s’effectue d’une manière indirectement proportionnelle à la capacité et il peut y avoir une surtension aux bornes d’un condensateur au moment de la charge des condensateurs constituant l’ensemble du circuit par rapport à celle qui est déterminée par les résistances constituant un pont diviseur résistif.  Le pont diviseur résistif permet de maintenir en régime établi une répartition maîtrisée des tensions malgré la disparité des valeurs des capacités des condensateurs et malgré la disparité des résistances de fuite de ceux-ci.

Il est prudent de prévoir une marge de sécurité suffisante pour la tension maximale admissible des condensateurs pour éviter de claquer les condensateurs par surtension au moment de la charge d’un ensemble constitué de condensateurs en série.

Enfin, il y a lieu de prévoir une puissance de dissipation maximale avec une marge de sécurité pour les résistances placées en parallèle avec les condensateurs.

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